Saint-Servan, cité d'Alet, Rothéneuf… Les autres quartiers de Saint-Malo
Ceinturée de remparts, la cité corsaire défie l’océan. Si les touristes arpentent les rues pavées d’Intra, la santé de la ville s’affiche aussi hors les murs, avec ses rues boutiquières, ses quais du commerce et sa vigueur touristique, à découvrir sur le Sillon, à Saint-Servan, à Rothéneuf… Pleins feux sur une ville accomplie.
Saint-Malo n’est pas que Saint-Malo. Il y a aussi Saint-Servan, la cité d’Alet, le Sillon, Rocabey, Paramé, Rothéneuf, le port et même les îles. C’est par ces « extérieurs » que nous proposons de découvrir l'une des stations balnéaires d'Ille-et-Vilaine, des marges certes moins connues mais tout aussi riches.
La cité d'Alet
Pour suivre un ordre chronologique, cap sur la cité d’Alet. Perchée sur un promontoire rocheux de Saint-Servan, c’est ici, au VIème siècle, qu’un moine gallois, Malo, évangélisa une antique cité gallo-romaine, dont il ne reste qu’un pan de mur. Elle avait été fondée avant J.-C. par les Coriosolites, peuple gaulois. Prospère – les vestiges d’une cathédrale du XIIème siècle trônent toujours au bout de la rue de la Cité –, elle émigra plus tard vers l’actuelle Saint-Malo. Le rocher d’Alet offre aujourd’hui un double intérêt : la promenade sur sa corniche, épargnée par la foule, ouvre une vue splendide Intra-muros, Petit Bé et la rade ; le fort, bâti à l’emplacement de cette cité en 1759, abrita lors de la Seconde Guerre mondiale un des principaux postes de commandement du mur de l’Atlantique, système de défense de l’armée allemande. Trente-deux bunkers, 1 500 mètres de galeries souterraines avec dortoirs, cuisines, centrale électrique… plongent le visiteur, depuis le Mémorial 39-45, dans l’univers militaire glaçant du IIIe Reich.
L’accueil de Saint-Servan
Le port et le village de Saint-Servan sont plus accueillants. Oui, village, tant Saint-Servan fut jusqu’en 1967, et son rattachement à Saint-Malo (comme Paramé), une commune à part entière. À trente minutes à pied de la cité malouine, l’esprit de cet ancien port de pêche et chantier naval demeure, autour de la plage et de la tour Solidor. Solidement planté face au quai, ce donjon du XIVème siècle, renforcé au XVIIème, commandait l’entrée de l’estuaire de la Rance. Il faut prendre le temps de flâner sur les quais pour en profiter. Déjeuner dans un restaurant, comme l’excellent La Cale-Solidor ; pousser jusqu’au bout du quai pour voir exposée sous son hangar l’Ar Zénith, un dundee de 21 mètres, première chaloupe à avoir gagné l’Angleterre en 1940, depuis Audierne ; basculer vers l’anse des Sablons et sa plage pour une balade charmante face aux bateaux de plaisance, avant de prendre un verre à la terrasse du Cunningham, accolé au phare ; remonter dans le bourg jusqu’à la massive église Sainte-Croix de Saint-Malo, au portail à colonnes ; et pousser par la rue Duperré jusqu’à la mairie et la rue Ville-Pépin, artère du shopping avec sa librairie Le Porte‑Plume, la plus ancienne de Saint-Malo (1930).
La balade du port
Les ports, devrait-on dire d’ailleurs, tant ils cumulent plusieurs fonctions. C’est d’abord un port de voyageurs, le premier de Bretagne en nombre de passagers. Les ferries vers les îles Anglo-Normandes et l’Angleterre assurent un trafic à l’année, depuis le terminal de Naye. C’est aussi un port de commerce. Pour s’imprégner de cet environnement industriel, un seul trajet : celui qui part du rond-point du Naye et file par le chemin des Corsaires jusqu’au bassin Duguay-Trouin, entre les bassins à hangars Vauban et Cartier. Saint-Malo est également un port de pêche. Dans le bassin Bouvet, où s’alignent des chalutiers de pêche en Manche, la criée confirme la place de cette activité. La cité corsaire est enfin un port de plaisance : les bassins Vauban, face aux remparts, et des Sablons, à Saint-Servan, totalisent près de 1 500 anneaux. Ce n’est pas le nombre de courses à la voile partant de Saint-Malo qui infirmera le propos, tant la place est célèbre pour ses départs transatlantiques, à commencer par la Route du Rhum. Le quai du Bajoyer, sur le bassin Vauban, porte sur son sol les empreintes des vainqueurs de cette course mythique.
Jusqu’à Rothéneuf
Du port, l’itinéraire se prolonge logiquement vers le Sillon, Rothéneuf et Paramé. Le Sillon étant le lieu le plus connu hors intra-muros. Les tempêtes qui battent sa digue sont légendaires. Il fut un temps où ne régnaient pourtant ici que des goémoniers et des agriculteurs. C’était avant l’arrivée d’Édouard Hébert, en 1875. Ce banquier parisien hérite de parcelles à Paramé et s’entiche du coin, pariant sur son essor balnéaire. Entre 1881 et 1885, 150 villas sont bâties par sa société. La fameuse digue, elle, sera achevée en 1913. La balade sur ce front de mer piétonnier et dans les rues voisines de Rocabey et de Paramé, livre l’étendue des styles architecturaux. Classiques, Art déco, féodales, néobretonnes, néo-flamandes, italianisantes… À voir, bien sûr, les Thermes marins et le Grand Hôtel de Paramé (1883) ; le chalet du Trocadéro (1880), ancien pavillon de l’Exposition universelle de 1878, démonté et reconstruit avenue Jules-Simon ; la villa Duguay Trouin (1888), une « semi-circulaire » originale, ex-propriété d’un rédacteur du Figaro ami d’Hébert ; la villa Castel Marie (1894), avec ses petits pinacles en forme d’ananas, référence possible à ce fruit cultivé à l’époque sous serres ; la Marelli, de style normand, et la villa Nina, plus excentrique (1903) ; le Grand Hôtel Courtoisville, rue Michelet, ex-première remise automobile de Paramé… À cette époque florissante, les jeunes filles du cru étaient embauchées comme domestiques. Marcher ainsi sur le Sillon, en longeant les fameux brise-lames en bois que Chateaubriand évoquait déjà dans ses Mémoires d’outre-tombe, peut conduire jusqu’à la pointe de la Varde, à Rothéneuf. La vue scénique sur l’enfilade de plages du Sillon et ses maisons nobles (entrecoupée de disgracieux immeubles des années 1970) est édifiante.