Turenne, pépite du causse corrézien
Turenne aux confins du Lot et de la Corrèze, enchevêtrement de toits gris bleuté sous la protection d’un château fort haut perché, émerge soudainement des vertes ondulations qui enserrent la vallée.
De sa butte, Turenne nous parle de la grandeur de ce petit royaume dans le royaume, du Moyen Âge jusqu'en 1738. La perte de sa souveraineté est due à l'impécuniosité du dernier de ses vicomtes, Charles-Godefroy de la Tour d'Auvergne, qui la céda à Louis XV contre paiement de ses dettes de jeu.
La foire aux boeufs gras
Sur la Place du Foirail dans le Barri-Bas (quartier de la Ville-Basse), malgré le froid acéré, elles sont toutes là, ponctuelles au rendez-vous annuel, une semaine avant Pâques. Ne sont présentes que des bêtes pomponnées et sur leur trente et un. C’est que la foire aux bœufs gras du jeudi de la Passion reste un événement turennois. Les éleveurs corréziens et lotois s’évaluent du coin de l’œil ; les membres du jury de cette foire primée, jaugent, jugent et ont déjà leur petite idée sur la trentaine de belles limousines. Un solide casse-croûte ingurgité et les réjouissances vont débuter.
Un village chargé d'Histoire
C’est de la place du Foirail, et de l’hôtel Sclafer avec sa terrasse à l’italienne, qu’il faut partir pour découvrir ce village chargé d’Histoire du causse corrézien. L’unique rue qui traverse dans toute sa longueur le quartier du bas – rue du Commandant-Charolais – se partage en deux sections de part et d’autre de la place de la Halle.
Ce carrefour animé est bordé de maisons bourgeoises et d’hôtels particuliers des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles ; jouxtant la maison des Dames de Montgalvy, la maison Vachon fut l’ancienne demeure des consuls de Turenne aux XVIe et XVIIe siècles. Face à elles, remarquez la maison Crozat, l’hôtel de Carbonnières et la maison des Chanoines et sa porte de style gothique flamboyant.
Après la place, s’insinuant entre deux hôtels, la rue Droite monte à l’assaut de la plate-forme circulaire des anciennes lices ceignant le promontoire du château. Celles-ci dénombrent des maisons de notables, des demeures à encorbellements, des échoppes jadis occupées par des commerçants.
La rue de l’Église passe devant la maison de l’Ancien-Chapitre (porte Renaissance) et vous dépose sur le parvis de l’église collégiale Saint-Paul, fondée probablement par Charlotte de La Marck, première épouse d’Henri Ier, en 1593. Son riche mobilier renferme notamment un maître-autel au-dessus duquel resplendit un retable en bois doré finement sculpté (XVIIe siècle). Au-dessus de Saint-Paul, un vaste édifice nommé maison Tournadour était le grenier à sel.
Plan urbain particulier
Des trois enceintes enveloppantes à courtines ne restent que des éléments très épars et une porte fortifiée, jouxtant la maison dite du Sénéchal ; c’est en la franchissant que vous pénétrez dans la Ville Haute. La terrasse sommitale porte les vestiges du château médiéval, démantelé par Louis XV suite à la réunion de la vicomté de Turenne à la Couronne de France.
Au nord, l’éminence aux parois abruptes portait le castel, d’où se détache le corps principal du village descendant en pente douce vers le sud-ouest. Il se prolonge au-delà de la place du Foirail par le faubourg – ou « barri » – du Marchadiol. Un toponyme qui évoque la corne d’abondance de la cité : son réputé marché d’huile de noix.À cette pointe nord de la butte se trouvaient également deux autres faubourgs : le barri de Magal organisé autour d’un large puits toujours présent et, sur le flanc est, le barri Saint-Paul dont il ne subsiste que l’ancien ermitage Saint-Paul.
Cet ensemble est desservi par un maillage de rues, ruelles, passages sous voûtes aux tracés originaux, car épousant, de manière perpendiculaire ou en oblique par rapport à la butte du château, les courbes de niveau. Ces petites voies sont très resserrées, fort raides et pentues.
La dynastie des La Tour d'Auvergne
Parmi les quatre grandes familles qui détinrent successivement le titre vicomtal, les La Tour d’Auvergne, à compter de 1444, vont porter le nom de Turenne très haut.
Henri de La Tour d’Auvergne, fils cadet d’Henri Ier de La Tour d’Auvergne et de sa seconde épouse Élisabeth de Nassau, futur « Grand Turenne », s’illustre avec panache sur les champs de bataille de la guerre de Trente Ans et mène des campagnes finement stratégiques contre les Impériaux.
Maréchal de France (1643), il prend néanmoins parti pour la Fronde, avant de se rallier à la Cour après sa défaite à Rethel et de se convertir au catholicisme. Lors de la guerre de Hollande, il est frappé par un boulet à Salzbach en Allemagne, en juillet 1675. Sa mort est un deuil national et son corps est inhumé à la basilique de Saint-Denis, avant d’être transporté aux Invalides sur ordre de Bonaparte.