L'Hermione, l'inoubliable voyage de La Fayette
Depuis son voyage de l'été 2015 aux États-Unis, la frégate Hermione a acquis une place de choix dans le coeur des Français. Nul besoin d'être un fin connaisseur de la navigation à l'ancienne pour tomber sous le charme de ce voilier qui affiche une personnalité frappante, mélange unique d'élégance et de puissance.
L'aventure de l’Hermione commence en février 1780, lorsque Louis-René de Latouche-Tréville, son commandant, reçoit l’ordre de transporter le marquis de La Fayette à Boston. Ce général major au service des États-Unis d’Amérique est chargé d’un message capital pour le général Washington, chef des insurgés américains contre l’Angleterre. L’histoire est entrée dans la légende franco-américaine : grâce aux renforts français commandés par Rochambeau et La Fayette, Washington obtient l’indépendance américaine. Tandis que les combats se succèdent sur terre, aboutissant lentement mais sûrement à la victoire, l’Hermione combat sur mer et fait de nombreuses prises.
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Le rôle d'une frégate
En 1993, l’association Hermione-La Fayette annonça la mise en chantier d’une reproduction de la fameuse frégate. Mais ce n’est qu'en 2015, qu’une nouvelle Hermione traversa l’Atlantique. Les frégates ne participaient pas aux batailles navales, lesquelles ne voyaient s’affronter que des escadres constituées de vaisseaux. Les frégates accompagnaient ces escadres comme bâtiments auxiliaires : elles naviguaient en éclaireur, portaient secours aux vaisseaux désemparés lors de la bataille, servaient d’estafette... Transporter le général major marquis de La Fayette de Rochefort à Boston était une mission typique pour une frégate.
Les dessous d'un bateau
Aujourd’hui, quand on regarde une frégate du XVIIIe siècle, l’énorme figure de proue, les bouteilles vitrées en proéminence sur l’arrière, la rangée de canons pointant de leurs sabords donnent au navire une apparence baroque plutôt lourde, a priori peu propice à la vitesse. Mais il ne faut pas s’y tromper : les performances d’un bateau tiennent à la partie de coque immergée qu’on appelle carène. Des formes de cette dernière dépend la capacité du bateau à avancer dans l’eau sans générer les remous qui le ralentiraient. Or, le dessin de la carène apparaît parfait !
De la cale au pont principal
De plus, pour comprendre la conception d’une frégate, il faut la regarder en coupe. On voit alors qu’elle se divise en quatre « étages » : en bas, la cale qui était le lieu de stockage ; au-dessus, l’entrepont où logeait l’équipage (dormant dans des hamacs suspendus aux barrots de pont) ainsi que le bétail sur pied pour les vivres frais ; plus haut se trouvait le pont de batterie, avec ses rangées de canons. Le dernier niveau, dit pont des gaillards, était le plus visible puisqu’on y manœuvrait. Mais le pont principal restait celui des canons : il se prolongeait à l’arrière par les logements du commandant et du second ainsi que la « grande chambre » qui servait de carré aux officiers. La partie centrale de ce pont recevait les trois embarcations du bord. On y trouvait aussi la cuisine et surtout le grand cabestan, ce treuil puissant actionné par soixante hommes pour les manœuvres de force, comme le relevage des ancres.
250 000 visiteurs par an!
C’est le 4 juillet 1997, jour anniversaire de l’Indépendance américaine, que fut posée la quille d’une reconstitution de la frégate l’Hermione. Qui aurait imaginé que le chantier durerait jusqu’en 2015, et surtout qu’il attirerait 250 000 visiteurs par an en moyenne ? Car la construction de cette frégate passionna le public pour des raisons qui dépassaient largement l’univers maritime. En effet, les constructions en bois brut comme les chalets, les moulins, les charpentes de châteaux... ne manquent jamais de fasciner. Mais seul un bateau affiche des formes aussi élégantes, et c’est avec émerveillement qu’on revenait voir l’avancée des travaux. Le gréement de l’actuelle Hermione a été refait à l’identique.
Merci, Messieurs les Anglais…
d’avoir capturé la Concorde en 1783! Cette frégate appartenait à la même série que l’Hermione, et à l’époque, la Royal Navy était consciente de la supériorité française en architecture navale. C’est pourquoi elle relevait systématiquement les cotes des navires tombés entre ses mains, et établissait pour chacun d’entre eux un dossier complet. C’est ainsi que, deux siècles plus tard, le Maritime Museum de Greenwich ne dissimula pas son plaisir à fournir les plans de la Concorde, qui servirent à la construction de l’Hermione. Car la Marine française, elle, les avait perdus!
Une pépinière de marins
Câbles et manœuvres ont été toronnés dans des fibres végétales en chanvre et sisal. Quant aux voiles — en lin — elles ont été achevées à la main. Si construire et gréer une frégate du XVIIIe siècle fut un pari risqué, la doter d’un équipage et la faire naviguer constitua un tout autre défi, guère moins difficile. En effet, même si le trois-mâts Belem avait pu constituer une pépinière de marins ayant l’expérience des grands voiliers, l’armement de l’Hermione se situait dans un nouveau domaine de compétences. Le premier point fut donc de trouver un commandant. En 2010, le collège d’experts en charge de la phase « navigation » de l’Hermione avait intégré celui qui commandait alors le Belem, un certain Yann Cariou.
Le goût de l'aventure partagé
C’est le désir d’expériences nouvelles qui l’amena, à 47 ans, à quitter la Marine nationale pour prendre le commandement du grand voilier français Belem. Et une escale à Rochefort qui le conduisit à visiter l’Hermione, ne soupçonnant pas que le commandement en allait lui être proposé un jour. Lorsqu’il lui fallut constituer un équipage, le problème ne fut pas de trouver des volontaires puisqu’il s’en présenta 800. Il s’agissait de savoir si, parmi eux, se trouvaient les 150 dont l’Hermione avait besoin, et parmi ces derniers, un tiers de femmes ! Une première épreuve éliminatoire, toute simple, assura une première sélection sévère : monter dans le gréement ! Ensuite, figura la motivation, avant même une quelconque expérience de la navigation. Et l’option se révéla judicieuse, si on considère la façon dont, en quelques semaines, la frégate fit ses essais, testa ses gabiers et traversa par deux fois l’Atlantique.