Le Havre en noir et blanc par Bernard Plossu
Connaissez-vous l’expo photo Le Havre en noir et blanc ? À partir du 10 octobre 2015, découvrez au MuMa – le Musée d’art moderne André Malraux - une exposition sur Le Havre imaginée par le photographe français Bernard Plossu. Riche de 104 clichés, l’expo photo Le Havre en noir et blanc est une promenade sentimentale au cœur de la ville bombardée puis reconstruite par Auguste Perret. La tour Saint-Joseph, le front de mer, le musée Malraux, la ville portuaire. Bernard Plossu fait naître un sentiment de mélancolie chez les visiteurs de son expo photo Le Havre en noir et blanc.
Moi, le photographe au 50 mm en argentique, ce que j’essaye de comprendre et de partager, c’est le mélange de tout ça, l’architecture de Perret, l’arrivée des porte-containers géants, la vue depuis les fenêtres immenses du musée Malraux, et surtout, le bruit des galets quand les vagues les roulent : s’arrêter et les écouter; il fait bon vivre...
On trouve peu de nostalgie dans les photographies de Bernard Plossu mais des lignes de force et des ombres marquées qui soulignent magistralement l’architecture de Perret. Les 104 photographies présentées au MuMa à partir du 10 octobre 2015 et jusqu'au 28 février prochain sont un éclatant témoignage d’affection du photographe pour la ville portuaire du Havre, classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité par l’Unesco depuis 2005.
2. Bernard Plossu, Le Havre, octobre 2013 © Bernard Plossu.
Je vois un « front de mer » qui regrouperait tous les monuments de la ville et escorterait les navires jusqu’à leur entrée au port
Pour qui approche Le Havre par la mer, il est un moment magique où la forme de la ville se dessine au loin, confondue avec la ligne sombre de la côte. Juste devinée, elle prend l’apparence qu’on lui prête, dans les souvenirs comme en imagination, et se livre à la conquête. Bernard Plossu cadre à la volée des fragments de réalité, les cheminées de la centrale électrique, le phare d’alignement, les portiques de Port 2000 et les cuves du terminal pétrolier, juste devinés et se mêlant aux hérissements du fin treillis des grues, des pylônes. Sur les sols goudronnés, pavés, striés de marques, les rails dessinent des courbes qui entraînent l’œil en douceur. *
2. Bernard Plossu, Le Havre, octobre 2013 © Bernard Plossu.
Ce majestueux clocher de béton ponctue nombre des photos. Et puis, dans un éclat de rire, Plossu devient un photographe indigne du maître. Au milieu d’une rue dont la perspective fuit vers l’église face à nous, nous voici avec les Beatles. Au premier plan, les bandes blanches d’un passage piéton rappellent la photo de la célébrissime pochette du disque Abbey Road, où les quatre musiciens traversent une rue bordée d’arbres. En place de John Lennon et en sens inverse, un caniche blanc traverse la rue avec son maître de noir vêtu... Clin d’œil pour le plaisir... (...)
La plage qu’il regarde génère un art de vivre, de voir, de se mouvoir, de respirer. À deux pas de la ville qui s’ouvre à elle par la symbolique Porte Océane de Perret, elle donne une saveur infinie au temps de la promenade, du jeu et de la rêverie. Comme des notes de musique sur une portée lumineuse prise entre terre et ciel, les silhouettes s’égrènent sur l’horizon, la rumeur des conversations se mêle à celle de l’eau. Dans le contre-jour de l’aube, quand la mer qui s’étire doucement est la seule à bouger, les galets de la plage déserte se transforment en immeubles de béton qui deviennent à leur tour des paquebots. Urbanité de la plage, où l’on joue, parle, marche, pédale, se repose et se rencontre... Sensible au bonheur de vivre de tout un chacun (quand il parle « des gens », transparaît une forme de tendresse fraternelle), pudique dans son observation des anonymes, Plossu reste à distance, donnant à ses images une dimension inclassable. (...)
Dans la conjonction des hasards, imaginaires ou réels, que Plossu offre à nos yeux à la façon de Julien Gracq à Nantes, la tour Saint-Joseph apparaît dans la vision nocturne, chère aux peintres romantiques, d’un phare rivalisant avec la lune. Ici, pas de vagues monstrueuses ni d’éclairs sur la mer déchaînée comme les dépeint Rachilde dans sa Tour d’Amour. L’imaginaire rentre dans le cadre de l’orthogonalité de la ville. (...)
Le photographe

* Photos commentées par Aude Mathé, architecte, chercheure et spécialiste depuis vingt ans de la question des images de l’architecture et de la ville.
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