La Recouvrance et le Renard, petits bâtiments de guerre
Reconstitution d'une goélette aviso pour la Recouvrance et d'un cotre corsaire pour le Renard, les voiliers emblématiques de Brest et de Saint-Malo nous ramènent à l'époque des guerres napoléoniennes. En 1813, le Renard, dernier bâtiment armé en course par le fameux Surcouf, affronta en combat une goélette anglaise qui ressemblait à... la Recouvrance.
C'est pour le rassemblement de Brest en 1992 que les ports de Brest et de Saint-Malo firent construire ces répliques, légèrement plus courtes et moins voilées que les bateaux qui leur ont servi de modèle. Il s’agissait de réduire les coûts d’exploitation en limitant l’équipage professionnel imposé par la réglementation maritime. Par ailleurs, et pour des raisons de confort, les deux voiliers possèdent un pont et une cabine dans laquelle on se tient debout. Dans leur aménagement original, ces bateaux étaient dotés de deux ponts, où on se tenait assis ou couché.
Un bateau aventurier
La Recouvrance est une goélette aviso comme celles que les marines française, anglaise et américaine armaient au XIXe siècle. Ces petits navires de 25 mètres au pont possédaient une coque à la fois fine et puissante, portant un gréement de goélette à huniers avec des mâts très inclinés. Leurs missions étaient très variées : assurer les liaisons entre les vaisseaux d’une escadre au large, partir en éclaireur au contact des flottes ennemies, pratiquer l’espionnage... Toutes ces missions exigeaient des voiliers rapides, manœuvrants, capables de tenir longtemps le large ; ne serait-ce que pour rejoindre leur affectation sur les côtes d’Afrique ou en plein Pacifique. Ces voiliers sont d’authentiques bateaux de l’aventure !
Les secrets de la navigation
Mais la construction de cette goélette ainsi que sa mise au point constituèrent une petite épopée. Ainsi, les archives de la Marine nationale recelaient des centaines de plans correspondant au projet brestois. L’étude des rapports de mer rédigés autrefois par les commandants d’avisos gréés en goélette laissait penser que la mise au point et la manœuvre de ces bâtiments exigeaient du doigté et de l’expérience. Comment être certain de faire le bon choix ? On opta pour un plan dont on savait qu’il avait servi à construire plusieurs bâtiments. L’Iris, conçue en 1817, servit donc de modèle à la future Recouvrance. L’équipage qui se chargea de gréer la goélette et d’effectuer les premiers essais vécut des moments impressionnants, car il lui fallut apprendre à maîtriser un voilier nerveux. Au début des années 1990, on commençait seulement à découvrir les secrets de la navigation à l’ancienne, et ce fut l’occasion de mesurer le fabuleux savoir-faire des marins du XIXe siècle. Aujourd’hui, menée par un équipage dynamique et attentionné, la Recouvrance embarque des passagers payants pour des sorties à la journée ou de courtes croisières. Tous débarquent enthousiasmés.
Légère et rapide, l'élégante Recouvrance est un bateau impétueux : il faut de l'expérience à la manoeuvre.
Le dernier bâtiment corsaire de Surcouf
En découvrant cette coque relativement modeste, il vient tout de suite à l’esprit que le célèbre corsaire avait armé un bien petit navire. Pour les corsaires, le choix d’armer de petites unités n’était pas dicté par l’impécuniosité des armateurs, mais bien au contraire relevait d’une logique stratégique, dictée par l’expérience. Le vrai Renard prenait donc la mer avec 60 hommes à bord, et il patrouillait dans la Manche en attendant de rencontrer un navire marchand arborant le pavillon d’une nation ennemie. Les manœuvres qui s’ensuivaient montrent comme un petit cotre à équipage pléthorique était bien adapté à la guerre de course. En effet, la meilleure tactique consistait à aborder le navire par la hanche, dans l’angle mort sous lequel l’adversaire ne pouvait pas faire feu de ses canons, et sous le vent afin d’avoir moins haut à grimper pour atteindre la dunette. La stratégie des corsaires était de sauter à bord et de se précipiter sur l’état-major : si ce dernier ne commandait pas immédiatement à son équipage de se rendre, il était massacré séance tenante.
Rusé comme un renard !
Pour cette attaque à l’abordage, le faible tonnage du cotre ne montrait que des avantages. Sa coque, au ras de l’eau, se trouvait en dessous des canons du bâtiment attaqué. Au moment de l’abordage, les éventuelles bordées qu’il tirerait passeraient au-dessus du pont. La grande vergue du Renard offrait une passerelle idéale pour déferler à bord de l’adversaire. Le navire étranger ayant été capturé, le corsaire y laissait un équipage de prise chargé de le ramener à Saint-Malo ou un autre port français. Le Renard de Surcouf fut détruit en 1813 lors d’un combat contre la goélette anglaise Alphea, l’équivalent de la Recouvrance. Lorsqu’elles se rencontrent, leurs répliques mettent parfois en batterie leurs canons factices, afin de célébrer ce qui fut un grand moment de gloire !