L'histoire extraordinaire des Buttes-Chaumont
D’un mont Chauve mal famé d’où l’on extrayait du gypse a surgi le parc le plus romantique de la capitale. Les « Tuileries du peuple », comme le surnomma à l’époque La Revue de Paris, allaient connaître un fort bel avenir...
Le temple de la Sibylle, qui couronne le belvédère, offre l’un des plus beaux points de vue sur le parc et la capitale.
À cet endroit se dressa jusqu’au XVIIe siècle l’épouvantable gibet de Montfaucon, conçu pour la pendaison simultanée de soixante condamnés. Ensuite, les Buttes-Chaumont devinrent un lieu réservé à l’équarrissage. Puis on y exploita une carrière, laquelle finit par servir de décharge. C’est pourtant là qu’Alphand décida de créer le plus extraordinaire des parcs parisiens, avec pour ambition d’en faire l’une des attractions majeures de l’exposition universelle de 1867.
Les meilleurs spécialistes s’attaquèrent à un projet d’une ambition folle : assainir la décharge ne fut qu’un épisode pénible du chantier. Stabiliser une des faces de la carrière sur une hauteur de trente mètres et y ménager une grotte d’où jaillirait une cascade destinée à alimenter un lac au milieu duquel se dresserait un piton rocheux haut de cinquante mètres requit tout le savoir-faire de Jean Darcel. Et Eugène Belgrand, qui s’était déjà distingué en concevant l’hydraulique du bois de Boulogne, trouva le moyen de pomper l’eau du canal Saint-Martin. L’architecte Gabriel Davioud se chargea quant à lui des charmantes maisons de garde, et posa au sommet de l’île le temple de la Sibylle, reproduction du temple de Vesta de Tivoli. Enfin, deux ponts furent édifiés pour permettre d’accéder à l’île, dont une passerelle suspendue qui à elle seule donne aux Buttes-Chaumont des airs de tropiques sauvages.
La passerelle qui enjambe le lac permet de rejoindre le belvédère, perché sur la colline aux rochers artificiels.
En vérité, le génie des Buttes-Chaumont ne réside pas seulement dans ces réalisations audacieuses. On ne le cite pas souvent, mais c’est peut-être le jardinier Jean-Pierre Barillet-Deschamps qui a fait du parc un lieu si agréable, parce qu’il a su tracer sur les reliefs du parc un réseau complexe d’allées dont la pente ne dépasse pas 6 %. On peut marcher et marcher dans les Buttes-Chaumont, sans avoir la sensation de revenir sur ses pas, et on ne s’y essouffle pas !