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Le train des Pignes à toute vapeur

Par Détours en France

Dans l’arrière-pays niçois, une poignée de passionnés redonne vie à l’un des derniers trains à vapeur de France. Quelques dimanches et vendredis dans l’année, les bénévoles du train des Pignes partagent leur amour des vieilles mécaniques et des wagons à l’ancienne avec leurs passagers. La promesse de belles rencontres, d’un lent voyage dans le passé où la contemplation et la rêverie ont toute leur place. Nous sommes montés à bord avec eux.

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Passion de la vapeur et des vieilles mécaniques

Il a la tête dans les étoiles et les mains dans le cambouis. Astronome à la retraite depuis peu, Daniel Bonneau est mécanicien sur le train des Pignes depuis longtemps. Quelques week-ends dans l’année, il conduit ce tortillard à vapeur sur une vingtaine de kilomètres entre Puget-Théniers, au bord du Var dans l’arrière-pays niçois, et Annot, dans les Alpes-de-Haute-Provence. « J’ai vu de la fumée et je suis entré », explique-t-il avec un sourire quand on l’interroge sur ce qui l’a amené ici. « Je suis issu d’une famille de cheminots. Le goût du train, je l’ai toujours eu », complète-t-il.

Le visage et le bleu de travail noircis par les escarbilles, protégé d’une casquette, il graisse les bielles de la locomotive au dépôt de la gare de Puget-Théniers, sous les pins de la vallée du Var. Une colonne de fumée signale la présence de cet engin historique dont le « tchou tchou » a bercé nombre d’enfances. « La veille de la mise en service du train, on vient chauffer la loco », ajoute-t-il. Accroupi près des rails, il verse minutieusement de l’huile sur les pièces d’entraînement des roues d’une locomotive ventrue, aussi noire que brillante.

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Une passion de la vapeur et des vieilles mécaniques réunit aujourd’hui Daniel, Pierre, Frédéric, Luc, Lucile et Benoit. Ils viennent de Grasse, de Cagnes, de Rognac, dans les Bouches-du-Rhône. Ils sont bénévoles actifs du Groupe d’Étude pour les Chemins de fer de Provence (GECP) fort de 400 membres. Son nom ne dit pas la motivation principale de l’association créée en 1975 : redonner vie au train à vapeur inauguré en 1892 et abandonné en 1951 sur la ligne Nice-Digne-les-Bains. Grâce à eux, en 1980, une locomotive crachait à nouveau son haleine grise entre Puget-Théniers et Annot.

Un train peut en cacher un autre

Avec le train à vapeur entre Puget-Théniers et Annot, c’est l’éloge de la lenteur et du passé. Son parcours, de 20 kilomètres, dure un peu plus d’une heure. L’autre train des Pignes, c’est le TER (Transport express régional) qui assure une liaison régulière entre Nice et Digne-les-Bains en autorail (comme les autres TER). Entre Plan-du-Var et Digne-les-Bains, l’occasion de voir de beaux paysages de moyenne montagne.

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Chargement du bois dans le gueulard du foyer qui chauffe la chaudière.

Comment marche le train à vapeur ?

« Allez Benoit, dis-moi quel est le niveau d’eau. » À 14 ans, avec sa frimousse de gavroche, Benoit Prudhomme-Lacroix est le plus jeune des bénévoles. Depuis qu’il a 7 ans, il ne joue plus aux petits trains mais accompagne son père, Pierre, l’un des membres de l’association. Juché sur la locomotive, il introduit une jauge dans le réservoir d’eau. « C’est bon, on a le plein », annonce le gamin. Pour un aller-retour entre Puget-Théniers et Annot, le train des Pignes consomme près de 6 000 litres d’eau et un peu moins d’une tonne de charbon.

Le combustible, c’est l’affaire du chauffeur. Dans la furieuse chaleur de la cabine de conduite, Luc Cabouret a commencé à chauffer la bête. Il jette dans le gueulard (l’ouverture du foyer de la chaudière) du charbon et des morceaux de palette de bois. « La couleur de la fumée me renseigne sur le feu. Si elle est noire, cela signifie que ce sont les escarbilles qui brûlent. Si elle est blanche, elle indique que c’est le charbon qui se consume. » Pierre, le père du jeune Benoit, ingénieur dans la conception de satellites (lui aussi a la tête dans les étoiles) est responsable de train.

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Qui veut peut s'occuper du train des Pignes

« La passion du train, c’est générationnel dans notre famille. Mon père était un amoureux du chemin de fer. Il m’a transmis le virus et mon fils l‘a attrapé aussi. » Pierre veille à la bonne réalisation des manœuvres. Il vient de contrôler les roulements et le système de freinage. Frédéric Laugier, facteur dans la vie, est venu aider ses collègues. Il est de toutes les sorties du train, incollable sur les dates de réception et de réparation des locomotives, leurs histoires et le moindre détail technique. Lucile Isnard, la trentaine, est la seule femme de l’association à aller au charbon. Aide-chauffeuse, elle assure toutefois ce week-end le contrôle des billets et la vente de produits publicitaires pour nourrir les caisses du GECP. Jusqu’à la tombée de la nuit, la belle équipe bichonnera la loco, dans une ambiance bon enfant.

Pourquoi le train des Pignes ?

José Banaudo, membre de l’association du GECP, avance plusieurs hypothèses. « Dans les années 1930, avant l’arrivée des autorails, le train à vapeur sur cette ligne avançait lentement. Une galéjade disait que les passagers avaient le temps de descendre du train et de ramasser des pignes. Certains pensent aussi que l’on aurait chauffé la locomotive avec des pignes pendant la guerre. Une idée loufoque : le train n’aurait pas pu avancer. Enfin, selon un joli conte provençal, le mécanicien du train aurait donné tout son charbon à un garde barrière qui n’avait plus de bois pour se chauffer un soir de Noël. En passant sous une pinède, la hotte à charbon se serait remplie par magie de pignes tombées des arbres. C’était un nom officieux, plutôt péjoratif qui est devenu affectueux aujourd’hui. »

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Des banquettes du métro parisien

Les jours de circulation, le train des Pignes quitte la petite gare de Puget-Théniers à 10 h 55 tapantes. À cette heure-ci, la vallée est déjà laminée par le soleil. Quelques sifflements appellent les derniers passagers à monter à bord. Des touristes mais aussi des habitants de la région soucieux de découvrir un morceau de patrimoine vivant prennent place dans un des cinq wagons qui peuvent accueillir, au total, jusqu’à 300 personnes. Le train s’ébranle et cahote sur une voie métrique (d’un mètre d’écartement) qui lui permet de prendre des courbes très serrées.

À bord, les voyageurs apprécient le voyage dans le temps. Un des wagons, rouge, circulait dans le canton de Fribourg en Suisse à l’aube du XXe siècle. Ses banquettes en bois proviennent du métro de Paris. Les rideaux gris et épais, chinés en Italie, sont griffés du logo FS de la compagnie ferroviaire « Ferrovie dello Stato ». Dans un autre, les porte-bagages en bois perpendiculaires aux fenêtres rappellent ces trains qui traversent les westerns. Le tortillard longe le Var. Il passe sous deux « éléphants », des aqueducs inclinés de quelques mètres qui canalisent la pluie vers le fleuve quand de violents orages éclatent.

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Les péripéties du train des Pignes

L’eau est une menace. En 1994, une crue dévastatrice du Var a failli sonner la fin du train des Pignes. La ligne n’a pas fonctionné pendant deux ans et il a fallu toute l’ardeur et la passion des bénévoles pour éviter sa fermeture. « On a rassemblé 107 000 signatures de soutien, se souvient José Banaudo, l’un des membres de l’association. La ligne a rouvert en 1996. La voie longe le Var et la route jusqu’à Entrevaux, un joli village provençal aux tuiles couleur miel et sable. Il est situé au pied d’un affleurement rocheux, coiffé d’une citadelle bâtie selon les plans de Vauban, et balafré d’un chemin fortifé. Dans le passé, Entrevaux marquait la frontière avec le comté de Nice. » Le train délaisse ensuite le Var pour rejoindre Saint- Benoit où il marque un arrêt technique. « Ici, il faut faire monter la pression car le train attaque une pente de 30 mètres de dénivelé sur un kilomètre », commente José Banaudo.

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Le viaduc de La Donne enjambe le Coulon.

Pause dans un village médiéval

Luc doit gaver la locomotive de charbon. La cheminée crache une fumée dense et noire. Le temps d’entrevoir le mont Saint-Honorat et sa crête pelée à 2 520 mètres, le train s’est engouffré dans un tunnel. Les quelques passagers installés sur la petite plateforme extérieure d’un des wagons toussotent. Après deux ponts métalliques et le viaduc de La Donne, long de 136 mètres, surgissent les Grès d’Annot, des blocs rocheux cyclopéens accrochés à la colline. Les châtaigniers se sont mêlés aux pins.

Il est 12 h 05. Les voyageurs se dispersent pour aller déjeuner dans le joli village médiéval d’Annot qui a gardé de son passé des arches, des lavoirs et un intrigant système d’écoulement d’eau, en partie à l’air libre, pour irriguer les champs et laver les ruelles du cœur historique. Certains passagers prennent le temps de rester près du train et de grimper dans la cabine de conduite. Luc et Daniel expliquent avec plaisir le fonctionnement de la machine à vapeur et ses instruments en cuivre : volant, leviers, mano- mètres, purgeurs...

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Le village médiéval d'Entrevaux, construit sur un éperon rocheux, est dominé par une citadelle, perchée à 150 mètres, bâtie selon les plans de Vauban.

Comment le train va-t-il faire demi-tour ? « La locomotive est capable de tracter le train dans un sens ou dans l’autre mais pour des raisons esthétiques, on l’a fait pivoter pour la positionner toujours à l’avant du train, dans le sens de la marche », explique le mécanicien. Autour de 13 heures, après un pique-nique sous un vaste auvent de la gare ventilé par la brise, les bénévoles du train des Pignes procèdent à la manœuvre. Daniel amène la locomotive jusqu’au pont tournant, un peu à l’écart des quais. L’équipe du train unit ses forces pour faire pivoter la machine motrice puis elle est reconduite sur sa voie pour être rattachée aux wagons. Le départ est fixé à 15 heures. Le trajet de retour est plus bref, avec un dénivelé d’environ 300 mètres, cette fois-ci négatif. Le train des Pignes peut souffler un peu.

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