S’il y a un gâteau qui mérite qu’on en fasse toute une histoire, c’est bien lui. Elle commencerait à Cambo-les-Bains au XIXe siècle, aurait pour héroïne ou bonne fée une dame Hirigoyen, Marianne de son prénom, pâtissière qui la première aurait confectionné le bixkotxa, un biscuit à la fois croustillant et moelleux qu’elle vendait sur le marché de Bayonne. Il se dit que Napoléon III et son Eugénie en étaient friands. D’autres sources, tout aussi dignes de foi, prétendent que ledit gâteau était fabriqué dans les fermes basques dès le XVIe siècle.
Recette traditionnelle, à la crème ou confiture ?

Gérard Lhuillier, du moulin de Bassilour, est plutôt pour la version « ferme ». « Les femmes le faisaient avec ce qu’elles avaient sous la main : des œufs, du lait, de la farine, du sucre. Et un peu d’alcool, celui stocké à la maison, souvent du rhum qui arrivait au port de Bayonne ou qui faisait l’objet de contrebande à la frontière. Quant à la dame de Cambo, surnommée la “Basquaise aux gâteaux”, c’est elle qui a eu la première l’idée de les commercialiser. » Ouf ! Voilà tout le monde réconcilié. Jusqu’à ce qu’on parle de la garniture : crème pâtissière ou confiture de cerises ? Qui est le premier, l’authentique ? « Ceux qui avaient des vergers pouvaient y mettre de la confiture, d’ailleurs plus souvent de l’abricot. La cerise n’a joué sa partition qu’avec le renouveau des vergers d’Itxassou, dans les années 1980. » Pas question de savoir lequel est le meilleur, chacun ses goûts, même s’il se chuchote que les Basques, les vrais, préfèrent la crème pâtissière alors que les touristes craquent pour le petit fruit.
Assez glosé sur les origines, assistons plutôt à la préparation dans le four du moulin de Bassilour, daté de 1741, et propriété de la belle-famille de Gérard depuis 1934. Rien de plus simple : un fond de pâte bien étalée, une couche de crème ou de confiture – pas plus de 130 g pour un gâteau de taille moyenne, sinon c’est écœurant –, un second rond de pâte, des coups de fourchette pour souder les deux bords, un badigeon d’œuf battu, et c’est parti pour 18 à 20 minutes dans le four à 240 °C.

Spécialité en quête d’authenticité
C’est tout ? Oui, c’est tout. Et c’est bon. Délicieux, même. « Voyez la crème pâtissière ? Elle ne doit pas être trop jaune, sinon ça veut dire qu’il y a du colorant dans la poudre à crème. » Pourquoi n’existe-t-il pas un label rouge ou une IGP pour protéger LE gâteau basque ? « On a essayé dans les années 1990, en nous inspirant de l’exemple de la brioche vendéenne. Mais à côté du mot “gâteau”, il y avait “basque”, et dans ces années-là, avec les actions des séparatistes, c’était tendu, ça n’a pas marché... » Pour le protéger des dérives a été créée l’association Eguzkia, regroupant une vingtaine d’adhérents dont Bassilour, qui prône le beurre laitier frais, la farine bio ou label rouge, des vrais œufs, et bien sûr pas de colorant ou d’arôme artificiel. Eguzkia organise le premier week-end d’octobre la Fête du gâteau basque à Cambo-les-Bains, la ville de Marianne Hirigoyen. Retour aux origines !