Bergerac, entre Dordogne et vignobles
Cyrano s’était fait un nom en adoptant celui d’une petite cité prospère, posée sur les rives de la Dordogne. Nul doute que le visiteur qui appréhende la sous-préfecture cherche encore, quatre siècles plus tard, les traces du mousquetaire dans ses rues anciennes. Il en trouvera…, mais peut-être pas celles qu’il croit ! En attendant, il aura admiré un coeur de ville médiéval et, en se rapprochant du fleuve, un cloître réinventé, dédié à la triade locale : culture, tourisme et vin.
Autant l’annoncer tout de suite : Savinien de Cyrano dit de Bergerac n’a, jusqu’à preuve du contraire, jamais mis les pieds, ni le bout de son nez, dans cette agréable ville périgourdine ! C’est à Edmond Rostand que l’on doit la confusion. Dans sa « comédie héroïque », l’auteur mêle le vrai et le faux, et fait de son protagoniste, Cyrano, un natif de Bergerac. Peu importe, dans le fond : la ville, depuis longtemps, a adopté le personnage et l’a érigé en emblème. Dans la réalité, Savinien de Cyrano n’est pas périgourdin, même si les ancêtres de ce Parisien détenaient effectivement le fief de Bergerac, situé… dans les Yvelines !
Hommages statuaires à Cyrano de Bergerac
Lorsqu’il s’engage dans la Compagnie de nobles mousquetaires, Savinien se présente donc sous le nom d’Hercule Savinien de Cyrano de Bergerac. Qui sonne, par cet ajout, nettement plus gascon, comme le gros des troupes du roi de France. La ville de Bergerac ne se formalise pas de cette confusion et a adopté cette figure sympathique de poète amoureux. Pour lui rendre hommage, on peut d’ailleurs y voir des statues à son effigie. La première, sculptée pas Jean Varoqueau en 1977, se dresse sur la place de la Mirpe ; la seconde, oeuvre de Mauro Corda en 2005, place Pélissière. Les références à l’illustre personnage ne s’arrêtent pas là : on peut visiter la ville en suivant le parcours touristique « Sur les pas de Cyrano ». Une belle façon d’en découvrir ruelles et placettes, hors les sentiers battus ! Des panneaux explicatifs sont installés sur l’ensemble des points d’intérêt. Une ville d'art et d'histoire
Le point de départ de ce parcours est à l’appréciation de chacun. Nous sommes parti du quai Salvette, puisque cette ville fut d’abord et avant tout un port actif de la Dordogne. En empruntant la rue du Port, qui longe le cloître des Récollets, nous pénétrons dans le centre de la cité ancienne. La place de la Mirpe, où se tenait le marché aux grains, est à deux pas.
Un peu plus loin, se trouve le moulin de Piles, en attente de réhabilitation. La mise au jour récente d’une infrastructure hydraulique, construite au XIVe siècle, mérite une halte. Juste à côté, se trouve le musée d’Histoire locale, installé dans un élégant édifice à pans de bois. Au coeur du Périgord pourpre, Bergerac est digne à tous les égards de son label « Ville d’Art et d’Histoire ». Il ne faut pas manquer la place Pélissière, qui accueillait autrefois les marchands et tanneurs de peaux : les pélissiers, donc.
Place du Docteur-André-Cayla, la façade néoclassique du temple protestant témoigne du passé huguenot de la ville. En empruntant la rue d’Albret, nous découvrons la maison dite des Consuls (XIVe siècle), l’un des rares exemples d’architecture civile médiévale. Il faut prendre un peu de recul pour contempler pleinement la façade, avec ses arcades au rez-de-chaussée (vitrées ou fermées) et ses pans de bois à l’étage. Plus tard, nous prévoyons de visiter le musée du Tabac, installé dans la maison Peyrarède (XVIIe siècle), place du Feu. Il présente l’Histoire de cette plante, dont la culture a fait vivre la région pendant des siècles.
Ponts et bac
Pour l’heure, nous poursuivons notre belle découverte : au bout de la rue de l’Ancien-Pont, passe la Dordogne. Le pont de Bergerac fut longtemps, dit-on, le seul qui enjambait la tumultueuse Dordogne. Il a été construit au début du XIIIe siècle : des piliers de pierres soutenaient une structure en bois. Maintes fois, il fallut en reprendre certaines parties. Il a tenu bon, malgré tout, pendant des siècles. Jusqu’en 1783 exactement, date à laquelle il est mis à bas par une crue exceptionnelle. Le nouveau pont ne sera édifié qu’en 1825 : les Bergeracois ont été contraints, tout ce temps, de recourir au bac.
Le quai Cyrano, la vie retrouvée du cloître des Récollets
En 2010, la communauté d’agglomération bergeracoise démarrait le chantier d’une entreprise ambitieuse : mettre en place, dans un même lieu, le siège de l’Interprofession des vins de Bergerac et de Duras, l’office de tourisme, ainsi qu’un espace muséal consacré au personnage de Cyrano. Pour que la cohabitation fonctionne, il fallait que le bâtiment soit à la hauteur de l’ambition…
Le cloître des Récollets, que nous retrouvons à ce stade de notre parcours, a une Histoire riche et singulière. Au XVIIe siècle, le protestantisme s’épanouissant à Bergerac, l’évêque de Périgueux fit appel aux moines pour redynamiser la foi catholique. Un terrain leur est accordé, afin qu’ils édifient couvent et église. À la Révolution, les religieux déménagent et leur bâtisse, abandonnée un temps, est rachetée par… les autorités protestantes qui en font un temple ! Bien plus tard, la maison des Vins de Bergerac s’y installe. Mais l’ensemble patrimonial est très abîmé. Il faut reprendre en partie la maçonnerie et restaurer la boiserie datant du XVIIIe siècle. Puisque de lourds travaux doivent être envisagés, les Récollets sont retenus pour abriter le projet de la communauté d’agglomération.
Les travaux débutent en septembre 2018 : l’intérieur est entièrement repris, l’avancée du cloître est détruite et un prolongement est créé par l’architecte Arnaud Comin. La façade ancienne est ainsi dégagée et un moucharabieh contemporain court tout le long des vitres, permettant à la lumière d’y pénétrer, symbole de la renaissance des Récollets. Le Quai Cyrano a ouvert à l’été 2019. L’office de tourisme occupe le rez-de-chaussée du bâtiment, tandis que la maison des Vins se tient à l’étage. Le « Pavillon de dégustation » y présente plus de 160 références de Bergerac et Duras. Des experts guident les visiteurs dans leurs choix d’achat de la dive bouteille. Ces deux espaces ont rapidement trouvé leurs marques, cependant, les travaux ne sont pas terminés : le musée Cyrano de Bergerac n’accueillera le public qu’en 2021.