Les Gorges de l'Aveyron à vélo
De Montauban à Laguépie, l’Aveyron serpente à travers causses, gorges et forêts. Ici, se rencontrent le Rouergue, le Quercy et l’Albigeois. À vélo, il faut donner de soi pour profiter de ce paysage bucolique jalonné de villages perchés. En selle, pour 80 km de sueur et de plaisir !
Si l’Aveyron prend naissance dans le département du même nom, c’est dans le Tarn et le Tarn-et-Garonne qu’il donne sa pleine mesure. Depuis peu, les cyclotouristes sont invités à admirer les paysages qu’il traverse en empruntant une véloroute : un circuit qui suit des routes peu fréquentées. Point de départ : Montauban, la « Petite Toulouse » ou Bruniquel. Cet admirable village domine les vallées de la Vère et de l’Aveyron.
Bruniquel, un bourg médiéval à flanc de falaise
Les châteaux de Bruniquel. Vieux (XIIIe siècle) et jeune (XVe), ils offrent des trésors qui défient le temps : un do,jon du XIIe datant... d'un ancien édifice, et une galerie Renaissance surplombant la rivière.
Notre rivière fil rouge dessine un superbe méandre au pied des deux châteaux perchés sur leur promontoire. Le premier date du XIIIe siècle,le second du XVe. Une sombre querelle familiale, qui dura deux siècles, opposa les propriétaires du premier à ceux du second. Une seule rampe d’accès menait aux deux châteaux, séparés de trois pas. En 1975, Robert Enrico y a tourné Le Vieux Fusil : depuis, pas un jour ne passe sans qu’un visiteur ne demande à voir le lieu où Philippe Noiret et Romy Schneider ont tant souffert... Le village de Bruniquel ne doit pas être oublié. Avec ses ruelles pentues, ses venelles cachées, ses maisons scandées de baies géminées, c’est un décor de film qui n’attend plus qu’un autre réalisateur.
Penne, un village à couper le souffle
À 9 km de là, l’Aveyron resserre ses méandres. Le village de Penne se hausse sur son piton rocheux, bien décidé à nous couper le souffle, au propre comme au figuré. Au bout du promontoire, le château de Penne joue à l’équilibriste au-dessus du vide, prêt à tomber dans l’abîme. Ce ne serait pas faire honneur au travail d’Axel Letellier ! Cet architecte toulousain était encore enfant quand il se promit d’acquérir ces superbes ruines. Ce fut fait en 2006. Depuis, chaque année, les habitants des environs aident à restaurer leur château, qui est ouvert aux visiteurs. Pour avoir la plus belle vue, il faut donner quelques coups de pédales jusqu’à la sortie de Penne (par la D9).
Un Vercors en miniature : Castelvieil, Puycelsi, Cazals...
Écartons-nous un temps de la véloroute. Un joli crochet par Puycelsi, à 13 km de là, permet de traverser la forêt de la Grésigne, où le chêne rouvre règne en maître et que les hommes ont, de tout temps, utilisée : Colbert pour les mâts de la marine royale, les verriers pour le grès et le bois de chauffe, les charbonniers...
Remparts et maisons à colombages : incontournable, Puycelsi allie patrimoine médiéval et décor naturel incomparable.
La côte qui mène à Puycelsi est longuette, certes. Mais, de là-haut, quelle vue ! En automne, les érables de Montpellier font des taches écarlates sur le moutonnement jaune de la Grésigne. Fondé au Xe siècle par les moines de l’abbaye d’Aurillac, le village occupe un site inexpugnable sorti d’un conte médiéval. Les maisons à colombages exhibent leur squelette de bois et leur « soleilhou » (grenier ouvert) au fil de ruelles en escargot. Quand on quitte le chemin de ronde, c’est pour croiser des chats prenant la pose sous des roses trémières...
Revenons à Penne, que nous avions quitté. La route suit les déhanchements de l’Aveyron. À Cazals, les canoës-kayaks qui s’égaient devant l’ancien moulin de Cailhol en ont terminé avec la traversée des gorges de l’Aveyron : c’est ici qu’elles prennent véritablement forme. Une route de corniche, parfois creusée dans la roche, grimpe en direction de Viel Four, réservant de superbes points de vue sur la rivière sinueuse.À Castelvieil, de hautes falaises blanches, où s’accroche la végétation et où nichent faucons pèlerins et grands-ducs, évoquent un Vercors en miniature. Redescendant au bord de la rive, nous passons devant une guinguette où l’on peut se désaltérer en été. Bientôt, nous atteignons Saint-Antonin-Noble-Val.
Et si vous découvriez l'Aveyron en canoë ?
Le charme ancien de Saint-Antonin-Noble-Val
Le roc d’Anglars, très prisé des amateurs d’escalade, domine Saint-Antonin-Noble-Val qui n’a jamais su de quel côté se situer : Albigeois, Rouergue ou Quercy ? Laissons notre vélo un instant pour parcourir à pied les ruelles de cette perle médiévale. La Maison romane, considérée comme l’un des plus anciens édifices civils de France, affiche son faste : colonnes torses, chapiteaux historiés, claire-voie au décor sculpté...
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Et même une tour toscane créée par Eugène Viollet-le-Duc en personne. La maison du Roy, les arcades des anciennes échoppes, les ateliers de tanneurs qui, par leur travail sur les cuirs de veau, firent la prospérité du village du XIIIe au XIXe siècles...
Tout nous parle d’un temps où Saint-Antonin-Noble-Val rayonnait bien au-delà de la vallée de l’Aveyron : « Le village est resté vivant toute l’année, notamment avec ses ateliers et ses galeries d’art. C’est touristique mais sans excès, contrairement à Cordes-sur-Ciel », observe Fanette. Cette artiste coordonne, depuis l’été 2017, le Bazart, une formidable maison d’artistes. Le lieu, une ancienne draperie, tient à la fois du café associatif et de la galerie d’art. On peut aussi y suivre des ateliers textiles et chiner des vêtements à la friperie. Sept artistes et artisans d’art tiennent ce bazar faussement en désordre. « Venez le dimanche matin, le marché de Saint-Antonin est magnifique », nous conseille Fanette. Les Anglais, nombreux à s’être installés dans le village, sont du même avis. Le charme ancien de Saint-Antonin tape régulièrement dans l’œil des réalisateurs de cinéma. Il a vu passer notamment Cate Blanchett en 2001, pour le film Charlotte Gray, et Helen Mirren en 2013 pour Les Recettes du bonheur.
Cordes, le village dans les nuages
Nous laissons les gorges de l’Aveyron pour rejoindre Varen, plaisant village blotti autour de son doyenné roman, témoin de l’architecture défensive de la fin du Moyen Âge. À Laguépie, fin de notre parcours, l’Aveyron et le Viaur se rejoignent. On peut enfin se délasser sur les berges du fleuve, côté Tarn-et-Garonne, sous l’œil des ruines romantiques du château de Saint-Martin-Laguépie situées... dans le Tarn ! Osons un dernier détour: 15 petits km nous séparent de Cordes.
Encore une côte. On atteint le sommet du village par une série de rampes empierrées. La cité fut fondée au XIIIe siècle par Raymond VII, le dernier comte de Toulouse. Les façades gothiques des maisons du Grand-Veneur ou de Fonpeyrouse évoquent les palais florentins. Depuis les terrasses, le panorama est saisissant.
La mer de nuages qui entoure le puech vaut au village, depuis 1993, le nom officiel de « Cordes-sur-Ciel » : on ne s’étonnera pas qu’il ait été élu le « Préféré des Français » en 2014.