Les Monédières, un massif porté aux sommets
Pays de la bruyère et des myrtilles, ce massif corrézien aux marges du plateau de Millevaches a été bouleversé par l’exploitation forestière. Terre de sucs et de puys arrondis, elle a aussi vu naître ou s’accomplir d’illustres personnages. De Jean Ségurel à Marc Sangnier en passant par Jacques Chirac, itinérance dans cette montagne rurale berceau de destins singuliers.
« Lorsqu’au retour d’un exil volontaire, je vois au loin se dresser dans les cieux vos sommets gris aux contours envieux, je vous salue oh chères Monédières. » Ainsi chantait Jean Ségurel, enfant du massif né à Chaumeil, accompagné de son fidèle accordéon. Ségurel est l’un des fils prodigues de ce territoire dont la singularité s’affiche en plein cœur du département. Singularité ? Il suffit de monter au Suc de May, à 908 m, pour s’en convaincre. À l’heure vespérale, quand l’air rafraîchi calme la morsure du soleil, une lumière douce découpe les mamelons boisés si particuliers du massif. Ici et là, des parcelles de landes témoignent du paysage originel, qu’un enrésinement dans les années 1950 a hélas perverti. « On est passé d’une culture de bergers chantée par Ségurel à l’industrie du bois », regrette François Teyssier, enfant du pays, propriétaire de chambres d’hôtes à Treignac. Et c’est vrai qu’elles devaient être belles, ces collines dodues, lorsque la bruyère violette enflammait leurs contours. Un territoire connu aussi pour son élevage ovin et ses myrtilles sauvages, que les paysans s’empressaient de ramasser au cœur de l’été. Au Suc au May, classé zone Natura 2000, un programme d’aménagement vise à ressusciter ces landes primitives. D’autres artisans du terroir veillent aussi à les faire revivre.
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Une église unique en France
Emprunter les petites routes des Monédières est un bonheur de conduite buissonnière. Circulation nulle, silence étourdissant. Entre les sapinières touffues, des prés herbeux accueillent des troupeaux de vaches rousses. Des geais filent au ras des portières. Et il n’est pas rare de croiser des chevreuils au bord des talus ou au pied de fûts coupés. Le dépeuplement rural a donné au massif des allures de sanctuaire et ce paysage transformé a du charme. Au cirque de Freysselines, entre Madranges et Chaumeil, l’amphithéâtre de croupes vertes piquées de résineux porte beau. Mais les hommes, où sont-ils ? On en croise, dans de rares villages. À Lestards, moins d’une centaine d’habitants, ils n’ont aucun mal à se rassembler dans l’église Saint-Martial et son inédit toit de chaume. Ce serait la seule en France de ce type. À Chaumeil, petite capitale du massif aux francs airs montagnards, la mémoire de Jean Ségurel draine un public de nostalgiques. Ils découvrent la maison natale du troubadour et celle des Monédières, espace de découverte du massif et d’exposition sur l’artiste. De l’animation, on en trouve un peu à Treignac, à la pointe nord du territoire. Un village gigogne qui joue avec le relief et étale ses quartiers des bords de la Vézère (ville basse) jusqu’au revers du plateau (ville haute). Pour l’aspect paysager, mieux vaut dévaler le talweg. Sous la massive église Notre-Dame-des-Bans, la rue Champseix aux belles maisons de pierres dégringole le versant jusqu’à franchir la rivière sur un pont à trois arches. Esthétisme garanti.
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Des hommes marquants
Pour l’aspect historique, la ville haute, anciennement fortifiée, se prête au jeu avec son ancienne chapelle au clocher tors, sa halle marchande mentionnée dès le XIIIe siècle, sa tour rescapée d’un hôtel particulier et de belles demeures du XVIe siècle. L’une d’elles est la maison de famille Lachaud-Sangnier. Petit-fils de Charles Lachaud, avocat corrézien célèbre, le journaliste catholique progressiste Marc Sangnier, qui y séjourna, est le fondateur des Auberges de jeunesse en France. Mais s’il est un homme que les Monédières et ses abords ont marqué – et inversement ! –, c’est Jacques Chirac. En 1966, Georges Pompidou veut reconquérir des bastions de gauche et envoie un bataillon de « jeunes loups » se frotter au terrain des législatives. Chirac est l’un d’eux, orienté vers la Corrèze et Ussel pour ses origines familiales : l’un de ses grands-pères était de Sainte-Féréole, près de Brive, où il a passé des vacances. « C’était un fief communiste réputé imprenable. Tout le monde pensait qu’il n’avait aucune chance. Et il a gagné ! », se rappelle Jean-Paul Merpillat, élu de Sarran, fils de l’ancien maire de cette commune située au sud du massif. Bernadette Chirac, propriétaire avec son mari du château de Bity, y est toujours conseillère municipale.
L'ascension d'un gars jovial !
Celui que Pompidou surnommait « mon bulldozer » n’avait pas ménagé sa peine. « Les gens ont découvert un gars jovial, avec du charisme. Tous les week-ends, il venait en Corrèze, sillonnait les villages en Peugeot. Quand les Chirac ont acheté Bity, [en 1969], il venait voir mon père, allait chercher du bois, lui demandait d’aller boire un coup au village avec lui. Même des communistes étaient chiraquiens ! », sourit Jean-Paul Merpillat. S’il en est une qui se souvient bien de l’ex-président, c’est Gisèle, gérante de l’antique bar-alimentation de Sarran. Derrière son incroyable comptoir années 1950, elle l’a reçu plus d’une fois. Dans l’arrière-boutique, on le voit en photo avec des habitants, trinquant derrière les tables en formica. « De gauche, de droite, tout le monde buvait ensemble ! », se souvient Julien, retraité, autre élu à la mairie de Sarran. Aujourd’hui, la mémoire de Jacques Chirac est entretenue par le musée du Président. L’espace, dessiné par le cabinet Wilmotte & Associés, a ouvert en 2001. Une collection de 5000 objets étonnants rappelle sa vie diplomatique et protocolaire, à travers les cadeaux officiels reçus du monde entier. Cadeaux dont Jacques Chirac lui-même a su user, au long de sa carrière, pour s’arroger les bonnes grâces de Corréziens dont beaucoup étaient acquis à sa cause.