Usine Menier, l'empire du chocolat
Sur les bords de Marne, l'usine Menier est l'ancienne fabrique de chocolat de Noisiel. Témoignage de la puissance de la famille Menier, la fabrique est l’un des fleurons de notre patrimoine industriel. L'usine Menier, complètement réhabilitée, a été rachetée par Nestlé-France qui en a fait depuis son siège social.
Un lieu délicieux
Souvenez-vous, dans Charlie et la chocolaterie, de ce gamin tout ébloui en découvrant une fabrique de friandises… C’est un peu l’impression que l’on ressent lorsque l’on pénètre dans l’ancienne usine Menier, à Noisiel en Seine-et-Marne. Pas pour le chocolat, puisqu’on n’en fabrique plus depuis 1992, mais pour le décor, étonnant de luxe et d’inventivité.
Tout en étant d’une grande modernité technique pour son temps, l’usine présente une architecture d’avant-garde soucieuse d’esthétisme. Il faut éblouir, montrer sa puissance et son ambition.
Nous sommes au cœur de ce qui fut l’empire Menier. C’est ici, sur les bords champêtres de la Marne, que la famille a bâti sa puissance industrielle à partir de 1825. L’entreprise démocratisera un produit de luxe, avec les tablettes de chocolat, elle fera fortune. La splendeur des lieux témoigne de la prospérité de la marque.
La Halle des refroidisseurs
Construite au début des années 1880 par Jules Logre, la halle des refroidisseurs est très inspirée du modèle Baltard très en vogue à l’époque. Sous cette charpente métallique, à grandes baies à armature de fer, se trouvaient les machines destinées à produire du froid artificiel, selon le nouveau système Giffard à détente d’air comprimé. Ainsi, les tablettes de chocolat étaient démoulées dans une atmosphère réfrigérée.
Sous sa charpente métallique se trouvait la première machine à produire du froid artificiel destinée à l’industrie. La confiserie a été métamorphosée en restaurant d’entreprise, le site a trouvé une nouvelle vocation dans les années 1990.
Un moulin pour broyer les fèves de cacao
Voyez l’imposant moulin qui enjambe un bras de la Marne. Conçu par Jules Saulnier en 1871, ce bâtiment, dévolu au broyage des fèves de cacao, est le premier à être doté d’une structure métallique porteuse apparente. Son décor est d’un raffinement extrême avec ses briques ocre rose vernissées, ses céramiques, ses motifs de fleur de cacao ou ses M à la gloire de Menier.
La cathédrale
Derrière, s’élève, spectaculaire, la cathédrale, que les ouvriers appelaient ainsi pour sa hauteur et ses larges baies vitrées. Signé en 1906 par Stephen Sauvestre, collaborateur de Gustave Eiffel, cet édifice a été l’un des premiers bâtiments en béton armé en France.
Pénétrez à l’intérieur pour découvrir, au rez-de-chaussée, une salle de toute beauté, avec son pavage délicat et ses hautes colonnes. Elle était dédiée au malaxage du cacao et du sucre, qui arrivaient alors par wagon (l’usine fut raccordée en 1881 au réseau ferré national par des voies qui rejoignent l’échangeur d’Émerainville).
2 et 3 - Dans la cathédrale, une loggia d'où l'on pouvait regarder les mélangeurs de sucre et de cacao
4 - À l’intérieur du pont Hardi, conçu par l'architecte Stephen Sauvestre.
Cette salle de travail digne d’un palais princier était l’un des symboles de l’importance industrielle des Menier. Des loggias permettaient même d’admirer l’élaboration du chocolat – l’usine est ouverte aux visiteurs dès 1881. La cathédrale est reliée aux ateliers de dressage, par le pont Hardi, une passerelle en béton d’une seule volée couverte d’une verrière qui enjambe la rivière.
Une usine sauvée de la destruction
Grâce à la mobilisation des habitants et de la municipalité de Noisiel, l’usine a échappé à la destruction. Nestlé-France, propriétaire du site, a choisi d’y installer son siège social. En 1996, quelque 1 500 « cols blancs » ont remplacé les ouvriers. Mais l’esprit du lieu a été préservé. Bernard Reichen et Philippe Robert, architectes qui avaient travaillé sur l’ancienne filature Leblan à Lille ou la grande halle de la Villette à Paris (1985), ont réhabilité avec respect ce chef-d’oeuvre, tout en l’adaptant à ses nouvelles fonctions.
Les machines ont laissé place à des bureaux. Mais l’histoire des lieux et leurs traces industrielles, comme les rails des wagonnets, ont été conservées et mises en valeur. La reconversion de la chocolaterie est montrée en exemple tant les édifices emblématiques ont été harmonieusement restaurés et intégrés dans un programme architectural contemporain. « Le décor prestigieux où Nestlé-France s’est installé donne à la branche française du groupe alimentaire une image et une épaisseur historique qu’elle n’aurait sans doute jamais eues ailleurs », écrivait Emmanuel de Roux*
* Patrimoine industriel, éditions du Patrimoine/ Scala, 2000, p.272, 25 €
La saga Menier Jean-Antoine Brutus

Il acquiert des plantations de cacaoyer au Nicaragua, affrète une flotte pour acheminer les récoltes, se dote d’une sucrerie en Picardie... D’une affaire florissante, il fera un empire. 2 000 ouvriers produisent jusqu’à 70 tonnes de chocolat par jour.
Gaston, l’un de ses trois fils, va encore accroître la puissance de l’entreprise, en lui assurant une renommée mondiale et en utilisant la publicité avec, notamment, ses célèbres affiches présentes dans toute la France.
En 1893, l’usine Menier est consacrée plus grande entreprise de production de chocolat au monde. Le déclin surviendra après la Seconde Guerre mondiale. Incapable de faire face à la concurrence, la famille liquide l’entreprise en 1959. Après le départ des Menier, l’usine passe entre plusieurs mains. Nestlé-France en devient propriétaire en 1988 et y installe son siège social huit ans plus tard.
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