
Le comte est bon
En ce siècle des Lumières, François Nicolas Henri Racine Du Jonquoy, dit comte de Monville, mène une vie d'aristocrate, rentier pratiquant l'équitation et passionné de musique. En 1774, près du village de Retz, en bordure de la forêt de Marly, il achète 40 hectares de terrain où il va donner vie à une utopie : le Désert de Retz.

1 - La tour, artificiellement tronqué, arbore des allures de colonne dorique. Après avoir habité dans le pavillon chinois, aujourd'hui disparu, le gentilhomme des Lumières logea dans sa tour. 2 - De la fenêtre intérieur, la vue est magnifique. 3 - Pour atteindre cette fenêtre, il faudra passer par ce long escalier.
Pour créer ce « paradis où tous les hommes, toutes les architectures et toutes les civilisations sont unies », il aménage un vallon, creuse un étang, plante un jardin d'herbes et importe des essences d'arbres rares (noyers d'Amérique, marronniers d'Inde, cèdres de l'Atlas…). En une décennie, le Désert s'anime.
Au jardin anglo-chinois s'agrègent 17 fabriques (ou folies), parmi lesquelles on remarque une tente tartare, une pyramide glacière, un théâtre de plein air, le temple du Repos, le temple du dieu Pan où le comte, harpiste virtuose, donne ses ariettes devant son ami le compositeur allemand Gluck.

1 - La pyramide glacières est la fabrique qui est restée la plus proche de ses origines. Ce symbole maçonnique étonne par sa profondeur.
2 - Le temple du dieu Pan. 3 - Une illusion chasse l'autre. La tente tartare n'est qu'une tôle peinte en turquoise, finitions de maître, "façon siamoise". 4 - Une colonne détruite
L'église gothique, ruine qui existait au hameau avant le Désert, est la seule fabrique naturelle. La pièce maîtresse de ce « jardin d'enchantement, de méditation et de réflexion politique » est la colonne. Haute d'une quinzaine de mètres, percée de fenêtres dans sa partie basse, elle fut artificiellement lézardée, on lui donna exprès cette physionomie ruiniforme afin de mieux souligner l'imperfection humaine et terrestre. L'éclairage zénithal répond à un désir de mettre en valeur la Connaissance.

L'église gothique en ruine, la seule fabrique naturelle du site.
Malraux : sauveur des lieux
Le comte de Monville y organisait des réceptions, des pièces de théâtre, des concerts. Marie-Antoinette, Madame Du Barry, Thomas Jefferson et l'élite des Lumières (Encyclopédistes…) s'y retrouvaient. La Révolution mit un point final à l'aventure philosophique. Dès lors, le Désert de Retz se délita dans l'indifférence générale.

Les surréalistes et notamment Jacques Prévert tentèrent d'attirer l'attention sur le lieu, sans écho. Si André Malraux en 1965 n'avait pas pris conscience qu'un important patrimoine du siècle des Lumières était en train de disparaître, le Désert ne serait plus. Aux mains de la commune de Chambourcy, le Désert de Retz reprend progressivement vie. Des visites guidées permettent d'approcher l'un des lieux les plus insolites d'Île-de-France.