Que faire dans le Minervois et le Cabardès ?
Ces deux territoires discrets, ravinés par l’Histoire, prennent place entre le canal du Midi et le Parc naturel régional du Haut-Languedoc. Hautement viticoles, jalonnés de villages rudes parfois couronnés de châteaux ruinés, ils font la césure entre l’est et l’ouest. Si le Minervois assume clairement son penchant méditerranéen, le Cabardès subit déjà les influences atlantiques.
Manque de curiosité ou déficit de notoriété ? Nul ne sait pourquoi les touristes ne sont pas plus nombreux à visiter le Minervois et le Cabardès, régions sudistes dont les paysages n’ont pourtant rien à envier à ceux de la Provence ou du Roussillon. Depuis le canal du Midi, le Minervois tout proche affiche d’emblée sa belle rusticité méridionale.
À partir de Homps, la route vers Minerve met vite le visiteur au pli : des vignes, des vignes, et encore des vignes ; des villages ramassés au pied de coteaux ; une terre calcaire âpre, que domine au loin le Parc naturel régional du Haut-Languedoc et les monts du Somail. Ici, plaines, versants et hauteurs forment trois terroirs de valeur dont chacun exprime sa typicité à travers des vins pour l’essentiel rouges, qui sont réputés tanniques et puissants. Produits par 19 caves coopératives et 216 caves particulières, ils font la réputation des appellations d’origine (AOC-AOP) Minervois et La Livinière.
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Des villages aguichants
Minerve est le joyau de ce paysage entièrement dévolu à Bacchus. Au confluent des gorges de la Cesse et du Brian, cours d’eau à sec dès le mois de mai, le village déploie des ruelles médiévales et une tour, vestige d’un antique château. Site défensif naturel, il servit de refuge aux Cathares et fut pris par Simon de Montfort en 1210. Minerve recèle une église, possédant la plus vieille table d’autel de France (456). Et… une curiosité naturelle. La Cesse a coupé son méandre en perçant la roche et coule dans un tunnel immense, que l’on peut emprunter à pied quand il n’y a pas d’eau ni d’orage. Autour de Minerve, d’autres villages aguichent les touristes. Aigne est une « circulade » : les maisons font rempart autour de l’église, nichée au coeur d’un cercle villageois accessible seulement par des passages sous voûtes. Charmant. La Caunette s’étire le long de la Cesse et ne s’ouvre que par une porte fortifiée du XIIIe siècle. Maisons vigneronnes à balcons fleuris et masures abandonnées rappellent les aléas ruraux du secteur. La route de Minerve à Félines-Minervois, elle, est clairement méridionale : dans un décor de garrigue rase, elle offre des points de vue plongeants sur la vallée de la Cesse et sur l’alter ego du Minervois au sud : le massif des Corbières, visible par-delà le canal du Midi.
Voguer avec Détours sur le canal du Midi entre Homps et le Somail
Les oliviers concurrents de la vigne
Au gré des routes départementales, le patrimoine se révèle plus riche qu’il n’y paraît. Cesseras abrite sous une pinède la belle chapelle romane Saint-Germain, érigée au XIe siècle. Siran cache la chapelle de Centeilles dans les vignes, au bout d’une route bordée de murets et de quelques capitelles (cabanes) de pierres sèches. Pépieux se déploie autour de l’église Saint-Étienne, au clocher carré fortifié. À Rieux-Minervois, l’église romane Sainte-Marie est bâtie sur un curieux plan heptagonal. À l’ouest, le Minervois héraultais devient audois. Rien ne change, ou presque. Des oliviers, concurrents de la vigne, affirment un caractère méditerranéen bien trempé.
La fontaine place de la République à Caunes-Minervois.
Ici, se cache une perle : Caunes-Minervois. Son ancienne abbaye bénédictine, Saint-Pierre-Saint-Paul, bâtie du XIe au XIVe siècles, possède un chevet d’église encadré de deux tours, fleuron de l’art roman méridional. Elle a été agrandie d’un nouveau cloître au XVIIIe siècle. Le choeur des moines abrite les reliques des saints martyrs de Caunes (Armand, Luce, Alexandre et Audalde), honorés depuis le Xe siècle, et célébrés chaque année en juin.
Caunes-Minervois, un marbre royal
Caunes-Minervois peut également se prévaloir d’un sceau royal. Déjà exploité au temps des Romains, le marbre rouge, « incarnat », de ses carrières a été choisi par Louis XIV. Le château de Versailles et, plus tard, l’Opéra Garnier de Paris, en ont été décorés. La carrière du Roy nous raconte cette épopée. Elle est aujourd’hui abandonnée, et un sentier y mène, au milieu de falaises rouges. À présent extrait dans d’autres sites, ce marbre est toujours recherché pour la décoration. Une balade dans le village montre qu’il a été utilisé en abondance, localement : pour l’autel de l’église abbatiale, pour la fontaine de la place de la République, pour celle de la rue d’Aiguebelle…
La haute vallée de l'Orbiel, parenthèse de fraîcheur
Toujours vers l’ouest, l’arrivée dans le Cabardès annonce un début de changement. La vigne y est moins obsédante : les prairies et les champs de blé lui font concurrence. Normal : ce territoire de collines, au nord-est de Carcassonne, est au pied de la montagne Noire pluvieuse. Il subit les influences croisées des climats méditerranéen et atlantique. Les cépages, d’ailleurs, évoluent. Grenache et viognier sont toujours présents, mais cabernet, malbec, merlot et chardonnay font leur apparition.
Les vins de Cabardès sont plus souples, moins tanniques. Et plus on grimpe au nord, plus le paysage verdit. La haute vallée de l’Orbiel offre ainsi une parenthèse de fraîcheur dans la fournaise de l’été. Au-dessus du microvillage de Roquefère tapi dans le vallon, une route étroite grimpe dans les bois jusqu’à la cascade de Cubserviès : une chute vertigineuse, dont le débit est rarement perturbé par la canicule.
Lastours, l'influence cathare
Comme en Minervois, les villages du Cabardès racontent des histoires. Saissac, dont la forteresse en ruine (XIIIe siècle), posée en vigie en avant du village, témoigne d’anciens fiefs seigneuriaux influencés par les Cathares. Une citadelle l’illustre mieux que d’autres : Lastours. Comme Quéribus, Montségur ou Peyrepertuse, ces châteaux-tours ruinés rappellent la puissance d’un bastion : celui de Cabaret, défenseur des « hérétiques » et repris par Simon de Montfort, lors de la croisade contre les Albigeois. À la place des trois châteaux du XIIe siècle, détruits sur ordre du roi de France, quatre forteresses sont bâties, afin de montrer la mainmise du royaume. Cet ensemble posé dans des collines du Haut-Cabardès, le public le découvre,au fil d’un parcours pédestre reliant les châteaux médiévaux de Quertinheux, Surdespine, Régine et Cabaret.
Montolieu, le village du livre et des arts
Reste à découvrir un dernier village à l’Histoire plus contemporaine, mais non moins remarquable : Montolieu. Depuis les années 1990, ce bourg traversé par la Dure et l’Alzeau – le ruisseau capté par Riquet pour alimenter le canal du Midi – est connu comme le « Village du livre ». Un relieur de Carcassonne, Michel Braibant, en a d’abord fait un pôle d’artisans du papier, comme l’évoque le musée des Arts et Métiers du livre. La commune est devenue ensuite une terre d’accueil pour les librairies. Une quinzaine de ces commerces, ouverts toute l’année, se partagent les rues. Prouvant le dynamisme des lieux, boutiques d’artisans, échoppes de créateurs et restaurants les ont rejoints. Depuis 2015, Montolieu accueille aussi le musée Cérès-Franco. Installé dans l’ancienne coopérative viticole, il abrite la collection d’art brut rassemblée par cette galeriste brésilienne ayant mené carrière à Paris. Sur ces vieilles terres du Minervois et du Cabardès, l’Histoire se régénère aussi par la culture.