Sur le toit du Jura, la magie des grands espaces
Dans le Haut-Jura, le silence est encore plus profond, les hivers plus rudes, et les traditions plus affirmées. Des Rousses jusqu’à l’Ain jurassien, partons à la découverte des Hautes-Combes, ces hauts plateaux sauvages et désertés qui ondulent à 1 000 mètres d’altitude.
En équilibre entre France et Suisse, les Rousses constituent un bon point de départ pour rayonner dans les montagnes du Jura. Cette station, qui compte quelque 50 kilomètres de pistes, est un immense terrain de jeu pour les skieurs l’hiver. Son lac aux eaux bleues devient, lui, idéal aux beaux jours pour les sports nautiques.
Porte d'entrée des hautes-combes
Prenons la direction du sud. Via la D25, au pied du crêt Pela, voici Lamoura, à l’orée de la forêt du Massacre, point de départ de la Transjurassienne, la célèbre course de ski de fond. Nous arrivons ensuite dans le petit village de moyenne montagne de Lajoux, sur la route du col de la Faucille (1 323 m) – col ouvert par Napoléon (route Paris-Milan) –, qui mène à Gex. « Le col de la Faucille me fit découvrir en une vision parfaitement claire ma Terre promise de mon œuvre à venir et ma vraie demeure en ce monde. Mes yeux avaient été ouverts », déclara l’écrivain anglais John Ruskin, fasciné par les panoramas offerts ici sur le Léman et, aux beaux jours, sur le mont Blanc. Le col est bien connu des amateurs de cyclisme : il a été escaladé à plus de quarante reprises par les coureurs du Tour de France. « Quand la Faucille brille, elle tranche », écrivait d’ailleurs Jacques Goddet, patron du Tour, en référence à sa météo capricieuse. Mais Lajoux est aussi et surtout la porte d’entrée d’un territoire singulier que l’on appelle les Hautes-Combes, peut-être l’un des endroits les plus fascinants du Jura. Sous nos yeux, se déroule un haut plateau à 1 000 mètres d’altitude de moyenne, tout en courbe. Le paysage ? Des prairies infinies qui ondulent dans le creux des combes, des crêts hérissés du vert des épicéas, des vaches montbéliardes.
Lajoux est aussi et surtout la porte d’entrée d’un territoire singulier qu’on appelle les Hautes-Combes, peut-être l’un des endroits les plus fascinants du Jura.
Règne du silence
En toile de fond, les hauts sommets du Jura, le Colomby de Gex (1 688 m) et le crêt de Chalam (1 545 m)... Au fond de dépressions naturelles, quelques goyas, ces mares aménagées par l’homme, servent d’abreuvoirs aux vaches.
L’hiver, l’endroit, enneigé, prend des allures de Grand Nord. Mais c’est surtout au printemps qu’il faut voir les Hautes-Combes, lorsque sa végétation explose et que les pâturages sont tachetés de violet, de jaune, de bleu, de blanc, tapissés de campanules, d’orchidées et de géraniums sauvages... Un petit éden. Par endroits, on se croirait dans les grands espaces américains – d’ailleurs, on peut découvrir un élevage de bisons à La Pesse !
Les Hautes-Combes, c’est le règne du silence, de la nature préservée : au fil de ses nombreux chemins de randonnée, on peut ne croiser aucun humain. C’est l’endroit le moins peuplé du Jura. Les Moussières, Les Bouchoux, La Pesse... On n’y rencontre que quelques hameaux, et surtout de vastes corps de fermes isolés aux grands toits protecteurs, avec, non loin, des « greniers forts », ces petites cabanes en bois fortifiées, où les éleveurs entreposaient jadis leurs richesses : orge, cloches des vaches, avoine, papiers... Elles résistaient même au feu ! Défrichées à partir du XIVe siècle par les moines de l’abbaye de Saint-Claude, ces hautes terres, où la nature des sols et les conditions climatiques ne permettent pas l’agriculture céréalière, sont aujourd’hui encore essentiellement vouées à l’élevage de vaches laitières. On y fabrique des fromages – bleu de Septmoncel, comté, morbier, tomme, notamment aux Moussières – et les traditions sont encore bien vivaces. Qu’on pense aux tavaillonneurs, aux sangliers et aux lapidaires, ces tailleurs de pierres précieuses !
On y découvre une piste de près de 200 mètres avec une succession de trous mesurant jusqu’à 1,50 mètre de diamètre :les plus grandes empreintes au monde de dinosaures !
Sur la piste des dinosaures
Passons La Pesse et la fameuse « borne au lion », érigée en 1613 pour marquer la séparation entre le royaume de France et la Bourgogne espagnole, pour pénétrer dans l’Ain. Les paysages jurassiens y sont plus boisés. Il faut voir le lac Genin qui surgit au fil de minuscules routes, comme un bout du monde à 830 mètres d’altitude, dissimulé dans un écrin de sapins. Arrêtons-nous également à Plagne pour découvrir un lieu totalement insolite, perdu dans la forêt. Dans ce village se niche, au beau milieu de la forêt jurassienne, un lieu totalement insolite et encore méconnu du grand public.
On y découvre une piste de près de 200 mètres de long avec une succession de trous mesurant jusqu’à 1,50 mètre de diamètre : ce sont tout simplement les plus grandes empreintes au monde de dinosaures ! Ces spectaculaires traces de pas inscrites dans la boue, et aujourd’hui gravées dans le calcaire, datent d’il y a environ 150 millions d’années. Elles ont été laissées par des dinosaures sauropodes, gigantesques herbivores à quatre pattes et au long cou, qui peuplaient la région – alors un immense paysage de lagunes. Cette incroyable découverte a été effectuée le 5 avril 2009 par des membres de la Société des naturalistes d’Oyonnax. D’après les études en cours, les sauropodes de Plagne devaient dépasser les 30 mètres de longueur pour au moins 50 tonnes et progressaient à 5 km à l’heure environ.