La cathédrale de Troyes : l'aube des vitraux
Saint-Pierre-et-Saint-Paul a perdu beaucoup de ses reliques mais a conservé son trésor : ses verrières. Visite au coeur de ce lieu divin classé monument historique.
La belle du seigneur
Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes, date de l’époque la plus prisée pour le vitrail (début du XIIIe siècle). Elle possède un corpus inégalable de vitraux et a lié son nom à l’histoire de l’ordre du Temple. Par les circonstances de son érection , elle est symbolique d’une continuité dont nous avons un peu perdu la conscience.
Lorsqu’elle commence à sortir de terre, créature des maçons et tailleurs de pierre gothiques, elle a déjà un long passé. Elle succède à une précédente cathédrale, d’esprit roman, laquelle s’inscrivait elle-même dans une lignée plus ancienne, sur le site où étaient vénérés les saints locaux Potentien et Sérotin, évangélisateurs des premiers temps du christianisme.
L’objectif : faire à chaque fois mieux et plus beau, au même emplacement, quitte à détruire, s’il le faut, sans attendre le feu de l’incendie ou le fer des Barbares. Une approche iconoclaste qui se rapproche davantage de la conception orientale, où les pagodes sont perpétuellement démontées et remontées. À Troyes, en réalité, c’est le destin qui imposa ces constructions à répétition.
À la fin du IXe siècle, la furia normande signe la mort de la cathédrale romane. Trois siècles plus tard, en 1188, un dantesque incendie remet tout à zéro en ravageant la ville. Ce qui fut, peut-être, une aubaine, si l’on raisonne en termes de magnificence et d’exploit architectural. Car la nouvelle cathédrale, dont l’achèvement complet prendra quatre bons siècles, naît en même temps que ses consoeurs les plus audacieuses : Paris, Reims, Amiens, Chartres (toutes dédiées à Notre-Dame), Saint-Étienne de Bourges, Saint-Pierre de Beauvais.
C’est l’époque où la technique de la croisée d’ogives permet d’élever la voûte à des hauteurs insensées – jusqu’à 40 mètres – réduisant symboliquement l’homme à une échelle minuscule face à Dieu.
À Troyes, le choeur est achevé en 1250 malgré une autre alerte en 1228 : un ouragan a entraîné un écroulement partiel du bâtiment. Qu’à cela ne tienne : on recommence ! La richesse des comtes de Champagne au milieu du XIIIe siècle explique que l’on ait pu mener coûte que coûte le chantier.
La technique des vitraux progresse en même temps que l’architecture : le traité du moine Théophile, fournissant des recettes élaborées pour les vitraux de couleur comme pour les compositions en grisaille, est à peu près contemporain de la pose de la première pierre de la nouvelle cathédrale. Dès 1250, les fenêtres hautes du choeur sont en place. Au total, la réalisation s’étendant sur plusieurs siècles, ce sont 1 500 m2 qui parviendront jusqu’à nous sous forme de verrières multicolores.
Grands saints, petits mécènes
Les plus anciens maîtres verriers sont nimbés de mystère. On sait leurs noms et l’emplacement de leurs oeuvres, mais guère plus : Jacquemin a laissé, au XIVe siècle, un saint Georges terrassant le dragon et, au siècle suivant, Guiot Brisetour s’est exprimé sur la rose du transept nord. Mais c’est aux XVIe et XVIIe siècles que travaillent les plus brillants artistes de l’école du vitrail troyen. Leurs oeuvres sont financées par des mécènes, qui se font représenter, en petit, à côté des saints.
On a tendance à imputer à la Révolution la totalité des destructions - gros oeuvre, mobilier et vitraux. Mais d’autres événements sont à prendre en compte : les dégâts de la Ligue et des iconoclastes protestants au XVIe siècle, ou simplement les catastrophes naturelles. L’éclair du 8 octobre 1700 fit fondre les cloches, le plomb des toitures et des barlotières.
Si on n’a jamais reconstruit le clocher, on a sans cesse remplacé ou restauré les vitraux. Ils sont un des attributs les plus indispensables de la cathédrale, participant au sentiment d’élévation du fidèle. Les livres de verre sont une signature irremplaçable et un chantier en perpétuel devenir.
Centre des Monuments Nationaux
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