En descendant les marches d’un escalier improbable, creusé au milieu du parking du village, le visiteur tombe nez à nez sur des personnages stylisés taillés en ronde-bosse, aux traits grimaçants ou angéliques, se livrant à des scènes étranges. Ici, un amoncellement de têtes et de corps désarticulés, plus loin des scènes qui s’animent et se lisent comme une bande dessinée. L’une des plus étranges montre un homme arrachant un bébé des bras d’une femme hurlante. L’émotion est d’autant plus grande qu’on ne sait toujours pas quand et par qui ont été ciselées ces sculptures énigmatiques, leur origine reste enveloppée de mystère. Révélées en 1930 par deux ethnologues locaux, les caves des Mousseaux auraient été découvertes par un ecclésiastique au XVIIIe siècle. Choqué par la nudité des corps et les scènes satiriques, il fit occulter le site impie.

« On pense qu’une grande partie daterait d’entre le XVe et le XVIIe siècle. Regardez, ici quelques dates sont encore déchiffrables », nous montre Éliane Lefort, la présidente de l’association Sauvegarde du patrimoine denezéen. Dans le faisceau lumineux de sa torche, on devine l’inscription «1636 ». Éliane mène une enquête quasi policière afin de reconstituer le puzzle historique qui permettrait de dater et de comprendre la signification de ces œuvres. C’est ainsi qu’elle est arrivée à une hypothèse : « L’amour entre un protestant et une catholique était devenu impossible après la révocation de l’édit de Nantes. Leur enfant a été sacrifié, et le père, blessé dans la lutte, s’était caché dans cette cave. En sculptant ces figures humaines, il a voulu raconter son histoire », avance-t-elle, en pointant la scène de l’enfant arraché à sa mère. Ainsi, on pourrait reconnaître dans certains personnages les traits d’Henri II entouré de Catherine de Médicis et de sa favorite Diane de Poitiers, poitrine découverte.
La même cave a probablement dû servir de cachette à d’autres, bien avant l’auteur supposé de ces sculptures, entre autres au IXe siècle à l’arrivée des Vikings. Éliane en est certaine : « Pendant près d’un siècle, en Pays Saumurois, des populations entières ont vécu sous terre, cachées, y compris les seigneurs, avant d’émerger de leur trou et de commencer à bâtir manoirs et châteaux en pierre. Ne l’oublions pas. »