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Grimpez sur le plus mythique des volcans d'Auvergne

Paysage du puy de Dôme avec antenne et bâtiments sous un ciel bleu partiellement nuageux © Bertrand Rieger / Détours en France

Publié le par Dominique Roger

Avec ses 1 465 mètres de hauteur, le puy de Dôme n’est peut-être pas le plus haut sommet d’Auvergne − il s’en faut de quatre cents mètres −, mais il fait figure de monstre sacré. Cône massif et solennel, il règne en majesté sur un chapelet de quelque quatre-vingts volcans secondaires. Cette configuration géologique unique au monde lui a valu, en 2018, au titre de la chaîne des Puys et de la faille de Limagne, d’être inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Vous avez dit mythique ?

Au regard du fascinant pouvoir d’attraction qu’ils incarnent aujourd’hui, il est bien difficile d’imaginer qu’au milieu du XVIIIe siècle les volcans d’Auvergne étaient encore inconnus. Désormais, leur relief est comme un livre ouvert aux yeux de chacun. Glissons notre marque-page au creux de la chaîne des Puys. C’est en 1751 que Jean- Étienne Guettard, membre illustre de l’Académie des Sciences, annonça à la grande surprise du monde savant qu’il existait au centre de la France des volcans éteints semblables aux volcans actifs d’Italie. Jusque-là, ces « montagnes creuses » en forme de cônes qui constituent la longue chaîne des Puys aux environs de Clermont, « et qui se dressent sur le plateau comme de gigantesques taupinières, avaient été considérées comme des amas de scories abandonnées par les métallurgistes de l’Antiquité ». Ainsi était pour la première fois révélé, dans un pays d’où toute histoire volcanique était absente, qu’il existait sous nos pieds de vastes appareils éruptifs, ou presque. À noter qu’il faut attendre la moitié du xixe siècle pour qu’une carte géologique de la France dessine le profil de ces chers volcans. Plus de deux cent cinquante ans plus tard, des amateurs de pleine nature et des scientifiques du monde entier continuent de parcourir et d’étudier cette ancienne terre de feu.

Identité auvergnate

De nos jours, l’ascension du puy de Dôme est accessible à tous grâce au petit train qui vous y dépose... et y interdit les voitures et autres autocars, puisque la route en balcon est désormais fermée. Autres avantages : plus de parkings défigurant les lieux, plus de pelouses d’altitude piétinées jusqu’à la corde... En douceur et dans un silence de tapis volant, le train grimpe en déroulant une vue imprenable de pentes vert tendre et de dômes sombres en cavalcade. Même par beau temps le vent y orchestre, en jouant des cumulus, un ballet de couleurs changeantes. Quand le foehn couronne le sommet d’un épais nuage stationnaire, et qu’on en émerge avant l’arrivée, on croirait poser pied sur un îlot perdu... Autrefois, un tramway avait déjà fait ce chemin. De 1907 à 1925. Il venait tout droit de Clermont- Ferrand. Un trajet aller-retour en deux heures, qui avait failli entraîner l’irréparable : des promoteurs entreprenants s’étaient pris à rêver d’hôtels de luxe. Pour les stopper, le département avait dû préempter les terres. Enterrée dans la pente sous un plateau herbu, la gare actuelle, à 1 406 mètres, fait preuve de plus de discrétion. Il y a bien assez de l’antenne hertzienne, plantée en 1957, et de la station météo pour déparer le sommet avec leur bric-à-brac de science-fiction démodée. En parlant d’altitude, difficile de résister à l’écho des paroles d’Alexandre Vialatte, « écrivain notoirement méconnu » comme il aime à se définir, qui ensemença les colonnes du quotidien La Montagne de ses chroniques où l’humour tire la langue à l’absurde. Et à le lire : « Il est pour les montagnes, une altitude morale. Le puy de Dôme, moralement, est bien plus haut que lui‐même. Historiquement, le puy de Dôme est plus grand que le mont Blanc. Ou alors, que fait‐on d’Astérix, de Gergovie, de Vercingétorix ? Ce qui n’empêche pas les Suisses de regarder le puy de Dôme de très haut. »

L’arrivée au Temple

Au sommet du Puy, le temple de Mercure, vestige gallo-romain du iie siècle, a été depuis partiellement reconstitué. Découvert dans la seconde moitié du xixe, il est classé au titre de monument historique
Au sommet du Puy, le temple de Mercure, vestige gallo-romain du IIe siècle, a été depuis partiellement reconstitué. Découvert dans la seconde moitié du XIXe, il est classé au titre de monument historique. © Bertrand Rieger / Détours en France

Les passagers se dispersent une fois débarqués sur les trois sentiers bien tenus qui sillonnent les terrasses sommitales, en resserrant frileusement leur polaire. On nous avait prévenus, la différence de température est saisissante. « Vous n’avez pas froid ? ! » Quelques exclamations pleines de surprise saluent la rencontre avec des arrivants en tee-shirt... « Ah, mais nous, on est montés par le chemin des Chèvres ! », rétorquent les marcheurs un brin dédaigneux. Des puristes qui ont choisi le chemin nord, le plus raide, taillé en escalier. D’autres ont pris au sud la voie des Muletiers, en lacets, par le col de Ceyssat. De toute façon, c’est plus de 400 mètres de dénivelé positif. Mais « les Muletiers » ajoutent une dimension historique, c’est la voie que nos ancêtres gallo- romains empruntaient jusqu’au temple de Mercure, un édifice si monumental qu’il se distinguait depuis Augustonemetum, l’ancien nom de Clermont. Là-haut, c’est l’observatoire du temple, un centre d’interprétation légeretingénieux qui retrace l’histoire du lieu, de sa découverte en 1872, lors de la construction de l’observatoire météo, aux plus récentes campagnes de fouilles, dans les années2000. Selon les archéologues ayant œuvré sur le site, le Puy  était déjà sacré avant la pierre grise qu’ils employèrent principalement, puisée dans un cratère proche du col de Ceyssat. En conséquence, on manque d’éléments pour imaginer les superstructures du temple, un des plus grands de Gaule. Plusieurs hypothèses de restitution sont exposées à l’observatoire, mais la reconstitution entreprise ne dépassera pas son socle magistral.

Ode à la nature

Tout autour des installations scientifiques et techniques, les espaces naturels désormais protégés se sont reconstitués. Les pelouses alpines enveloppent de vert velouté des reliefs tout  rondeur. Sur les pentes, on aperçoit parfois le troupeau de quelque cinq cents brebis chargées de l’entretien du site. Plus loin, des ailes multicolores tracent dans le ciel de larges volutes : le vent permanent attire ici les amateurs de vol libre, mais mieux vaut être rompu à la maîtrise des courants d’air turbulents. Un couple de néophytes, qui vient d’en faire l’expérience, se remet de sa frayeur en dégustant un chocolat chaud à la terrasse du Bousset, le café du sommet, en attendant son train de retour. On songe à l’exploit de l’aviateur Eugène Renaux qui, en 1911, pour répondre à un défi lancé par Michelin, a posé ici son biplan... 

La tête dans les nuages

Un technicien en laboratoire analyse des données affichées sur plusieurs écrans d'ordinateurs et d'appareils scientifiques
L'observatoire météo de montagne du puy de Dôme est une des stations de référence mondiale en matière d’observation de l’évolution du climat. © Bertrand Rieger / Détours en France

Inauguré en 1876, l’observatoire météo permanent de montagne du puy de Dôme fut une première mondiale avec ses appareils dernier cri − anémomètre, thermohygrographe, liaison télégraphique directe avec le laboratoire de plaine, etc. Le projet passa d’abord pour une folie. Les changements de temps au sommet sont brutaux, les orages très fréquents : « Vos observateurs deviendront vite fous ou idiots; puis le vent emportera vos constructions », objectaient les élus de Clermont-Ferrand. « Au contraire, c’est l’occasion d’expérimenter ces phénomènes en direct », fit valoir le professeur Émile Alluard. La station météo est désormais rattachée à l’université Clermont-Auvergne. 

Sources

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