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Volcans d'Auvergne : trois lieux insolites à découvrir

Le plateau du Cézallier dans le Cantal Le plateau du Cézallier dans le Cantal - © Bruno Morandi / Détours en France

Publié le par Tuul Morandi

Nés d’une apocalypse de feu et de glace, les volcans d’Auvergne n’ont nulle part leur pareil. Tout a commencé il y a treize millions d’années avec le massif cantalien qui, au terme de millénaires d’explosion et de fureur, a fini par former le plus grand stratovolcan d’Europe. Leur sol regorge de nombreuses richesses comme les tourbières de Brujaleine, des sites archéologiques et de l’améthyste. Découverte.

Les tourbières de Brujaleine

Balade dans les tourbières de Brujalaines dans le Cantal
© Bruno Morandi / Détours en France

« Si, à l’issue de notre balade, vous êtes plus sensible à la beauté des tourbières, ces zones mystérieuses autrefois réputées maléfiques, alors j’aurai réussi ma mission », affirme Sophie Ougier, fondatrice de l’association Moments Nature, avant d’entamer une écorandonnée sur le plateau de Chastel-sur-Murat, dans la commune de Murat. Un réseau de quatre tourbières (Brujaleine, Champagnac, Sagnes-du-Breuil et Lapsou) forme ici un espace naturel sensible (ENS) classé Natura 2000. Autant dire que nous nous trouvons dans un lieu hautement riche en biotope où ont été recensés six habitats naturels remarquables à l’échelle européenne et cinq espèces floristiques, sans compter une grande variété de populations d’amphibiens. Mais qu’est-ce qu’une tourbière ? « C’est une zone humide avec un sol gorgé d’eau. Lorsqu’un fond résiduel d’un glacier est envahi par la végétation au fil des millénaires, il finit par former une tourbière », répond Sophie. En une vingtaine de minutes de marche depuis le portillon d’entrée des estives du lieu-dit Lapsou, nous atteignons la tourbière Brujaleine, un havre de paix plein de mystère entouré de prairies verdoyantes et d’une forêt de résineux. D’épaisses couches de mousse moelleuses tapissent les bordures d’un étang grouillant de vie, Sophie y plonge ses mains pour en extraire une poignée. « Voici la sphaigne, une mousse végétale qui acidifie le sol de la tourbière. C’est grâce à cette acidité, mais aussi au froid et à la teneur très pauvre en oxygène que la tourbière conserve en bon état les vestiges organiques pendant des millénaires. Elle est donc une véritable archive de notre évolution terrestre et une précieuse mine d’informations pour le monde scientifique », explique-t-elle. Plantes, insectes, animaux et même humains piégés dans ces sols peuvent être préservés intacts et traverser des siècles comme en témoigne l’homme de Tollund, un corps datant du IVe siècle avant J.-C. naturellement momifié et parfaitement conservé, trouvé dans une tourbière au Danemark. En dehors de ce rôle d’archivage, les tourbières rendent aussi à l’homme des services dit « écosystémiques » en régulant les cycles de l’eau. « Elle fonctionne comme une réserve inépuisable en absorbant la pluie telle une éponge et en la restituant dans le sol environnant lorsqu’il fait plus sec. » En d’autres termes, elle nous évite inondation, crue et sécheresse sans oublier qu’elle joue un rôle important dans l’épuration de l’eau et le stockage du carbone. Rien que ça ! « Malheureusement, les actions de l’homme, telles que l’exploitation des tourbières, l’agriculture intensive, le drainage ou les diverses mines et carrières menacent ces espaces », regrette Sophie qui organise des sorties « Nature » afin de sensibiliser le public à sa préservation.

 

Les vestiges archéologiques du Cantal

Le site archéologique du Chastel, sur le roc Saint-Antoine, véritable forteresse naturelle dont les premiers vestiges datent du néolithique.
© Bruno Morandi / Détours en France

Situé à 1 250 mètres d’altitude sur le versant sud-est du signal du Luguet (1 547 m), le point culminant du massif du Cézallier, le promontoire du Chastel domine la vallée de la Sianne en contrebas, vertigineux! Il y a 900 ans se dressait ici une ville fortifiée imprenable. « Sous les couches de végétation, vous avez là un village du Moyen Âge très bien conservé », explique Fabien Delrieu, archéologue à la direction régionale des affaires culturelles (Drac) Auvergne-Rhône-Alpes, en indiquant les contours nets de la fortification où se trouvait la maison du seigneur. « Observez les maisons autour, à moitié enterrées à l’abri du vent dominant. Les murs sont très épais, les entrées sont orientées plein sud. C’est une architecture typique d’altitude au climat froid et enneigé », continue-t-il avant d’ajouter : « Une telle conservation archéologique à cette altitude est unique en France. » Pour un regard averti, beaucoup de détails livrent une mine d’information sur la vie quotidienne de nos ancêtres vivant en altitude et « ces témoignages ne se trouvent que dans le Cantal ». Le Chastel n’est pas le seul vestige archéologique de la région, qui compte de très nombreux sites bien préservés. « Tout le massif volcanique de l’ouest de l’Auvergne est concerné. Et les vestiges couvrent des périodes allant du néolithique jusqu’au Moyen Âge », explique l’archéologue. Malgré l’altitude élevée, les hommes se sont installés ici d’une manière pérenne dès 4500 avant J.-C., attirés par la richesse du sol, et ont érigé dolmens et menhirs. « Mais les traces les plus abondantes concernent trois grandes périodes, à savoir l’âge du bronze (2000 à 450 avant J.-C.), l’époque gauloise (450 à 200 avant J.-C.) et le Moyen Âge (XIe au XIVe siècle), lors desquelles le Cantal était beaucoup plus densément peuplé. » Tumulus funéraires, vestiges gaulois et villes fantômes médiévales émergent du sol cantalien, racontent une nouvelle histoire sur la région et livrent des informations qui bousculent parfois certaines idées reçues. Pourquoi une telle conservation archéologique dans ces contrées d’altitude ? « La singularité du massif cantalien, constitué principalement de plateaux et de vallées, a joué un rôle certain dans la sauvegarde de ces vestiges, à l’inverse des Alpes où l’érosion est plus importante », répond Fabien Delrieu. « Mais c’est l’élevage et la transhumance, principal mode de vie pratiqué sur ces hauts plateaux depuis l’âge du bronze, qui les a littéralement sauvés », poursuit-il. Grâce à ces activités liées à l’estive et à la transhumance, les herbages se sont bien maintenus et ont servi à sceller ces ruines dans une terre qui n’a jamais été labourée. « On peut attester et dater ce mode de vie grâce à la présence d’abondants tumulus funéraires qui jalonnent les chemins d’estive, comme ici au mont Gervais où se trouve le premier des 45 tumulus qui suivent un itinéraire de 12 kilomètres entre Allanche et Massiac », raconte l’archéologue en montrant le gros tas de pierres à la lisière de la forêt. Deux mille ans avant notre ère se met en place un système de transhumance entre les plaines et des zones d’altitude via des chemins d’estive contrôlés par les élites. Ces derniers mettaient les tombes de leurs défunts le plus près possible des chemins afin qu’ils soient vus de tous et aussi pour marquer leur territoire.

 

L’améthyste d’Auvergne

La Compagnie des minéraux d’Auvergne Minéraux (COMINAUV) à Vernet-Chaméane.
© Bruno Morandi / Détours en France

« Les paysans les trouvent dans leurs champs, les habitants dans leur jardin, c’est d’une telle banalité qu’ils ne comprennent pas pourquoi on fait tant d’histoire autour de ça », explique Pierre Lavina, géologue et ancien directeur de la maison de l’Améthyste. « Ici, c’est un agriculteur qui nous a signalé leur présence dans son champ il y a un mois », poursuit-il en indiquant les quartz violets qui parsèment un terrain creusé en surface. Nous nous trouvons à Vernet-la-Varenne et, sous nos pieds, dans un espace de 30 kilomètres de diamètre, se cachent les précieux filons d’améthyste, le plus grand gisement d’Europe. « Les améthystes d’Auvergne sont uniques au monde par leur forme géométrique quasi parfaite et par leur couleur “rubis”, même si cette qualité “gemme” ne représente que 2 % du gisement. Par sa rareté, elle était considérée comme une pierre précieuse », continue le géologue. Si toutes les améthystes du monde se forment grâce aux activités volcaniques, celles d’Auvergne ont la particularité de se trouver uniquement dans des filons, et non dans des géodes. « Elles se façonnent à partir du magma qui s’est cristallisé dans le sol sous forme de granit. La décharge d’énergie du granit va influer sur la couleur du cristal en intensifiant sa teinte violette. C’est un procédé chimique que les améthystes en forme de géode – présentes par exemple en Amérique latine – n’ont pas. Ce qui explique sa rareté », explique Pierre Lavina. Les améthystes d’Auvergne étaient certainement utilisées depuis l’époque gallo-romaine mais les premières traces écrites de leur extraction datent seulement de la Renaissance. Selon certains textes, la reine Margot, emprisonnée dans la forteresse d’Usson par Henri IV, aimait se parer des pierres pourpres qui venaient de la mine de Pégut, à proximité de Vernet-la-Varenne. Deux siècles plus tard, c’est Louis- Guillaume Le Monnier, médecin de Louis XV, qui découvre officiellement l’améthyste d’Auvergne lors d’une mission scientifique avec le cartographe Cassini de Thury. Il écrit avoir trouvé les plus belles carrières d’améthyste à Pégut et avoir fait tailler un morceau de cristal à Murat par un lapidaire pour le mettre dans le cabinet du jardin du roi. « Au fur et à mesure, l’améthyste d’Auvergne gagne une réputation de pierre précieuse, et ce sont les Catalans qui ont mis sa couleur en valeur pour la première fois. C’était du rubis à moindre coût. Ils venaient ainsi s’approvisionner ici en améthystes, qui atterrissaient ensuite chez les lapidaires et les bijoutiers de Barcelone pour l’ornementation des bagues. »

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