La vallée de l'Auvézère en 3 étapes clés
Au nord-est de Périgueux, l’Auvézère nous emmène aux confins du Périgord vert. La rivière a bien des trésors à nous dévoiler et des personnages à nous présenter, un châtelain humaniste, un prince de Patagonie, un explorateur souterrain... Un vent d’aventures souffle sur la petite vallée de l’Auvézère !
L'abbaye bénédictine de Tourtoirac
La rivière de l’Auvézère dessine des méandres avant d’aborder Tourtoirac. Dans le village, d’élégantes maisons Renaissance en pierre blanche cachent, derrière leurs murets, de luxuriants jardins. L’abbaye bénédictine du XIe siècle a encore de beaux restes, à l’image des deux clochers et des chapiteaux romans qui décorent les caves du presbytère. Certains s’animent de scènes cocasses, comme ces deux moines se tenant la barbiche.
La grotte de Tourtoirac
Non loin de l'abbaye, jetez un oeil à la fontaine de la Clautre. C’est par ce lavoir situé au pied de la falaise que le spéléologue amateur Jean-Luc Sirieix fit la plus étonnante des découvertes en 1995. Après avoir remonté de dangereux siphons, il découvrit une grotte immense de plus de 3 kilomètres de longueur. Il trouvera hélas la mort par noyade au cours de sa seconde expédition. Ouverte depuis mai 2010, la grotte de Tourtoirac ne laisse pas d’émerveiller. Le cheminement le long de cette gigantesque galerie évoque le Voyage au centre de la Terre de de Jules Verne. Une musique cristalline confère une ambiance fantastique à cette féerie souterraine : cascade coulant le long de drapées, gours éclairés, stalactites et colonnes en forme de canine géante ou de bateau échoué, cristaux de calcite scintillants… Et au milieu coule une rivière : la Clautre ! Chose rare, un ascenseur permet aux personnes à mobilité réduitre de profiter de ce spectacle unique.
Le château de Hautefort : chez Jacquou le Croquant
À 9 kilomètres de là, le château de Hautefort trône sur son promontoire, fer d’exhiber sa majestueuse silhouette. Le village qui se pelotonne à ses pieds semble n’avoir été construit que pour mieux le mettre en valeur. D’abord forteresse médiévale, le château fut l’objet au XIIe siècle d’âpres querelles entre le célèbre soldat-troubadour Bertran de Born et son frère Constantin, passé dans le camp des Plantagenêt. Au XVIIe siècle, le marquis Jacques-François de Hautefort, riche aristocrate et conseiller de Louis XIV, l’embellit considérablement. C’est à lui que l’on doit le plaisir de se promener dans la cour d’honneur et dans les jardins à la française, d’admirer les quatre dômes à lanternon et l’escalier d’honneur. Détruit dans un incendie en 1968, le corps de logis fait l’objet d’une reconstitution à l’identique. Les intérieurs nous plongent dans une ambiance Grand Siècle avec ce qu’il faut de tapisseries d’Aubusson et de porcelaine de Saxe, de lit à baldaquin et de cuir estampé de Cordoue. On y apprend qu’Eugène Le Roy, l’auteur de Jacquou le Croquant, est né ici d’un couple de domestiques du château. Il ne faut pas manquer de grimper en haut de la tour de Bretagne, dotée d’une superbe charpente du XVIIe siècle qui offre une vue plongeante sur le château et le village.
L’hospice sans toit Hautefort ne se résume pas à son château, on y trouve aussi un imposant hospice au centre du village que l’on doit encore au marquis Jacques-François de Hautefort. Enrichi dans les fonderies du pays d’Ans, le châtelain dépensa une grande partie de sa fortune dans cet hôtel-Dieu du XVIIe siècle. La coupole fut ajoutée bien plus tard, car à l’origine, le toit était ouvert afin de dissiper les miasmes des malades. Un passionnant petit musée de la médecine occupe désormais l’édifce. On y découvre tout un attirail de pièces aussi amusantes qu’effrayantes : masque à bec d’oiseau utilisé par les médecins lors des épidémies de peste, moulin d’apothicaire, fraise de dentiste à pédale, maillet anesthésique, clystère et trépan (instrument de chirurgie)... On y apprend aussi le sens des formules « casser sa pipe » et «se dorer la pilule». À côté du château et de l’hospice, le village paraît ridiculement petit. Mais quel plaisir de fâner autour de la place Eugène-Leroy ! Un parfum de chèvrefeuille flotte sur la rue des Remparts, dont les jolies maisons à génoise semblent vouloir prendre d’assaut le château.
Le prince du bout du monde

En 1858, Orélie-Antoine de Tounens, fils de paysans périgourdins, quitte sa Dordogne natale et débarque en 1860 en Araucanie, au centre du Chili. Les Indiens Mapuches, en lutte contre les autorités chiliennes, voient en lui leur sauveur. L’avoué de Périgueux est proclamé roi d’Araucanie et de Patagonie ! Expulsé en France en 1862, l’improbable monarque n’aura de cesse de lutter pour « son » royaume. Objet d’incessantes moqueries, il retourne à trois reprises en Araucanie avant de se retirer, malade, à Tourtoirac où il meurt en 1878, sans héritier direct. Pourtant, le royaume d’Araucanie et de Patagonie existe encore. À sa tête, le prince Philippe, 87 ans, perpétue l’œuvre du roi blanc des Patagons. « J’ai pris ma mission très à cœur, observe le monarque, pince-sans-rire. J’ai dû batailler avec les autorités chiliennes et argentines. Je me suis disputé avec Jean Raspail, qui a consacré un livre erroné à Orélie-Antoine. Et je continue de poursuivre en justice tous ceux qui contestent mon titre. » Enthousiasmé par l’accueil des Mapuches lors de son voyage en 1989, le prince Philippe, s’est pris d’amitié pour ce peuple « spolié et persécuté », qui revendique toujours des droits sur ses terres. « Ils sont pauvres comme Job. Mais leur région est riche en minerai de cuivre et en vignes. Je suis en relation étroite avec eux. Je souhaite qu’ils obtiennent une autonomie calquée sur le modèle basque ou catalan. » Le prince français d’Araucanie sera-t-il entendu ? Sa succession est en tout cas assurée. Le prince Philippe a déjà choisi son héritier pour régner à distance sur son royaume du bout du monde.