Vercors : les prodiges de la nature
C’est sans doute la montagne la plus sauvage de France. Un territoire où l’été, la question de l’eau se pose comme dans un désert ; où l’hiver, on skie hors trace sur des distances considérables ; où n’importe quand, on peut se trouver enveloppé par un nuage et s’égarer durablement.
Là-haut, on vit avec les nuages. Quand une mer de coton vient clapoter contre le sommet des falaises, les hauts plateaux du Vercors sont comme une île. Dans les lointains émergent d’autres terres : le mont Aiguille, et plus loin le Pelvoux et la Vanoise… tandis qu’à l’opposé, presque sur l’horizon, pointe le Mézenc. Que le grand vent du nord repousse la marée nuageuse, et le Vercors s’impose comme une incroyable citadelle naturelle, plantée entre les Alpes et le Massif central. L’effet est saisissant quand on arrive par la Drôme. Une muraille blanche barre l’horizon ; les falaises vertigineuses filent jusqu’au ciel ; on n’imagine même pas comment y monter autrement que par des crapahutages hasardeux. Des routes à donner le frisson forcent bien le passage en se glissant au sein de canyons obscurs, mais elles s’arrêtent à un premier étage du massif. Les hauts plateaux sont une autre montagne au-dessus de la montagne.
Quand on dit « plateau », on comprend « plat » : grave erreur ! Là-haut se succèdent des ondulations, des combes, des cuvettes où on s’égare comme par enchantement, et des plans inclinés dont il faut se méfier : ils s’interrompent d’un pas à l’autre sur quelques centaines de mètres de vide. Ne quittez jamais les quelques sentiers balisés par des marques de peinture et des pierres levées dont les ombres fantomatiques sont bienvenues. Et souvent, vous vous demanderez : où suis-je ? Les bois de pins à crochets qui surplombent le cirque d’Archiane vous situeraient dans les Rocheuses ; les vastes étendues herbeuses tout en ondulations vers la plaine de la Queyrie ont des airs de Mongolie ; l’immense clairière de Darbounouse évoque la Scandinavie. Seules, peut-être, les roches blanches affleurantes, burinées par l’érosion et percées de gouffres, vous ramènent aux hauts plateaux du Vercors.
« Pour les Parigots aux pieds d’asphalte, le Veymont c’est la difficulté des difficultés. On lève les yeux et on se dit qu’on n’y arrivera jamais ! On y arrive, pourtant, on y arrive, sur les genoux, la langue tombant sur nos chaussures, assez fiers de nous. Seulement, pour peu que ce soit un dimanche, un quatorze juillet ou un quinze août, on trouve à son sommet deux cent cinquante pèlerins arrivés avant nous, la plupart hors d’âge, mais frais comme des chamois ! Ce sont les habitués du Veymont, ceux de Vassieux, de Saint-Agnan, de La Chapelle ou de Gresse, ceux des plaines et du plateau, qui lui grimpent sur le dos depuis qu’ils savent marcher. » Daniel Pennac, Vercors d’en haut, la réserve naturelle des Hauts Plateaux.
Une montagne au-dessus de la montagne ? Pourtant, il y a plus haut encore que les hauts plateaux : c’est le Grand Veymont. Parmi les crêtes de leur bordure orientale, l’une est nettement plus haute que toutes les autres. C’est le Grand Veymont, qui culmine à 2 341 mètres tandis que la hauteur moyenne des hauts plateaux, à son pied, est de l’ordre de 1 600 mètres. Le dénivelé est plus que raisonnable et le sentier gravit la crête puis longe l’arête sommitale du Veymont. Aucun problème technique pour cette ascension donc. Et pourtant, elle exige l’organisation d’une véritable petite expédition. Car depuis le parking au bout de la piste forestière de la Coche, l’ascension du Veymont est l’affaire de 10 heures de marche.
C’est pourquoi beaucoup passent la nuit à la Nouvelle-Jasse de la Chau (ascension au nord), à la Grande- Cabane ou à la cabane des Aiguillettes (ascension au sud), afin d’attaquer la montée sans marche d’approche. Ce sont là les méthodes de l’alpinisme… Dans les deux cas, vous ressentirez la sensation vertigineuse de marcher dans le vide, en haut de pentes aériennes où pourtant gambadent les chamois. Et surtout, vous verrez soudain apparaître en face de vous, en pleine campagne du Trièves, un pic isolé. C’est l’élégant mont Aiguille qui dresse ses 2 087 mètres au milieu des campagnes du Trièves, tel un donjon. Pour peu qu’une mer de nuages couvre la vallée, ainsi que cela arrive souvent, l’effet spécial entièrement naturel est garanti !
Les quatre saisons sur les hauts plateaux
L’année s’y déroule ainsi : six mois de neige, et six mois pendant lesquels printemps, été et automne se bousculent. Le printemps gagne par étages. Quand la prairie de Darbounouse à 1 300 mètres d’altitude, est déjà tout en fleurs, vers Tussac, à 1 600 mètres, on patauge encore dans la neige. Les troupeaux montent fin juin, puis les longues journées de juillet-août dessèchent la montagne. L’été, on n’a jamais assez d’eau : si vous devez y randonner, songez-y. L’automne passe toujours très vite. On a à peine le temps de se dire qu’il va falloir aller aux champignons que l’hiver est là. Sous la neige, les hauts plateaux deviennent sibériens : le thermomètre plonge souvent sous les -20 °C, avec deux mètres de neige.
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