Château de Bussy-Rabutin : palais d'un libertin en exil
Roger de Bussy-Rabutin était militaire, courtisan, écrivain à la plume impertinente. Exilé par Louis XIV, il a reconstitué dans son château de Côte-d’Or l’univers de la cour qui ne voulait plus de lui. Son palais reflète l’univers d’un homme blessé, ce qui rend la visite du château de Bussy-Rabutin émouvante.
Insolence et cantiques obscènes
La publication de L’Histoire amoureuse des Gaules fait l’effet d’une bombe à la cour de Louis XIV : l’auteur, Roger de Rabutin, comte de Bussy, y décrit avec insolence les moeurs galantes de ses contemporains. Si l’on ajoute à cela l’épisode de Roissy en 1659, où Rabutin, en pleine semaine sainte, a, lors d’une soirée bien arrosée, chanté des cantiques obscènes et baptisé un cochon, on comprend que le courtisan bourguignon ne soit plus en odeur de sainteté ! Le voilà contraint de s’exiler dans son château près de Montbard pendant dix-sept ans.
Entouré d’un grand parc, au fond d’un vallon, le château familial a belle allure, mais sans ostentation. un écrin de fossés en eau le pare d’une certaine mélancolie. c’est le grand-père de Roger qui le rachète en 1602 et en fait reconstruire une partie. Quatre tours, un corps de logis principal et deux ailes : le château tel que vous l’avez sous les yeux est celui qui accueillit Bussy pour son long exil.
Un décor étonnant, peuplé de tableaux et ponctué de maximes étranges.
La façade principale est classique, avec ses colonnettes, ses pilastres et ses niches, vides : elles l’ont toujours été, la famille n’ayant pas eu assez d’argent pour les habiller de statues.
De part et d’autre, les ailes sont du XVIe siècle et marquées par la mode italienne : arcades en anse de panier, décor de rinceaux, grotesques et têtes d’ange. Mais c’est surtout le décor intérieur qui marque le visiteur. Il a été entièrement repensé par Bussy Rabutin, qui en parle ainsi :
Les dedans sont d’une beauté singulière, et qu’on ne voit point ailleurs.
Portraits, panneaux et boiseries peints sont présents dans toutes les pièces : ce n’est pas la qualité des oeuvres qui importe — Bussy a sans doute fait appel à des artistes locaux, faute de moyens — mais plutôt leurs sujets.
Dans le cabinet des devises, des châteaux et monuments, dont certains disparus, des panneaux allégoriques, des devises illustrées composent un curieux mélange : comme la représentation de cet escargot, « Je me referme en moi-même », de cet oignon, « Qui me mordra pleurera », ou de ce roseau « Je plie et ne romps pas ». Difficile de ne pas y voir des allusions à Bussy lui-même et à sa situation d’exilé, d’autant que ces panneaux entourent un portrait de l’écrivain et le blason familial.
La « salle des hommes de guerre » est un hymne à la vie militaire et à ses héros : 65 portraits de guerrier, choisis par Bussy, de Du Guesclin à Charles Quint, en passant par le duc de Guise, Jean Sobiewski roi de Pologne, et lui-même, petite coquetterie du propriétaire des lieux. Sous les fenêtres, des devises encore, concernant une femme : « Elle fuit le mauvais temps », « Elle attire pour perdre » : elles évoquent la marquise de Montglas, maîtresse de Bussy, qui le quitta à son exil : Bussy lui en voulut beaucoup.
Le saviez-vous :
Roger de Bussy-Rabutin correspondait très fréquemment par lettres avec sa cousine... Madame de Sévigné !
Dans sa chambre, Bussy a choisi d’être bien entouré : 25 dames de la cour, reines ou favorites, accompagnaient ses songes, Agnès Sorel, Ninon de Lenclos, Madame de Maintenon… Dans la tour dorée, Bussy, représenté en empereur romain, est entouré de ses maîtresses et bonnes amies, qui lui ont donné leur portrait : sous chacun d’eux, le libertin et homme de lettres a ajouté un commentaire de son cru… Il s’est aussi offert une galerie des rois de France, qui conduit à la chapelle : trente tableaux d’Hugues Capet à Louis XIV, évidemment commentés par Bussy.
Nostalgie pour la vie militaire, regret de la cour, ressentiment pour le roi, amour des femmes mais aigreur pour celle qui l’a trahie, c’est tout cela qu’évoque le château de Bussy : l’univers d’un homme blessé. C’est aussi ce qui rend sa visite si émouvante.
Le saviez-vous
C’est le comte Jean-Baptiste-César de Sarcus qui fit classer le château Monument Historique en 1862, moins de trois décennies après l’avoir acheté en 1835. Il est donc géré par le Centre des Monuments Nationaux.
Après le château de Bussy-Rabutin:

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