Château du Haut-Koenigsbourg, le rêve fou d'un empereur
Perché sur un promontoire rocheux au-dessus de la plaine d’Alsace et rebâti pour célébrer la grandeur de Guillaume II, empereur d’Allemagne, ce château est devenu l'un des monuments les plus visités de France !
Quand Bodo Ebhardt, le Viollet-le-Duc allemand, accepte le chantier que vient de lui confer l’empereur Guillaume II, a-t-il conscience de l’ampleur de la tâche qui l’attend ?
Silence... Action !
Aujourd’hui, la silhouette de grès rose qui interpelle le visiteur, à près de 750 mètres d’altitude, a tout d’un décor de cinéma, voire de dessin animé. Il a d’ailleurs inspiré Jean Renoir qui y a tourné La Grande Illusion. Et s’agissant de dessin animé, notons que Le Château ambulant lui doit beaucoup : son réalisateur, Hayao Miyazaki, est venu y faire des repérages.
À l’abandon depuis plus de deux cents ans, le château du Haut-Koenigsbourg n’est plus que l’ombre de lui-même : toitures écroulées, murailles branlantes, donjon anéanti et partout la végétation qui a repris ses droits.
Rasé... Rebati !
Le Haut-Koenigsbourg tel que vous l’avez aujourd’hui sous les yeux en est à sa troisième vie. Son histoire est plutôt agitée : sa position stratégique, entre la France et l’Allemagne, sur les routes du vin, du sel et du blé entre l’alsace et la Lorraine, l’explique.
Tout a commencé au XIIe siècle quand l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen fait construire un premier château. Il n’en reste quasiment rien aujourd’hui. Trois siècles plus tard et après être passé entre les mains de chevaliers brigands qui terrorisaient la région, le château est détruit.
Les Habsbourg confient le site à une riche famille venue de Suisse, les Thierstein, qui en fait un modèle de défense moderne contre l’artillerie : l’âge d’or du Haut-Koenigsbourg. Deux siècles plus tard, la guerre de Trente Ans lui est fatal : assiégés par les Suédois, les occupants affamés finissent par se rendre. Le château est saccagé et tombe dans l’oubli.
Il faudra attendre le XIXe, le romantisme et son engouement concernant les ruines, pour que le rideau se lève enfin sur le troisième acte : la ville de Sélestat donne le château à Guillaume II. L’alsace vient d’être annexé à l’Allemagne, l’empereur cherche à asseoir sa nouvelle autorité : le Haut-Koenigsbourg va en être l’écrin. Il faudra seulement dix ans à Bodo Ebhardt pour accomplir le miracle : en 1908, le château est inauguré en grande pompe et sous la pluie.
Visite guidée
L'extérieur
L’entrée du château se fait par la basse-cour, entourée de bâtiments : une auberge, des écuries, une forge, et même un moulin, car au Moyen Âge, le château devait pouvoir vivre en autarcie. De là, une rampe avec pont-levis mène à la cour intérieure, en passant devant un puits de 62 mètres de profondeur qui alimentait le château en eau douce.
L’architecture du lieu n’est pas facile à comprendre. Il faut dire que le château repose sur un éperon rocheux de 270 mètres de long sur 40 de large : partout, des murailles, des tourelles ; ici, une porte couronnée de lions, là une herse, un escalier à vis… et au-dessus, altier, le donjon, dont la reconstruction sur base carrée par Bodo Ebhardt suscita à l’époque de vives polémiques.
L'intérieur
L’intérieur du château a bénéficié du même souci de reconstitution.
Le logis seigneurial est divisé en deux parties :
- Le sud, autrefois réservé à la famille Thierstein, avec ses galeries en bois, une chapelle et une salle d’armes, présente aujourd’hui une collection d’armes blanches ;
- Le nord, qui recevait les invités, abrite la chambre de l’impératrice, avec poêle et meubles d’époque.
Ils ont été rassemblés, comme tous les autres objets, par une association qui, de 1904 à 1918, s’est efforcée de remeubler le site. Mais la pièce la plus spectaculaire est la salle du Kaiser, au cœur du logis.
Bodo Ebhardt l’a consacrée à la gloire de Guillaume II afin de couronner ses ambitions politiques. Pour preuve, les peintures murales du plafond avec l’aigle impérial qui veille sur l’Alsace et la Lorraine, les nombreux « W » (initiale de Wilhelm-Guillaume), les statuettes aux armoiries des Hohenzollern…
Les peintures ont été réalisées par Léo Schnug, un passionné d’histoire médiévale, et vous pourrez en admirer d’autres dans la salle des Trophées de chasse : à vous de découvrir la représentation de Bodo chassant les abeilles, symbole des nombreuses critiques que s’attira l’architecte.
Le jardin
Terminez par le jardin médiéval, inspiré de gravures de l’époque, avec ses carrés bordés de plessis, où les herbes « simples » côtoient les herbes « magiques », les plantes tinctoriales, celles qui nourrissent. De l’autre côté, le grand bastion, flanqué de deux tours, protège l’ouest, partie la plus vulnérable du château. Sa courtine a été aménagée en terrasse d’artillerie.
Ne vous privez pas du plaisir d’y monter : la vue y est fantastique, du Hohneck au Grand-Ballon, en passant par les ruines d’autres nids d’aigles, châteaux de l’Ortenbourg, de Ramstein, du Frankenbourg. En vigie au-dessus de la plaine d’Alsace, le Haut-Koenigsbourg retrouve sa raison d’être.