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Châteaux de Dordogne : s'il ne fallait en voir que 3

Château de Beynac vu du ciel Vue d’ensemble du château de Biron situé en limite du lot-et-Garonne. - © Jacques Sierpinski / Détours en France

Publié le par Philippe Bourget

Avec plus de mille châteaux, forteresses et manoirs, le Périgord est l’une des régions françaises les mieux dotées en demeures de caractère. Derrière l’iconique château de Beynac, carte postale de la vallée de la Dordogne, Biron, au sud, et Hautefort, au nord, soutiennent la comparaison grâce à leurs remarquables destinées humaine et architecturale.

Le château fort de Beynac, une icône médiévale en Dordogne

Le château de Beynac
© Jacques Sierpinski / Détours en France

Que peut-on dire de plus sur Beynac qui n’ait déjà été dit ? Au-delà de la polémique interminable sur la création (ou pas) de la déviation du village de Beynac-et-Cazenac, la bâtisse médiévale, imperturbable aux aléas politiques, continue de dominer avec fierté et grandeur la Dordogne et ses castels voisins : Castelnaud, le château de Marqueyssac et celui de Fayrac. Le site est d’une beauté inouïe. En fin d’après-midi sur la terrasse de l’Éperon, lorsque la pierre blonde irradie sous le soleil déclinant et que des montgolfières glissent avec majesté dans le ciel, le spectacle est d’un romantisme total. Même les martinets se réjouissent, acteurs d’une folle sarabande depuis les murailles du château.

Au Moyen-âge, Français d'un côté, Anglais de l'autre…

Édifié dès 1115 et remanié maintes fois jusqu'en 1640 - d'où son allure médiévale et Renaissance -, Beynac est plutôt fidèle au royaume de France. Ce n'est pas le cas de Castelnaud, qui prête allégeance aux Anglais. Pour se surveiller l'un l'autre, les Beynac font construire au siècle l'avant-poste de Marqueyssac. De leur côté, ceux de Castelnaud édifient le château de Fayrac. Deux partout, balle au centre !

Pourquoi autant de châteaux en Dordogne ?

La concentration de demeures fortes dans ce segment de vallée si prisé des touristes est en réalité le fruit d'une rivalité historique.

Lucien Grosso, sulfureux châtelain

Vue aérienne du château de Beynac
© Jacques Sierpinski / Détours en France

L'intégrité architecturale de Beynac, perché sur son piton rocheux 150 mètres au-dessus de la Dordogne, tient pour partie à la continuité de son histoire familiale. Du siècle à… 1961, le château reste dans la famille de Beynac, devenue au siècle « de Beau-mont-Beynac ». Au tournant des années 1960 arrive Lucien Grosso. Homme de réseaux plutôt sulfureux, il acquiert le château, le fait restaurer et va croire, contre vents et marées, à l'avènement du tourisme dans la vallée. Son audace paye sur ce territoire où Joséphine Baker, au château des Milandes, situé à 3 kilomètres à vol d'oiseau, a déjà fait parler d'elle. Quand Lucien Grosso meurt en 2008, sa femme Denise conserve l'usufruit de la propriété, jusqu'à son décès en 2016. Mais il avait entre-temps changé de mains… De son vivant, Lucien Grosso l'avait en effet cédé à Albéric de Montgolfier, sénateur, ancien président du conseil départemental d'Eure-et-Loir et lointain descendant des frères Montgolfier. C'est lui désormais qui préside aux destinées de Beynac. Depuis, d'autres travaux de restauration ont été engagés, visibles lors de la visite.

Les grandes écuries

Sous la conduite de Sylvain Louagie, responsable de l'accueil et guide - avec son épouse Bénédicte, cet ex-gendarme féru d'Histoire est régisseur du domaine -, on découvre le dernier aménagement en date : les grandes écuries. Édifiées au XVIIe siècle, elles abritent depuis 2022 un espace d'exposition consacré à deux figures historiques du territoire : Richard Cœur de Lion et Aliénor d'Aquitaine. Les quelque 180 000 visiteurs annuels découvrent aussi l'enfilade remarquable des salles médiévales et Renaissance : la salle des gardes ; la salle des États du Périgord ; l'oratoire ; l'escalier siècle ; le salon aux boiseries ; les cuisines… Prochain projet : une salle dédiée au cinéma, tant il est vrai que Beynac a servi de cadre à de nombreux films. D'André Hune-belle (Le Capitan, 1969) à Ridley Scott (Le Dernier Duel, 2020), en passant par Bertrand Tavernier (La Fille de d'Artagnan, 1994), Jean-Marie Poiré (Les Visiteurs 2, 1998) ou Josée Dayan (Capitaine Marleau, saison 2, 2017), tous ont eu un coup de cœur pour cette forteresse quasi inexpugnable du Périgord.

Le château de Hautefort, vaisseau Grand Siècle

Ancienne forteresse transformée au cours des XVIe et XVIIe siècles en château de plaisance, Hautefort est atypique de la Dordogne avec ses allures de château de la Loire.
Ancienne forteresse transformée au cours des XVIe et XVIIe siècles en château de plaisance, Hautefort est atypique de la Dordogne avec ses allures de château de la Loire. © Philippe Roy / Détours en France

Un vaste château classique dans le Périgord noir. Ainsi se présente Hautefort, merveille de demeure XVIIe siècle posée au-dessus du village éponyme, 40 kilomètres au nord-est de Périgueux. On ne peut comprendre le destin de ce château que grâce au parcours singulier de ceux qui l’ont habité. Née aux environs de l’an 1000, la forteresse est réputée avoir vu l’un des siens, Gouffier de Lastours, participer aux croisades et entrer dans Jérusalem en 1099, aux côtés de Godefroy de Bouillon. Un siècle plus tard, son donjon et ses tours reliées par des remparts passent aux mains des de Born. Bertran, l'un des représentants de cette famille, n'est pas n'importe qui : c'est l'un des poètes et troubadours occitans les plus célèbres de son temps. Également guerrier, il combat contre les troupes d'Henri II de Plantagenêt dont le fils, Richard Cœur de Lion, assiège le château. Fin ou presque de l'histoire médiévale de Haute-fort. Passée au siècle aux mains de la famille de Gon-taut, qui prend le nom et les armes de Hautefort, la forteresse connaît son âge d'or aux et siècles grâce à deux autres personnages, frère et sœur : Marie et Jacques-François. La première, surnommée « la belle Aurore », est l'égérie de Louis XIII, avec qui elle aurait entretenu un amour platonique. Le second, marquis, est grand écuyer de Louis XIV. C'est à lui qu'on doit l'essentiel de la transformation de Hautefort en une demeure classique (et la création de l'Hôtel-Dieu). Fini l'aspect défensif, place au château de plaisance, avec corps de logis, ailes et tours circulaires. C'est l'aspect actuel de la bâtisse, tournée plein sud et classée « dans le Top 10 des châteaux du siècle en France », assure Roseline du Manoir, directrice du site.

Les David-Weill, propriétaires et mécènes

Délaissé progressivement après la Révolution, le château reste toutefois dans les mains des Hautefort. Il est restauré au siècle par le comte Maxence de Damas, son dernier descendant. Une autre famille va alors œuvrer à sa destinée : les de Bastard. En 1929, Henry et Simone de Bastard l'acquièrent et lui redonnent vie. Seule à sa tête après la mort de son mari en 1957, Simone de Bastard assiste à l'incendie qui détruit le corps de logis en 1968. Dès le lendemain, elle s'engage à le rénover à nouveau. André Malraux et d'autres personnalités l'aident. Née David-Weill, Simone de Bastard est la tante du banquier et célèbre mécène Michel David-Weill, fondateur de la banque Lazard. La baronne crée en 1984 la Fondation du château de Haute-fort, présidée par cette famille qui assure toujours la destinée de la demeure.

Situé dans la vallée de l’Auvézère, en Périgord central, le château de Hautefort, classé au titre des monuments historiques sur liste de 1958, domine depuis son éperon rocheux le village rural du même nom, entouré de bois et de pâturages.
Situé dans la vallée de l’Auvézère, en Périgord central, le château de Hautefort, classé au titre des monuments historiques sur liste de 1958, domine depuis son éperon rocheux le village rural du même nom, entouré de bois et de pâturages. © Philippe Roy / Détours en France

Une soixantaine de films tournés

Le château de Hautefort est un lieu fréquenté par les réalisateurs pour leurs films ou leurs fictions.
Le château de Hautefort est un lieu fréquenté par les réalisateurs pour leurs films ou leurs fictions. © Philippe Roy / Détours en France

Lors de la visite, le public découvre un ensemble de pièces remarquables : la tour médiévale Bretagne, seule survivante des premiers temps ; la chapelle à dôme et à vitraux ; la grande salle aux cheminées en noyer ; le salon d'Honneur et son tableau de Fragonard ; la chambre d'honneur où dormit la reine-mère Elizabeth ; la salle des tapisseries d'Enghien et de Bruxelles. « L' histoire de Hautefort, c'est aussi son splendide mobilier -siècles et les tournages de films, plus d'une soixantaine, dont La Mort de Louis XIV, de Jean-Pierre Léaud, en 2016 », rappelle Roseline du Manoir. À l'extérieur, 30 hectares de parc à l'anglaise, des jardins à la française et un jardin potager sont aussi ouverts à la visite, autour d'une demeure qui vit naître en 1836 Eugène Le Roy, fils de valet et auteur du célèbre roman… Jacquou le Croquant. Vraiment un destin singulier, ce château !

Le château de Biron, le géant du Sud-Ouest

Le château de Biron domine un paysage forestier étendu à perte de vue. © Philippe Roy / Détours en France

Aux confins sud du département, en limite du Lot-et-Garonne, voilà un château dont l'expression « vaut le détour » s'applique d'autant mieux que sa situation excentrée et l'effort nécessaire pour s'y rendre débouchent sur une récompense magnifique. Quelle ampleur, quelle majesté ! Voilà tout simplement le plus grand château de Nouvelle Aquitaine, déployé sous un hectare entier de toiture. Le gigantisme de la demeure, posée sur un tertre au-dessus du village dominant un paysage forestier étendu à perte de vue, n'est pas le seul superlatif qu'on peut lui associer.

La chapelle du Maître de Biron

La chapelle du Maître Biron, un joyau absolu édifiée de 1498 à 1504. © Philippe Roy / Détours en France

Biron possède un joyau absolu, colossal : sa chapelle. Édifiée de 1498 à 1504 sous l'impulsion de Pons de Gontaut-Biron, alors propriétaire du château et introducteur de la Renaissance en Périgord, elle est à l'époque la plus grande chapelle castrale du royaume de France. Vaste comme une église, elle a été bâtie par un illustre inconnu : le Maître de Biron. Artiste de génie dont on identifie le style mais hélas pas le nom, il a laissé son empreinte, proche de celle de l'école bourguignonne de sculpture, à Biron mais aussi à Sarlat et au château de Montal, dans le Lot. Dans cette chapelle à l'intérieur dépouillé, deux sculptures habillent le décor : la Pietà et la Mise au tombeau. Si les originaux sont exposés depuis plus d'un siècle dans la galerie médiévale du Metropolitan Museum of Art (MET), à New York, leurs copies, réalisées par l'atelier de fac-similés AFSP, à Montignac (24), y ont été récemment installées.

700 ans d'élévation

Fenêtre de style Renaissance de la tour de la conciergerie, à l’entrée du château.
Fenêtre de style Renaissance de la tour de la conciergerie, à l’entrée du château. © Philippe Roy / Détours en France

La découverte des parties civiles du château en compagnie de Sébastien Cailler, responsable d'un site propriété du département de la Dordogne, confirme son caractère extravagant. L'amplitude architecturale est hors norme. Entamée au siècle, la construction de Biron s'étale jusqu'au siècle. Ces sept cents ans d'élévation lui donnent cette intrication rare de demeure à la fois médiévale, Renaissance et classique. Autre lieu emphatique : la cuisine. Situé dans l'aile des Maréchaux, ce gigantesque foyer voûté d'origine médiévale « a été l'une des plus grandes cuisines de France », assure Sébastien Cailler. Seule exception à la grandeur du château, le… Petit Poucet. De toute petite taille, Pons de Gontaut-Biron inspira en effet à Charles Perrault, à qui des descendants racontèrent l'histoire, le personnage de ce conte.

« Vaut le voyage » ?

Donnant sur la campagne périgourdine à travers un péristyle à colonnes d'allure très florentine, la cour d'honneur témoigne de l'empilement des époques. Comme à Blois, elle juxtapose plusieurs siècles et styles. Ici, rien de moins que les XIe, XIVe, XVI,e XVIIe, et XVIIIe siècles ! Pris à deux reprises par les Anglais, Biron verra passer de célèbres hôtes. Jeanne d'Albret y séjourna, Henri IV, son fils, vint y chasser. Dans ce petit village de 140 habitants, le château de Biron est loin de se reposer sur sa réputation. Depuis le printemps 2024, toutes les pièces reçoivent un nouvel ameublement. La cave, elle, devait être ouverte au public en cours d'année. De « vaut le détour », on ne serait pas loin d'écrire que Biron « vaut le voyage » !

Sources

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