Le Léman : en bateau de Genève à Lausanne
Le parfum de la Belle Époque flotte sur le lac Léman entre Genève et Lausanne. À bord du bateau à vapeur le Simplon, villages proprets, châteaux médiévaux et luxueuses villas solitaires s’égrènent le long d’un rivage tapissé de vignobles. Une flânerie au fil de l’eau sur fond de Préalpes françaises, qui invite à la rêverie.
Aux abords de Lausanne, le bateau à aubes Le Suisse (le grand frère du Simplon inauguré en 1920) fait les beaux jours des promeneurs, hélvètes ou non. Mis en service en 1910, le bateau amiral de la CGN a fait récemment l’objet d’une longue et minutieuse restauration : 100 000 heures de travail l’ont rendu encore mieux que neuf à son lac.
Départ de Genève
Telle une élégante à ombrelle, Le Simplon nous attend sereinement sur le quai du Mont-Blanc. Les deux imposantes roues à aubes qui l’actionnent n’entament en rien sa silhouette longiligne et gracieuse. À l’intérieur, le mobilier en érable moiré et les garnitures en bronze nous plongent dans une atmosphère proustienne. Soudain le sifflet retentit. Les énormes pistons luisant d’huile se mettent en branle. Nous quittons Genève. Le Jet d’eau semble nous saluer en agitant son mouchoir blanc. L’eau vire au turquoise caribéen, mais à la timonerie, le capitaine Thierry Laurent se concentre. « La rade de Genève est très étroite, peu profonde et traversée de courants. Il faut manœuvrer ici comme sur un fleuve. » Bientôt les bruits de la ville ne sont plus qu’un murmure. La croisière peut commencer. Nous passons Versoix puis Coppet, qui fut le « salon de l’Europe ». C’est dans le château rose pâle de Coppet que Madame de Staël accueillit les grands esprits de l’époque : Benjamin Constant, Lord Byron, Chateaubriand, madame Récamier...
Les cinq tours du château de Nyon aux airs de meringues blanches dominent la ville basse, blottie entre la butte et le lac.
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Le château de Nyon, l’escale suivante, ne peut pas en dire autant ; mais quel cachet du haut de son promontoire ! On se promet de revenir plus tard baguenauder dans les ruelles de Nyon, parmi les maisons à arcades aux toits de tuiles en écailles. Le bateau repart en piquant vers les Préalpes, côté français. Les montagnes bleutées évoquent les peintures de Ferdinand Hodler exposées au musée d’Art et d’Histoire de Genève. La cité de Calvin se réduit désormais au panache blanc de son Jet d’eau. Nous avons franchi une frontière invisible et nous voici bientôt à Yvoire, en France ! Impossible de ne pas tomber sous le charme de ce village médiéval, qui a conservé son donjon castral à tourelles et quelques jolies ruines mangées par la végétation. D’ailleurs, la presque totalité des passagers quitte le bateau. Les restaurants et échoppes d’artisan ne désemplissent pas. Mais la nature sait reprendre ses droits. « Lorsque la bise se lève, les lames viennent se fracasser sur la jetée, raconte la capitaine. C’est un festival d’embruns. Et en hiver, le débarcadère d’Yvoire gèle ! »
La rade de Genève est très étroite, peu profonde et traversée de courants. Ici, il faut manœuvrer comme sur un fleuve. Sur les rivages, un paysage de quiétude helvétique
Aucun risque de s’enrhumer dans la salle des machines. La température y atteint 45 °C, et les mécaniciens n’ont pas un instant de répit. Les pistons en acier d’origine (1915), qui développent une puissance de 1 400 chevaux, sont constamment lubrifiés dans un tintamarre d’enfer.
Le mécanicien veille au bon fonctionnement des machines à vapeur à commande hydraulique datant du début du XIXe siècle. Une forêt de vérins et d’engrenages aux mouvements parfaits.
À travers les hublots, les rives du Léman défilent. Çà et là, un château solitaire et discret trône au milieu de sa pelouse entourée de bois. Au loin apparaît le Rhône, l’un des sept autres bateaux à vapeur qui composent la flotte Belle Époque de la Compagnie générale de navigation sur le lac Léman (CGN). L’un d’eux, le Vevey, a déjà parcouru près de 3 millions de kilomètres sur le lac ! Les tours poivrières d’un château fort au bord de l’eau annoncent la paisible petite ville de Rolle. Pour accoster, il faut contourner l’île de La Harpe, dédiée à l’ancien précepteur du tsar Alexandre Ier de Russie. Les coteaux de vigne descendent en pente douce jusqu’au lac : paysage de quiétude helvétique par excellence. Ne manque plus qu’un carré de chocolat, et l’expérience suisse serait totale. Sur la rive, de gros blocs de béton triangulaires évoquent le fameux chocolat suisse, le Toblerone. « C’est une ancienne ligne de défense antichar qui court jusqu’au pied du Jura. Elle a été construite pendant la Seconde Guerre mondiale pour se protéger de la menace allemande. Les habitants l’ont surnommée la ligne des Toblerones. » Au loin se dessine la si houette d’un château puissant.
Dans le district de Morges, surplombant un parcellaire de vignes, de champs et de bois en bordure du lac Léman, le château de Vufflens est impressionnant, quel que soit l’angle de vue. Énorme donjon, toits pointus, mâchicoulis : ce bâtiment en brique date du XVe siècle. Résidence privée, il ne se visite pas.
Dans les hauteurs de Morges, le château de Vufflens, hérissé de tours, tourelles et donjon, aurait inspiré à Disney ses fameux châteaux. Le Simplon s’arrête au débarcadère de Morges, devant l’ancien casino, digne d’une pâtisserie à la chantilly. La ville dévoile ses charmes : les parterres de tulipes du parc de l’Indépendance, les deux tourelles gardant le port et, bien sûr, le château de Morges au bord du lac. L’édifice ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de Rolle. Logique, il fut construit par le même commanditaire, la maison de Savoie, à la même époque, la fin du XIIIe siècle. La ville peut s’enorgueillir d’avoir attiré deux célébrités mondiales : Igor Stravinsky (de 1915 à 1920) et Audrey Hepburn, qui vécut au village voisin de Tolochenaz de 1963 à sa mort en 1993. La douceur de la rive vaudoise vaut bien des « diamants sur canapé »...
Ambiance Caraïbes sur le versant suisse du lac Léman. Le bateau à aubes le Simplon vient d’accoster sur le quai Jean-Pascal- Delamuraz à Lausanne.
L'arrivée sur Lausanne
Soyons francs, l’arrivée sur Lausanne n’est pas aussi belle. Les immeubles sans grâce des années 1950 colonisent les flancs des trois collines de la capitale vaudoise. Mais on aurait tort de s’arrêter à cet aperçu peu flatteur. Prenons congé du Simplon, qui finit sa course à Évian, et explorons le port d’Ouchy, au pied de la ville.
En front de lac, la place du Port regorge d’hôtels et de restaurants. L’atmosphère est balnéaire, propice à la déambulation pour prendre pied à Lausanne avant de se consacrer à une visite plus approfondie de cette ville aux multiples facettes.
Les bateaux de plaisance sagement amarrés, les pelouses ombragées, les grands hôtels font une belle entrée en matière. Le palace le plus prestigieux, le Beau-Rivage, prend ses aises au-dessus du lac, peu avant le Musée olympique. Sa longue façade se déploie de part et d’autre d’une rotonde. Osons un pied à l’intérieur : un verre à la terrasse du café de l’hôtel fait un bon prétexte. Tout ici n’est que stucs, marbres et colonnades, dorures, plafonds peints et verrières. Quelques tonnes de finesse... Victor Hugo et Coco Chanel séjournèrent ici, Lord Byron juste à côté, à l’hôtel Angleterre.
Le château d’Ouchy, tout au bord du lac, est une fantaisie néogothique de 1893 (seul le donjon est d’origine médiévale) bâtie pour accueillir les riches touristes. Une tradition qui se perpétue de nos jours, l’hôtel dit « féerique et avant-gardiste » affiche des prix plutôt élevés !
Les hauteurs de Lausanne
Il faut s’arracher aux fastes d’Ouchy pour découvrir la vieille ville de Lausanne, perchée dans les hauteurs. Le plus simple est de prendre le métro jusqu’à l’arrêt Bessières (sur la ligne 2).
Le pont Bessière relie la colline de la Cité au sud de la ville depuis plus d’un siècle. En 2008, il se double d’un niveau avec le passage delaligne2du métro. Son nom lui vient des frères qui permirent sa construction : des banquiers et bijoutiers. Au fond, la cathédrale de Lausanne.
La place de la Palud, où trône la fontaine de la Justice et le bel hôtel de ville Renaissance, résonne de joyeux accents vaudois les jours de marché, les mercredi et samedi matins. La rampe couverte des escaliers du Marché gravit gaillardement la colline jusqu’à la cathédrale gothique, qui domine toute la ville. Tout autour, le quartier de la Cité range ses maisons cossues en mollasse verte jusqu’au château Saint- Maire, du XVe siècle. Une passerelle permet de pénétrer directement à l’intérieur du palais de Rumine. Ce colossal bâtiment néo-florentin abrite à lui seul cinq musées, plus la bibliothèque cantonale et universitaire. Tigres naturalisés et mâchoires de T-rex donnent sur le vaste atrium où bouquinent les étudiants.
À Lausanne dans la vieille ville, la fontaine de la Justice sur la place de la Palud. La colonne et la statue originales sculptées en 1585 sont conservées au musée historique de la ville. Ce que l’on observe est une copie réalisée en 1930. Le bassin dodécagonal, lui, ne ment pas sur son âge: 1726.
Autour de l’église Saint-Laurent, les rues piétonnes et commerçantes grimpent et dévalent les pentes. Les semelles chauffent mais Lausanne regorge de curiosités. L’une des plus surprenantes occupe tout le creux d’un vallon : les anciens entrepôts industriels du quartier du Flon ont été reconvertis en magasins modernes. Certains ont laissé la place à des bâtiments avant-gardistes, telle la Miroiterie, habillée de coussins d’air translucides et illuminés la nuit. « C’est à Lausanne que ça se passe », entend-on souvent dans les rues. Sous-entendu : et non à Genève. La vie culturelle et nocturne palpite plus fort ici qu’à l’autre bout du lac. Maurice Béjart n’y a-t-il pas fondé sa célèbre compagnie de danse ? Les affiches de spectacles et d’expositions couvrent les murs de la capitale vaudoise et l’ambiance y est plus chaleureuse et décontractée. On en oublierait presque de rentrer à Genève. C’est l’affaire d’une demi-heure en train, mais ici rien ne presse...
Au pied de la cathédrale, la vue sur les lointains donne une idée des reliefs de la capitale du canton de Vaud, édifiée sur trois collines et dans laquelle résident les 130 000 Lausannois.
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- La Vaudoise - Musée/Monument/Site - Voir la fiche
- Quai 23 - Restaurant - Voir la fiche
- Brasserie La Bavaria - Restaurant - Voir la fiche
- À la Pomme de Pin - Restaurant - Voir la fiche
- La Maison d’Igor - Hôtel - Voir la fiche
- Hôtel Alpha-Palmiers - Hôtel - Voir la fiche
- Office de tourisme du Canton de Vaud - Voir la fiche