Dole, les contes d'une cité perchée
Accrochée sur une petite colline surplombant le Doubs, la cité de Pasteur et de Marcel Aymé fut la capitale de la Franche-Comté jusqu’à la conquête française en 1678. Du canal des Tanneurs à la collégiale Notre-Dame, en passant par ses hôtels particuliers Renaissance, balade parmi les joyaux insoupçonnés de la sous-préfecture du Jura.
Passerelle du Prélot – soit « près de l’eau » –, une belle matinée d’été. Sous nos yeux, l’image idéale doloise. Depuis le port du canal du Rhin au Rhône, où sont amarrés bateaux et péniches de plaisance, la cité s’élève dans toute sa majesté, perchée sur une petite colline calcaire. L’ensemble est couronné par le haut clocher de la collégiale Notre-Dame, qui domine de toute sa puissance une cascade de tuiles brunes. « Peut-on rêver plus belle vue ? », s’enthousiasme José Vincent.
Ce menuisier dolois, passionné de navigation, s’est lancé en 2015 dans un audacieux challenge pour rendre les bords de l’eau plus attractifs : imaginer des bateaux électriques parés d’acajou, sans permis et silencieux, pour proposer aux flâneurs des balades à fleur d’eau. « Dans ces petites embarcations inspirées des Runabouts américains des années 1950, il s’agit de révéler aux visiteurs – et même aux locaux – les beautés de cette ville d’eau, unique dans le Jura, et de découvrir à quel point les champs, la nature, la faune, le silence, ici, sont tout proches. Depuis le Doubs, tout se révèle encore plus beau. Un paysage d’une grande quiétude, totalement romantique. »
La petite venise jurassienne
Romantique, Dole l’est encore plus au bord du canal des Tanneurs, qui était bordé au Moyen Âge de dizaines de tanneries artisanales. Les fabricants du cuir y nettoyaient jadis les peaux... Fini les eaux insalubres, ce microquartier, au pied de la ville, constitue aujourd’hui un petit paradis, avec ses maisons qui s’étagent les pieds dans l’eau, ses nénuphars, ses adorables petits ponts de pierre, ses terrasses fleuries ou encore son moulin, évoqué par Marcel Aymé, enfant de la ville, dans son roman Le Moulin de la Sourdine. Une atmosphère tranquille qui a valu à Dole le surnom de « Petite Venise jurassienne ». Et pourtant. Derrière cette image d’une grande sérénité, se cache une cité d’une très grande richesse historique au passé pour le moins mouvementé. Dole, bâtie au bord du Doubs au XIe siècle, obtient dès le XIVe siècle de plus en plus de fonctions et devient la capitale du comté de Bourgogne – l’actuelle Franche-Comté – jusqu’à la conquête française en 1678. « Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, y fixe en 1386 le siège du parlement de comté, suivi d’une chambre des comptes et, en 1422, d’une université renommée pour son école de droit, attirant des étudiants de tout l’empire. La cité aimante des nobles et des parlementaires accueille même un atelier monétaire à l’intérieur de ses remparts », précise Nicole Régnier, guide conférencière.
« Comtois rends-toi ! - Nenni ma foi ! »
Très vite, Louis XI lorgne sur la cité et la ravage lors d’un siège en 1479, malgré une résistance héroïque des Dolois. « La ville perd de sa superbe pour peu de temps puisque Charles VIII, via le traité de Senlis en 1493, la rétrocède aux Habsbourg. » Dole, territoire autonome au sein de l’empire des Habsbourg, retrouve son rang de capitale et c’est un véritable âge d’or : la cité, par ailleurs bastion de la réforme catholique, véritable rempart contre le protestantisme, embellit à vitesse grand V : « C’est une fièvre constructrice, explique la guide. Elle se pare de façades inspirées par l’Italie et de superbes décors de pierre polychromes. Son rôle de capitale sera encore affirmé après la résistance doloise contre Louis XIII lors du siège de 1636 – la devise était “Comtois rends-toi ! – Nenni ma foi !“ Il faudra attendre 1678, jusqu’à l’annexion française et le traité de Nimègue, pour qu’elle perde son rôle de capitale. Besançon est promue capitale dans le but de punir Dole d’avoir résisté si longtemps... »
Derrière cette image d’une grande sérénité, se cache une cité d’une très grande richesse historique au passé pour le moins mouvementé.
Par les trajes dans les traces de Marcel Aymé
Aujourd’hui, lorsque l’on se balade à travers la discrète sous-préfecture (mais plus grande ville du Jura avec 24 000 habitants), tout évoque ce glorieux passé. Il y a donc la collégiale Notre-Dame, monument majeur de la ville, planté sur un tertre au XVIe siècle dans un style gothique après les destructions opérées par les troupes de Louis XI. Le sanctuaire subjugue par son clocher-porche fortifié culminant à 73 mètres et son intérieur, élancé et sobre, avec son grand orgue en bois sculpté du XVIIIe siècle. Élevé à partir du début du XVIIe siècle, l’Hôtel- Dieu – qui accueille aujourd’hui notamment la médiathèque –, constitue l’autre monument majeur. Tel un palais, l’édifice déploie sa longue façade Renaissance, ornée d’une balustrade incroyablement sculptée, le long du canal des Tanneurs. Il faut pénétrer à l’intérieur de sa cour intérieure, qui s’organise comme un cloître des plus sophistiqués, avec ses galeries et ses deux escaliers – l’un à vis, l’autre suspendu. Puis laissez- vous porter par vos envies, faufilez-vous à travers les pittoresques trajes, ces étroites venelles pentues franc-comtoises, pour découvrir les mille et une richesses architecturales. Ici, une grande fontaine Renaissance, là, un fronton sculpté, et partout, dans la vieille ville, de lourds portails finement ouvragés qui cachent des hôtels particuliers construits entre cour et jardin pour des familles aristocratiques, bourgeoises ou parlementaires. À l’angle des rues Granvelle et Pasteur, voici le vaste portail blasonné de l’hôtel de Champagney qui ouvre sur un balcon et deux superbes tourelles d’escaliers. Rue de Besançon, ouvrez bien les yeux, vous tomberez, au numéro 44, sur l’hôtel Terrier de Santans ; poussez le portail pour découvrir trois magnifiques escaliers extérieurs, très marqués par l’architecture bourguignonne. Il faut arpenter la rue du Collège-de-l’Arc, avec son alignement de beaux hôtels du XVIIe siècle, ou encore passer la Grand-Rue et la ravissante place aux Fleurs pour découvrir, rue du Mont-Roland, l’hôtel de Froissard, avec son portail, ses ferronneries ouvragées, ses escaliers raffinés, sa splendide loggia intérieure. Il est toujours dans la même famille depuis sa construction en 1611 !
Un des tout premiers secteurs sauvegardés de France
« Ce qui est formidable, c’est cette pierre calcaire, claire, qui, malgré un aspect dépouillé, peu ostentatoire, est d’une grande élégance. Si l’on regarde bien, on remarque que le travail de la pierre est extraordinaire à Dole. Il faut voir comme elle accroche la lumière », vante Nicole Régnier. Difficile à croire aujourd’hui : André Besson, célèbre écrivain né à Dole, se souvient avoir connu, avant-guerre, une « ville triste » : « Il y avait alors beaucoup d’industries, si bien que les façades étaient recouvertes d’une épaisse poussière grise. La ville a été très bien restaurée, grâce notamment au député-maire de Dole, Jacques Duhamel, qui a été ministre de la Culture. Dès 1967, il a fait de Dole intra-muros l’un des tout premiers secteurs sauvegardés de France, sur 116 hectares. On a alors redécouvert les façades, claires, fleuries. Dole est devenue une très belle ville et détient aujourd’hui le label Ville d’art et d’histoire. » Il marque une pause. « Il ne faut cependant pas se leurrer, malgré son aspect coquet, son côté “petite ville à taille humaine“, il reste ici un côté frondeur, né lors des différents sièges contre les armées royales. Les Dolois sont obstinés, courageux, en témoigne la résistance durant la guerre. Vous savez, ce sont les soubresauts de l’histoire, mais avec la fusion de la Bourgogne et de la Franche-Comté, certains Dolois ont même imaginé que Dole, ville ouverte sur le monde, car desservie par trois autoroutes, un aéroport, le train et même par un canal où l’on croise des bateaux venant d’Amsterdam et allant vers Marseille, pouvait devenir la capitale de la future grande région... C’était une utopie, mais cela veut bien dire que son passé de capitale n’a jamais été oublié ! »
Balade sur une colline " inspirée"
Haut lieu de pèlerinage, le mont Roland, à 5 kilomètres au nord de Dole, est accessible en voiture ou à pied, via de beaux chemins de randonnée à travers bois et champs. Un sanctuaire dont l’origine remonterait au XIe siècle est campé sur cette colline, à 343 mètres d’altitude. On y vénérait une Vierge Noire, aujourd’hui dans l’église de Jouhe. L’église actuelle, dédiée à Notre-Dame, a été élevée dans un style néogothique par des jésuites dans la seconde moitié du XIXe siècle. Au sommet, empreint de silence, un beau panorama vous attend sur les paysages verdoyants et ondulés du pays dolois, mais aussi les monts du Jura d’un côté et la côte d’Or de l’autre. Le mont, situé sur un chemin menant à Compostelle, fait l’objet de trois pèlerinages annuels : en avril, la célébration de la Vierge par les gens du voyage ; en mai, depuis 1967, celle de la Vierge de Fatima par la communauté portugaise ; et le 2 août, un grand pèlerinage régional commémorant la reconstruction du sanctuaire le 2 août 1856. Possibilité de se restaurer ou de boire un verre au tranquille Chalet du Mont-Roland.
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