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L'île d'Elbe, la petite Corse

Par Rafael Pic

Au large de la côte toscane, l'île d'Elbe, cousine quarante fois plus petite que la Corse, abrita Napoléon, l'empereur déchu pendant dix mois, entre 1814 et 1815, avant son retour sur le sol français et les Cents-Jours. Le temps passé sur l'île d'Elbe par l'Empereur Napoléon a laissé un souvenir  vivace dans les mémoires et le patrimoine local.

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Portoferraio. Ciel bleu et façades colorées. Dans cette rue qui dégringole vers la mer, se trouve l'église de la Miséricorde. On peut y voir un masque mortuaire de l'Empereur. Une messe en son honneur y est célébrée tous les 5 mai, date anniversaire de sa mort, en 1821

L’île d’Elbe, adoptée par Sa Majesté l’empereur Napoléon pour lieu de séjour, formera, sa vie durant, une principauté séparée, qui sera possédée par lui en toute souveraineté et propriété.  Ainsi récite l’article 3 du traité de Fontainebleau, signé après l’abdication du 7 avril 1814. Napoléon, que les Anglais auraient préféré déporter au loin, bénéficie, grâce à la sollicitude du tsar, d’un sursis européen… Le voyage ne sera pas de tout repos. Napoléon devra traverser toute la France, non sous les vivats mais sous les quolibets et les insultes. Pour éviter d’être molesté, il devra même se faire passer pour un militaire autrichien en endossant l’uniforme du général Koller. Le 29 avril 1814, ce n’est pas le conquérant de l’Europe mais un proscrit humilié qui monte sur la frégate anglaise Undaunted pour débarquer, le 4 mai, à Portoferraio, principale ville de l’île d’Elbe.

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Le fort Stella fut élevé en 1548 sur décision de Cosma Ier de Toscane, un Médicis, sur l'une des collines qui surplombent la ville. C'est son plan de fortifications en étoile qui lui a donné son nom

Un empire de poche pour Napoléon

Le voici désormais à la tête d’une principauté de poche – avec le titre d’empereur et même un budget confortable de 2 millions versé par les Bourbons. Par beau temps, Napoléon s’assied sur une falaise de la côte occidentale et contemple la Corse (distante d’une cinquantaine de kilomètres), en ruminant sa défaite. En hommage, le lieu s’appelle aujourd’hui la Sedia di Napoleone (la chaise de Napoléon). Dans son nouvel empire de 224 kilomètres carrés, il peut humer l’odeur entêtante du maquis, souvenir impérissable de son enfance, qui symbolise presque à lui seul la Corse et sur lequel il s’émouvra encore à Sainte-Hélène.

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Portoferraio. Cette rue de la vieille ville donne l'ambiance. Une profusion de couleurs d'agrumes !

Réduit à gouverner 15 000 habitants, que peut-il faire d’autre que d’invoquer les fantômes de sa grandeur évanouie ? Il a de quoi discuter avec ses fidèles grognards Drouot ou Bertrand, ainsi qu’avec les 2 000 hommes de la Vieille Garde qui l’ont suivi jusque sur ces montagnes gorgées de soleil. Mais, on le sait, Napoléon n’est pas un adepte de l’inaction. Il va donc appliquer son énergie tous azimuts. Sans même se laisser le temps de la bagatelle – ne s’octroyant qu’une randonnée romantique avec son amante polonaise, Marie Walewska, un jour de septembre, vers une chapelle isolée.

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Le port de Portoferraio s'est formé dans une anse naturelle. En mer Tyrrhénienne nord, ce port est nommé la darse des Médicis

Le meilleur fer d'Europe

Après avoir mené des tournées d’inspection sur les chemins creux, les 147 kilomètres de littoral et les eaux territoriales (manquant de sombrer un jour de tempête), il ordonne la construction de routes, le creusement de puits, le développement des mines (le « meilleur fer d’Europe », indique-t-il dans ses Mémoires), la rationalisation des taxes sur le sel et la pêche, la révision des droits de douane… Sur cette terre habituée à l’immobilisme administratif (favorisé par une longue tradition de co-gouvernement entre les souverains de Toscane, de Naples et de Piombino), cela ressemble à une révolution. Napoléon n’est resté que dix mois sur l’île d’Elbe. Son souvenir y est pourtant demeuré très présent. Pas seulement grâce au legs du prince Demidoff, qui permet de dire une messe le jour de sa mort (le 5 mai 1821) dans l’église de la Miséricorde. Pas seulement grâce aux reconstitutions en costume du 4 mai où l’on voit le maire apporter sur un coussin les clés de la ville à l’aigle déchu (déjà, à l’époque, ce fut du théâtre de comédie : la ville n’ayant pas de clés, le premier magistrat apporta celles de sa cave).

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Le jardin de la Villa dei Mulini, la résidence officielle de Napoléon. Elle a été bâtie en 1724 à Portoferraio pour Jean Gaston de Médicis

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Napoléon Bellosi

Il n’a certes plus 45 ans – l’âge de Napoléon en 1814 – mais toute la ferveur nécessaire. Chaque 4 mai, Franco Bellosi se fond dans le personnage de Napoléon en revêtant un costume d’apparat et en arpentant les quais de Portoferraio. Non pas à l’heure historique qui vit l’exilé descendre de l’Undaunted à 16 h 30, mais à 18 heures pour laisser le temps aux touristes de revenir de leurs excursions… Si les puristes critiquent les approximations (épée en plastique, plaque de grand aigle de mauvaise qualité), la parade de Bellosi – qui fait mine de refuser les clés que lui présente le maire Traditi – contribue à sa façon au maintien du souvenir napoléonien. Lequel ne compte pas pour rien dans l’attractivité touristique de l’île (environ 400 000 visiteurs par an)…

La Villa dei Mulini, un QG

Comme tout grand homme qui se respecte, Napoléon laisse aussi sa marque sur le bâti. Il a un adjoint de choix : sa soeur Pauline, qui le rejoint, améliorant l’ordinaire de l’exil en vendant ses bijoux, est une première dame officieuse et infatigable. Le QG est la Villa dei Mulini, qui surplombe toute la ville. L’ancien siège du commandant de l’artillerie est bouleversé de fond en comble pour devenir un palais acceptable, bordé de jardins à l’italienne et de statues néoclassiques. À l’intérieur, dorures, trumeaux peints, pendules parisiennes, lustres, un service de 1152 pièces en porcelaine de Sèvres, portrait et gravures à la gloire de l’ancien (et du futur) conquérant et de son fils, le roi de Rome. Et une bonne bibliothèque de 2 378 volumes : Hésiode, Homère, Virgile, Dante et Molière dans les belles reliures de Fontainebleau, et la collection complète du Moniteur universel. Lorsqu’il est fatigué de la vie en ville, Napoléon va prendre l’air à la Villa San Martino, que Pauline a élégamment aménagée, en supervisant les fresques de Vincenzo Antonio Revelli ou l’installation d’un élégant pavement bicolore (c’est le prince Demidoff qui se portera acquéreur de la villa, lui permettant de conserver son standing et de devenir un sanctuaire de l’épopée napoléonienne). Et s’il prend à Napoléon l’envie d’assister à un bel opéra-bouffe, Pauline a tout prévu. Elle a transformé l’ancienne église des Carmes en un délicieux théâtre, dit des Vigilants. C’est dans cette charmante bonbonnière pastel que le colonel Campbell vient le 28 février 1815 s’enquérir de la santé de Napoléon, que l’on dit souffrant. C’est la fin du Carnaval et Campbell ne reçoit pas de bonnes nouvelles, comme l’écrivit Napoléon, goguenard, dans ses Mémoires. « On lui répondit : l’Empereur est parti. — Et le grand maréchal ? Il est parti. — Et la Garde ? Elle est partie. » Direction les Cent-Jours…

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Pour le plaisir de Napoléon, à Portoferraio, le théâtre dei Vigilanti a été installé dans une église qui n'avait pas été consacrée. Record d'affluence garanti et bataille des bonnes familles pour l'attribution des loges assurée ! C'est aujourd'hui encore le seul théâtre de l'île d'Elbe.
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