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Insolite : les sites archéologiques du Cantal

Le plateau du Cézallier et son site archéologique de Le Chastel dans le Cantal. Le plateau du Cézallier et son site archéologique de Le Chastel dans le Cantal. - © Bruno Morandi / Détours en France

Publié le par Tuul Morandi

Tumulus funéraires, sites gaulois, villes fantômes médiévales... Le massif du Cantal cache sur ces hauts plateaux des sites ancestraux particulièrement bien conservés. Découverts par les archéologues ces dernières années, ces témoignages du passé racontent une histoire cantalienne encore peu connue du grand public.

Situé à 1 250 mètres d’altitude sur le versant sud-est du signal du Luguet (1 547 m), le point culminant du massif du Cézallier, le promontoire du Chastel domine la vallée de la Sianne en contrebas, vertigineux! Il y a 900 ans se dressait ici une ville fortifiée imprenable. « Sous les couches de végétation, vous avez là un village du Moyen Âge très bien conservé », explique Fabien Delrieu, archéologue à la direction régionale des affaires culturelles (Drac) Auvergne-Rhône-Alpes, en indiquant les contours nets de la fortification où se trouvait la maison du seigneur. « Observez les maisons autour, à moitié enterrées à l’abri du vent dominant. Les murs sont très épais, les entrées sont orientées plein sud. C’est une architecture typique d’altitude au climat froid et enneigé », continue-t-il avant d’ajouter : « Une telle conservation archéologique à cette altitude est unique en France. » Pour un regard averti, beaucoup de détails livrent une mine d’information sur la vie quotidienne de nos ancêtres vivant en altitude et « ces témoignages ne se trouvent que dans le Cantal ». Le Chastel n’est pas le seul vestige archéologique de la région, qui compte de très nombreux sites bien préservés. « Tout le massif volcanique de l’ouest de l’Auvergne est concerné. Et les vestiges couvrent des périodes allant du néolithique jusqu’au Moyen Âge », explique l’archéologue. Malgré l’altitude élevée, les hommes se sont installés ici d’une manière pérenne dès 4500 avant J.-C., attirés par la richesse du sol, et ont érigé dolmens et menhirs. « Mais les traces les plus abondantes concernent trois grandes périodes, à savoir l’âge du bronze (2000 à 450 avant J.-C.), l’époque gauloise (450 à 200 avant J.-C.) et le Moyen Âge (XIe au XIVe siècle), lors desquelles le Cantal était beaucoup plus densément peuplé. » Tumulus funéraires, vestiges gaulois et villes fantômes médiévales émergent du sol cantalien, racontent une nouvelle histoire sur la région et livrent des informations qui bousculent parfois certaines idées reçues. Pourquoi une telle conservation archéologique dans ces contrées d’altitude ? « La singularité du massif cantalien, constitué principalement de plateaux et de vallées, a joué un rôle certain dans la sauvegarde de ces vestiges, à l’inverse des Alpes où l’érosion est plus importante », répond Fabien Delrieu. « Mais c’est l’élevage et la transhumance, principal mode de vie pratiqué sur ces hauts plateaux depuis l’âge du bronze, qui les a littéralement sauvés », poursuit-il.

Estive et tumulus funéraires

Des tumulus funéraires sur le plateau du Cézallier dans le Cantal.
© Bruno Morandi / Détours en France

Grâce à ces activités liées à l’estive et à la transhumance, les herbages se sont bien maintenus et ont servi à sceller ces ruines dans une terre qui n’a jamais été labourée. « On peut attester et dater ce mode de vie grâce à la présence d’abondants tumulus funéraires qui jalonnent les chemins d’estive, comme ici au mont Gervais où se trouve le premier des 45 tumulus qui suivent un itinéraire de 12 kilomètres entre Allanche et Massiac », raconte l’archéologue en montrant le gros tas de pierres à la lisière de la forêt. Deux mille ans avant notre ère se met en place un système de transhumance entre les plaines et des zones d’altitude via des chemins d’estive contrôlés par les élites. Ces derniers mettaient les tombes de leurs défunts le plus près possible des chemins afin qu’ils soient vus de tous et aussi pour marquer leur territoire. « Et ça marche encore. Lorsqu’on passe le col de Baladour, on les voit tous. Un grand nombre de tumulus funéraires couvrant la période entre 2000 et 450 avant J.-C. ont été dénombrés sur notre territoire nous laissant croire que ce mode de vie a duré à la préhistoire pendant au moins mille cinq cents ans », témoigne Fabien Delrieu.

Un important axe d’échanges

Le site archéologique du Chastel, sur le roc Saint-Antoine, véritable forteresse naturelle dont les premiers vestiges datent du néolithique.
© Bruno Morandi / Détours en France

De l’autre côté de la vallée de la Sianne, face au Chastel, un promontoire basaltique perché à 1 100 mètres d’altitude et bordé de falaises surplombe la vallée. Le site du suc de Lermu, par sa position stratégique, était occupé à quatre grandes périodes depuis le néolithique. Des fouilles y sont d’ailleurs effectuées depuis 2015. « Les traces de chaque période ont pu être préservées, mais à ce jour c’est la période gauloise qui a livré les plus grandes surprises. On y a découvert, pour la première fois en Auvergne, des tessons de céramiques d’importation grecque ainsi que du matériel de la vie quotidienne méditerranéenne qui ne feront pas pâle figure aux côtés de sites plus prestigieux », confie l’archéologue. Cette découverte majeure atteste que le Massif central était traversé à la période gauloise par le principal axe d’échanges commerciaux entre le nord et le sud. Tous les biens qui venaient de la Méditerranée orientale transitaient par la région pour rejoindre et alimenter les marchés du nord de la Gaule celtique. « Lorsqu’on cartographie les productions méditerranéennes dans le Massif central, on obtient un itinéraire qui est peu ou prou l’actuelle autoroute A75. Ça bat en brèche l’image véhiculée de notre région souvent considérée à tort comme une zone périphérique totalement enclavée. »

 

Une population d’altitude

Fabien Delrieu, archéologue à la DRAC, sur le plateau du Cézallier dans le Cantal.
© Bruno Morandi / Détours en France

Toutes ces périodes qui ont laissé d’importants reliquats auraient un point commun, le réchauffement climatique. À l’âge du bronze, à la période gauloise et au Moyen Âge, chaque fois le climat était à peu près le même qu’aujourd’hui. Ce qui a certainement incité la population dont le nombre augmentait à gagner les territoires d’altitude. « À partir du XVe siècle, c’est le début du petit âge glaciaire : en quelques décennies, on perd trois, quatre degrés. Ça devient intenable, tout le monde descend dans les plaines et abandonne la haute altitude. » Avec ce refroidissement, les hauts plateaux où la population médiévale pratiquait la polyculture retrouvent définitivement leur vocation de territoire d’estive. Depuis, les ruines sont figées dans le sol des estives sans jamais être menacées par l’agriculture ou l’industrialisation. « C’est une particularité cantalienne. Les régions d’altitude préservant de telles traces archéologiques n’existent quasiment nulle part ailleurs. »

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