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Baume-les-Messieurs, l'esprit de la nature

Publié le par La rédaction de Détours en France

Baume-les-Messieurs, à une vingtaine de kilomètres de la capitale du Jura, Lons-le-Saunier, est "comme égaré, presqu'ignoré". C'est dans ce village, au creux d'une vallée perdue où coule la Seille, que des moines défrichèrent le lieu d'implantation d'une abbaye, pièce maîtresse de l'ordre clunisien. Bienvenue à Baume-les-Messieurs !

Panorama

La magie du site

À 15 kilomètres au nord de Lons-le-Saunier, un paysage grandiose surgit du haut du belvédère des Roches : Baume-les- Messieurs, village de poche qui se niche au creux d'une profonde vallée, au milieu de trois reculées jurassiennes.

Sauvage, spectaculaire, l'endroit est presque intimidant, tant on a l'impression que la nature y a tous les droits, qu'elle restera, quoi qu'il advienne, maître des lieux.

Le site est encore plus impressionnant vu d'en bas, quand les ombres géantes des falaises recouvertes de végétation viennent assombrir le bourg… C'est dans ce lieu à la beauté grave, et difficilement accessible, comme à l'écart du monde, qu'un ermite choisit d'élever une abbaye au IVe siècle.

L'abbaye et son histoire

Rapidement, l'abbaye devient importante. Elle entre dans l'histoire en 909-910 quand l'abbé Bernon, qui est à sa tête depuis 890, et quelques moines en partent pour créer en Bourgogne l'abbaye de Cluny – une abbaye avec laquelle, pourtant, elle entrera souvent en conflit tant Cluny, devenue « mère », a du mal à se souvenir de sa filiation.

Abbaye

1 - Idéal de vie monastique, l'abbaye Saint-Pierre-Saint-Paul est organisée comme une petite cité.
2 - Son architecture intérieure et sa hauteur imposante font le charme du lieu.

L'empereur Frédéric Barberousse lui donne le titre d'abbaye « impériale » au XIIe siècle. Protégée par les comtes de Bourgogne, elle règne sur une soixantaine d'églises et possède coteaux, moulins et carrières de sel. Le sanctuaire, victime des guerres, pillages et incendies, connaît cependant vite des périodes de décadence.

Cour

Autour de l'église, sans doute achevée au XIIe siècle, se déploie un ensemble de bâtiments conventuels et claustraux qui cédèrent place, à la Révolution, à des demeures privées. 

Sa sécularisation, en 1759, met un terme aux querelles : le pape fait de l'abbatiale une simple collégiale de chanoines réguliers, issus pour la plupart de familles aristocrates. « Baume-les-Moines » devient alors « Baume-les-Messieurs ». Les paysans du village, au bord de la Seille, travaillent aux comptes de ces « messieurs ». Mais ce sera pour peu de temps, car les chanoines sont chassés à la Révolution et l'abbaye vendue.

Baume-les-Messieurs

Empreint de spiritualité, d'une beauté intemporelle

Il semblerait d'ailleurs que le site ait inspiré la chanson Les Trois Cloches popularisée par Édith Piaf (« Village au fond de la Vallée / Comme égaré, presque ignoré ») qui est signée du poète et chansonnier suisse Jean Villard. Selon toute vraisemblance, Baume-les-Messieurs lui inspira cette ritournelle.

Cascade

Quant à l'écrivain Pierre Gascar, amoureux de la nature et prix Goncourt 1953 pour Les Bêtes, il y élut domicile, voyant dans ce décor naturel fait d'un cirque, de grottes et de cascades « une végétation du vertige ». Les demeures rustiques, aux solides toits de tuiles brunes qui se confondent avec ceux de l'abbaye, datent pour la plupart des XVe et XVIe siècles.

Façade des maisons

Avec son toit pentu, ses volets de bois marron, ses fenêtres pas trop grandes pour ne pas laisser prise aux attaques de la froidure hivernale, ses murs de pierre épais faisant office de réservoir d'inertie thermique, la maison jurassienne est parfaitement adaptée au climat de la région.

Abbaye et maisons de village de Baume-les-Messieurs (Jura)

Pour pénétrer au sein du quartier abbatial proprement dit, il faut franchir le passage voûté, sous l'ancienne hôtellerie, qui fait face à la maison abbatiale aux fenêtres à meneaux et croisillons du XVIe siècle. L'église Saint-Pierre, bâtie sur la règle bénédictine, domine l'endroit de son clocher octogonal. Elle est dotée d'un remarquable portail sculpté du XVe siècle. À l'intérieur, la nef, tapissée de pierres tombales, est typiquement romane avec ses piliers massifs. Son architecture sévère est atténuée par la richesse du mobilier. Les regards se tournent vers la statuaire bourguignonne du XVe siècle et surtout vers un ouvrage d'exception du maître-autel : un retable en chêne polychrome, chef-d'oeuvre de l'école flamande. Exécuté à Anvers au XVIe siècle, ce retable sur la vie du Christ, constitué de 25 panneaux de bois taillés, peints et dorés, est un cadeau de la ville de Gand à Guillaume de Poupet, abbé de Baume (1524-1583). Il vaut, à lui seul, le détour dans ce coin du Jura, qui compte tout juste 200 habitants.

Voyage au centre de la Terre

Cascade

Au fond d'une reculée, à 2,5 kilomètres du village, la grotte de Baume, peuplée d'une importante colonie de chauves-souris, crevettes aveugles et autre espèces caverneuses, offre un voyage souterrain jusqu'à 120 mètres de profondeur. Cette cavité de formation tertiaire, découverte en 1610, a 30 millions d'années. Sur près de 1 000 mètres de galeries, où la température avoisine les 13 °C, on y découvre cascades pétrifiées, lacs et concrétions géologiques de toutes les formes… Parmi les 5 salles, ne manquez pas celle de la « diaclase », spectaculairement mise en lumière : haute de 60 mètres, elle prend des allures de voûte gothique.

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