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L'île de Sein : la résistante

Par Marie Le Goaziou

Aujourd’hui, départ pour le bout du monde... Au large de la pointe du Raz, une simple ligne se dessine à l’horizon, pas plus d’un mètre cinquante au-dessus du niveau de la mer, comme si la terre hésitait une ultime fois à émerger avant de plonger définitivement dans l’Atlantique. Sein, c’est une île mythique et résistante... peut-être la légendaire ville d’Ys.

La dernière terre avant l'Amérique 

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Vue aérienne de l'île de Sein, dans le Finistère (Bretagne)

La géographie des lieux n’est pas banale : située à l’extrême ouest du Finistère, c’est la dernière terre avant l’Amérique ! Selon la légende, l’île serait une épave du royaume d’Ys, englouti dans la baie d’Audierne. Absolument plate, avec une altitude moyenne d’1,50 mètre au-dessus du niveau de la mer, elle est protégée par des plages de galets et, autour du port, par de fortes digues. On s’y déplace à pied : elle mesure 1,8 kilomètre de long et 500 mètres dans sa plus grande largeur. Le vélo y est même interdit dans le bourg en été... cela entraînerait des risques de collision, car, pour protéger les Sénans du vent, les ruelles sont étroites et sinueuses. Leur largeur aurait été calculée pour permettre le passage d’une barrique. En plusieurs endroits du bourg, il a fallu « rogner » les murs de quelques maisons pour laisser passer certains engins...

Ici, on ne se résigne pas

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Le quai des Français Libres, sur l'île de Sein (Bretagne)
Le quai des Français libres.

Ici, les risques font partie du quotidien et on ne se résigne pas, l’histoire l’a démontré. En juin 1940, la plupart des hommes valides sont allés rejoindre cet aventurier de général qui, depuis Londres, appelait à continuer le combat. À eux seuls, ils représentaient le quart des effectifs des résistants de la première heure ! Entre le 24 et le 28 juin, 141 sont partis, soit quasiment tous les hommes valides, sur les bateaux de pêche, mais aussi la vedette des Ponts et Chaussées et le petit caboteur qui servait à approvisionner l’île. À la demande des femmes, le curé et le boulanger sont restés sur l’île. En souvenir de leur héroïsme, l’île a été l’une des cinq communes de France à être décorée de la croix de la Libération. Le général de Gaulle est venu en personne, en 1960, inaugurer le monument aux Français libres qui célèbre cette épopée moderne. Les Sénans ne sont pas revenus grisés pour autant. Ils ont retrouvé leur île et leurs casiers avec juste la satisfaction du devoir accompli... sans oublier leur franc-parler comme en témoigne le monument aux morts qui évoque les bateaux coulés durant la Première Guerre mondiale... par des sous-marins « boches » !

Un accouchement sur l'île 

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Île de Sein, dans le Finistère (Bretagne)

En 1919, il fallut monter sur les toits pour échapper aux déferlantes. En mars 2008, une tempête encore plus forte que les autres endommage gravement les digues et les quais de l’île. Pendant l’hiver 2013-2014, la succession de « coups de chien » donne lieu à des images dantesques relayées par toutes les télévisions... Malgré tout, on vit bien sur l’île ! Ce même mois de décembre 2013, une jeune maman a choisi d’accoucher sur son île plutôt que de rejoindre le continent quelques semaines avant la naissance. Elle était entourée par le médecin de l’île, un peu infirmier, un rien chirurgien et également propharmacien car il vend lui-même les médicaments qu’il prescrit, faute de pharmacie sur place. D’aucuns estiment qu’en temps normal, un médecin pour une grosse centaine d’habitants relève du luxe, à une époque où tant de territoires en sont trop peu pourvus. Lui, répond que, sur le continent, on peut se déplacer facilement pour aller se faire soigner. Pas dans un endroit où l’on dépend des bateaux, de leurs horaires, de la météo qui conditionne les traversées. Pour l’accouchement, tout s’est bien passé et l’île a fêté sa première naissance depuis trente-cinq ans ! Pensez donc, une îlienne de plus... et un enfant pour l’école dans les années à venir !

L’abri de Sein se transforme en cantine

Et pour celui qui veut approcher le quotidien des Sénans, impossible de faire l’impasse sur le musée de l’Abri du marin. Ici, l’Abri du marin fut d’un grand soutien pour la population : en juin 1940, pour aider les femmes des marins partis en Angleterre, l’Abri de Sein se transforme en cantine pour les enfants. Les Sénanes y venaient chercher des travaux à domicile (couture, tricot ou dentelle), afin de compléter leurs maigres ressources. Aujourd’hui, il présente toute l’épopée de la France libre comme la vie quotidienne des générations passées. Juste à côté, la station de sauvetage évoque d’autres épopées... moins célèbres mais tout aussi dangereuses : les sauvetages en mer réalisés par la Société nationale du sauvetage en mer (SNSM) de l’île. Le Ville de Paris, le canot actuel, est entré en service en janvier 1980 et devrait être prochainement remplacé. Ses grandes dimensions lui interdisent de rentrer dans l’abri où étaient hissés ses prédécesseurs. Il reste donc en permanence au mouillage sur coffre, prêt à partir en intervention. Son hangar libéré a été aménagé en musée très émouvant qui rappelle combien l’île a, plus souvent qu’à son tour, été endeuillée par les « fortunes de mer ». On dit que c’est à cause de ces très nombreux naufrages que les Sénanes ont abandonné la coiffe ordinaire et blanche, la capenn, pour la jibilinen, la coiffe de deuil de tout le cap Sizun. En réalité, c’est à la suite d’une terrible épidémie de choléra en 1886 qu’elles n’eurent plus jamais le cœur de reporter la fine coiffe blanche. Cependant, pour montrer qu’elle n’était pas utilisée comme coiffe de deuil, les deux longues ailes étaient remontées de chaque côté de la tête. Les victimes de cette épidémie ont été enterrées à l’écart, dans un petit cimetière près du mémorial des Français libres.

La pointe du Raz annonce le continent 

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La pointe du Raz, dans le Finistère (Bretagne)
La pointe du Raz, à l'extrémité du cap Sizun.

Pour mieux appréhender les réalités quotidiennes, nous grimpons les 250 marches du phare. Il émet 4 éclats toutes les 25 secondes, qui portent à 27,5 milles, soit 51 kilomètres. Du haut de la tour, par temps clair, la vue est époustouflante ! À l’ouest, on devine, à cause des nombreux remous, les écueils de la chaussée de Sein ponctuée par le phare d’Ar-Men et les roches affleurant à la surface de l’eau. Et dire que c’est là que Jacky et ses amis vont pêcher tous les matins ! De l’autre côté, c’est la pointe du Raz et le cap de la Chèvre qui annoncent le continent. Au pied du phare, on trouve l’usine de dessalement d’eau de mer et les génératrices d’électricité fonctionnant au fioul : l’île n’est pas raccordée électriquement au continent en raison des courants trop puissants et des fonds rocheux du raz de Sein qui endommageraient vite les câbles. L’île semble un bateau bien fragile chahuté par les flots. Mais si les Sénans se sentent menacés, ce n’est pas forcément par ce que l’on croit. Le risque s’avère beaucoup moins « naturel » qu’économique et social. « On est plus menacés par la fermeture des cafés que par la vague ! Avec une tempête, on sera mort d’un coup, mais si la population s’en va, l’île va mourir à petit feu, c’est pire. » Dans cette optique, la naissance de cette petite îlienne en décembre 2013 a été vécue comme une renaissance.