
La pierre l'a sauvé de la ruine. Ainsi pourrait-on résumer la destinée de ce village riverain de l'Allier. Au Moyen Âge, les carriers expédient via l'Allier puis la Loire des pierres de taille de couleur mordorée qui serviront à édifier abbayes et cathédrales. Au XIXe siècle, le tarissement des carrières et l'arrivée du chemin de fer, qui concurrence le transport fluvial, ruinent Apremont… bientôt réduit à un triste tas de pierres. Le destin voudra qu'un homme providentiel – qui rebâtira, pierre par pierre, le village – s'entiche Apremont.
Une ambiance médiévale
Sous nos yeux, les maisons de grès s'alignent le long de la rive gauche du fleuve dans un style médiéval typiquement berrichon, avec ses colombages, ses volets peints de rouge et ses toits pointus de tuiles.

Une balade dans Apremont est un petit bonheur, tant ce lieu harmonieux est empreint de poésie avec sa végétation foisonnante qui tapisse les murs aux tons roses. Ce pittoresque hameau de moins de 100 habitants, ancien village de carriers dont les pierres de taille étaient acheminées sur l'Allier, doit son apparence actuelle à un passionné de patrimoine au début du XXe siècle…
L'histoire du village
Sur les hauteurs du site, situation stratégique, fut construit un château fort protégé de 14 tours, dans le but de garder l'ouest du duché de Bourgogne. Au XVe siècle, cette forteresse sert notamment de prison d'État aux ducs de Bourgogne, alliés des Anglais. À la fin du XIXe siècle, Antoinette de Saint-Sauveur, dont la famille est propriétaire du château depuis 1722, souhaite retrouver ce domaine, dont elle garde de beaux souvenirs d'enfance. Mais, à cause d'un père qui aimait trop le jeu, sa famille est ruinée et l'édifice se trouve dans un sérieux état de délabrement… le château est en danger.
La reconstruction
En 1894, Eugène Schneider (1868-1942), troisième de la dynastie des puissants maîtres des forges du Creusot, épouse Antoinette de Saint-Sauveur, devenue propriétaire du château. Pris d'un coup de foudre pour le domaine, il projette de lui redonner sa splendeur passée. Avec l'aide de monsieur de Galéa, décorateur, l'industriel entreprend une extraordinaire restauration du château, qu'il convertit en une résidence d'agrément, mais aussi du hameau qu'il rachète dans sa quasi-totalité.

Son obsession : lui faire retrouver le plus possible son caractère ancien. Il met à jour les pierres anciennes – la plus vieille demeure, la Maison des mariniers, date du XVe siècle –, restaure, et parfois reconstruit des demeures, flanquées de tourelles, linteaux sculptés et escaliers extérieurs. Le style moyenâgeux adopté est parfois un peu éloigné de l'authenticité historique, mais, qu'importe, le charme opère !
De la place forte primitive aux 14 tours reliées par des courtines qui défendit le duché de Bourgogne et le comté de Nevers, il ne reste que peu de chose. L'édifice d'aujourd'hui présente une architecture néogothique des années 1930-40 voulue par Eugène Schneider et son décorateur. Les écuries abritent un original musée des Calèches.
Le parc floral
La renaissance d'Apremont-sur-Allier se poursuivra dans les années 1970 grâce à Gilles de Brissac, petit-fils d'Eugène Schneider. Ainsi, il crée, sur d'anciens prés au pied du château, un parc floral de plus de 4 hectares, qui détient aujourd'hui le prestigieux label « Jardin remarquable », décerné par le ministère de la Culture.

Descendant du « sauveur d'Apremont », le maître des forges du Creusot Eugène Schneider, Gilles de Brissac, paysagiste, a poursuivi l'oeuvre de son aïeul en embellissant le village. En 1976, autour de sa demeure de style bourguignon-berrichon, il crée un parc à l'anglaise où plus de 1 500 espèces de plantes s'épanouissent parmi maisons exotiques, pont-pagode, cascade…
Ce fouillis de plantes, de fleurs et d'arbustes superbement orchestré, agrémenté d'étangs, est un véritable enchantement. Parcourez sa cascade chantante, humez ses voûtes de glycines odorantes et admirez ses petites folies architecturales exotiques, telles que le pont–pagode chinois ou le pavillon turc construit sur pilotis… Ne manquez pas son romantique jardin blanc, imité de celui du jardin anglais Vita Sackville-West à Sissinghurst, dans le Kent.
Faites le tour du monde
Enfin, faites une halte dans la fabrique d'inspiration néoclassique russe : elle offre un superbe belvédère sur l'Allier. Son intérieur est tapissé d'exceptionnelles faïences de Nevers sur le thème des voyages. On y parcourt en 8 panneaux l'Inde, l'Afrique, la Chine, Venise… Ce tour du monde imaginaire se termine à Apremont, où il est inscrit sur la faïence : Le plus beau paysage au monde, c'est ici.
À vous de vérifier !