Un bivouac sauvage aux bords de la Loire
Nous nous trouvons dans la partie de la Loire baptisée la « Loire moyenne » : 450 kilomètres (sur ses 1 020 au total) entre Nevers et Angers. Mais du côté de Sancerre, on parle de Loire des îles. Non pas les îles aménagées de Touraine, mais les îles et îlots isolés que le fleuve modèle au fil des crues. « Ça te dirait un bivouac sur une île ? Tiens, prends cette tente, ce duvet, va t’acheter deux brochettes et du crottin de Chavignol. Je passerai te prendre quand tu auras fini », propose Yvan. Une demi-heure plus tard, il nous embarque dans son fourgon, direction les bords du fleuve, plus en amont. « À toi de jouer, camarade ! », lance-t-il après avoir fourré tout le barda dans un canoë. Et c’est ainsi que l’on se retrouve, tout surpris, seul sur la Loire immense qu’éclaire le crépuscule d’été. Le fleuve est large mais se ramifie en plusieurs lits. On se remémore les consignes du chef : prendre toujours les bras de la Loire le plus à gauche. On rame à peine, la nappe vert sombre du fleuve nous pousse comme un tapis roulant. En se penchant, on observe le fond, en forme de vaguelettes. De grandes ombres, qui peuvent être des silures, passent au-dessus. Bientôt, une île aux larges berges sableuses s’avance et le piton de Sancerre apparaît au second plan : c’est là. On tire le canoë sur la berge, puis on plante la tente. Les berges nous paraissent plus accueillantes que la forêt alluviale. Nous nous trouvons un peu en aval de la réserve naturelle du Val de Loire. Créée en 1995, celle-ci protège 19 kilomètres du cours de la Loire, entre La Charité-sur-Loire et Pouilly-sur-Loire. Ce tronçon de Loire est le plus représentatif des paysages, de la flore, de la faune et des milieux naturels de la Loire moyenne : pelouses et prairies sèches, forêts alluviales, marais, grèves aux franges vaseuses, bras secondaires et bras morts…
Une symphonie de couleurs au lever du soleil

Tandis que la nuit tombe sur les bords de Loire, nous nous dépêchons de ramasser du bois mort pour le feu. Généreuse, la Loire nous fournit les écorces sèches, brindilles et branches de tous les gabarits... Bientôt, un petit brasier crépite joyeusement devant la tente. Dans la précipitation, on a oublié une lampe frontale et, plus ennuyeux, une bouteille de sancerre. Qu’importe, le petit festin de viande trop grillée et de chavignol fondu sont avalés en un sourire silencieux. Le feu s’endort, puis s’éteint doucement. Sous la voûte étoilée, on n’entend plus que le plouf de quelques prédateurs à nageoires. Au petit matin, la vue est imprenable : un ciel de nuages saumonés s’étend au-dessus des saules blanc argenté de notre île. Une symphonie de roses pour soi tout seul... Sur le sable gris, des traces d’animaux : sont-ils passés dans la nuit, si près de la tente ? La nature s’éveille et nous l’écoutons. Mais Yvan nous attend. À regret, nous poussons l’embarcation dans l’eau immobile. Quelques remous agitent fugacement la surface. Après quelques coups de rame, nous filons. La Loire se presse lentement. Un héron s’envole à contrecœur, avec l’air d’un châtelain qu’on dérange. L’éclat blanc des aigrettes qui s’envolent tranche avec le gris du matin. Le lit en tresses de la Loire s’évertue à vouloir nous perdre parmi ses multiples ramifications. C’est un des derniers exemples européens de ce type de formation en perpétuel mouvement. Envoûtés, nous avançons. Le pont de Saint-Thibault est bientôt en vue. Yvan nous attend sur la berge. « Alors ce bivouac ? », demande- t-il. Notre sourire béat lui fournit la meilleure des réponses.
Où a-t-on le droit de bivouaquer au bord de l'eau ?
S’il n’est pas officiellement autorisé, le bivouac sauvage est souvent toléré dans les zones naturelles. Pour du camping sauvage en bord de Loire, prenez le temps de choisir le coin idéal à l'abri du vent, plat et dégagé, idéalement surélevé du niveau de l'eau si la Loire monte. Evitez les zones militaires ou proches des centrales (sans intérêt), les zones naturelles protégées et sous arrêtés de biotope.