
Entouré par les eaux limoneuses de la Gironde, ce joyau de la Saintonge a longtemps constitué une halte obligée pour les pèlerins de Compostelle arrivant d'Angleterre et de Bretagne. Ils embarquaient depuis le port en direction de Soulac sur la rive sud de l'estuaire. En bas de la photo, la falaise du Caillaud, bordée de carrelets de pêcheurs.
Une première fois infrangible
Aussi, découvrez Talmont-sur-Gironde depuis le fleuve à bord d'une gabare girondine, avec un guide émérite. Là où le plus grand estuaire d'Europe se déploie sur 12 kilomètres de large, dirigez votre regard là, devant vous :
À l'extrême limite du rivage, bastion d'ivoire ciselé, l'église romane domine la falaise de roches blanches. Le fleuve élargi verse dans l'océan son flot bourbeux : comme un fruit qui mûrit, dans les beaux jours où il se trouve d'un vernis glauque et de fines teintes d'iris (Attachements)
Le « commentaire » est de Jacques Chardonne (1884-1968), écrivain régional de l'étape s'il en est, puisque natif de Barbezieux, coeur de la haute Saintonge.
Une position stratégique
Du site émane une ambiance douce et sereine qui ne fut pas une constante dans l'histoire de Talmont. Site naturel d'implantation humaine ancien, c'est au Moyen Âge que la cité acquiert une fonction défensive quand elle tombe, en 1284, dans l'escarcelle d'Édouard Ier d'Angleterre, duc d'Aquitaine.

Le souverain la transforme en une bastide fortifiée, plan d'urbanisme tiré au cordeau. Elle ne redeviendra possession du royaume de France qu'au XIVe siècle. Sa position stratégique lui vaudra d'être très exposée au fil des événements de l'Histoire. Jusqu'à la Première Guerre mondiale où les troupes américaines, reprenant à leur compte un projet inabouti de Napoléon Ier, choisirent la presqu'île talmondaise pour bâtir un port militaire en eau profonde.
Un bourg coloré
Héritière d'un plan en damier caractéristique des « villes nouvelles » qui fleurirent dans tout le sud-ouest entre le XIIe et le XIVe siècle, le coeur du bourg n'a rien d'un labyrinthe de ville médiévale (jetez un oeil dans le musée au plan-relief de 1706). Le charme ne se niche donc pas dans les coins secrets, mais plutôt dans une beauté à fleur de pierre, offerte à tous avec la retenue qui sied à celles qui se savent irrésistibles.

Le minuscule coeur de Talmont-sur-Gironde porte haut ses couleurs : blanc comme ses maisons basses, bleu comme leurs volets, magenta comme ses roses trémières. En avancée sur l'estuaire, le village-presqu'île invite à une promenade respectueuse dans les rues et ruelles de la ville close où artisans, peintres ou potiers ont élu domicile.
Étroites et à angles droits, les rues sont dépourvues de trottoirs, vos escortes, graciles et odorantes, sont des rangées de « roses trémières élevées de hampes vertes et de petits bouquets devant les murs crépis de blanc » (Chardonne).

Gare à celui qui s'aventurerait à en cueillir une en guise de souvenir ! Ces belles de jour font ici partie du patrimoine. En circulant au fil des ruelles, venelles et placettes, comme celle de la Priauté, il ne vous reste qu'à musarder de terrasses de cafés en échoppes d'artisans, ateliers d'artistes et inévitables boutiques de souvenirs.
Son patrimoine religieux
Son image est connue bien au-delà de la côte atlantique, l'église Sainte-Radegonde, figure de proue de la presqu'île, est une architecture romane d'une grande pureté stylistique, construite par les moines bénédictins de l'abbaye de Saint-Jean-d'Angély au XIIe siècle. À l'intérieur, entre influences clunisiennes et cisterciennes, la nef à travée unique, le transept prolongé de deux absidioles, un avant-choeur et une abside voûtée en cul-de-four sont d'une sobriété contrastant avec l'extérieur (sculptures du portail, voussures, colonnettes, oculus…).

La façade ouest du sanctuaire fut reconstruite en style gothique au XVe siècle, suite à l'éboulement d'une travée de la nef… tombée à la mer ! C'est le danger qui guette Sainte-Radegonde, comme l'annonce la devise de la cité « Talmont au péril des flots » : la colère des eaux de la Gironde. Le raz-de-marée du 29 décembre 1999, qui creusa une excavation profonde sous le chevet de l'église, témoigne de cette vulnérabilité que les travaux n'endigueront jamais totalement.
La pêche traditionnelle
Poussez la grille du cimetière marin, émouvant. Restez près des eaux limoneuses du fleuve en faisant un crochet par le port. Son côté « miniature » ne reflète pas ce que fut l'actif port de commerce talmondais aux XVIIIe et XIXe siècles, lorsqu'une flottille de bateaux en route vers le port de la Lune à Bordeaux y faisait escale.

Reste que ses quais inclinés et les pontons de bois continuent d'accueillir les canots et yoles en bois traditionnelles des pêcheurs de maigres, ces poissons que l'on pêche « à l'oreille » (en période de reproduction, ils émettent des grognements sourds) entre mai et juillet.
Entre conche et falaise, un pan d'histoire
En suivant le rebord de la falaise du Caillaud, vous arriverez au pied de la tour Blanche, ainsi nommée par les envahisseurs anglais en souvenir probablement de la tour homonyme londonienne. Elle constitue le vestige le plus visible et le mieux conservé de l'ancienne citadelle. Sa porte ouvre sur l'estuaire, ce qui permet de jauger du recul stupéfiant de la falaise.

Telle une vigie surveillant les flots, élevée au creux d'une nature préservée, la chapelle Sainte-Radegonde est une fragile beauté romane. Cernée par les eaux de l'estuaire, elle est soumise à leur travail de sape et a déjà reçu de nombreux soins pour continuer à nous émerveiller.
De la tour, le panorama embrasse la Roche Caillaud, les carrelets (ces derniers ont été remontés au début des années 2000 suite aux ravages de la tempête de 1999) et les vignobles du Talmondais (vins du pays charentais, blancs issus du cépage colombard, rosés issus du merlot).