Sainte-Engrâce et Saint-Palais : deux villages typiques du Pays basque
L'identité du Pays basque passe d'abord par ses villages. Agricole ou rustique, Sainte-Engrâce et Saint-Palais sont les fiers symboles d'une économie champêtre. En Haute-Saoule, Sainte-Engrâce est considéré comme le témoin ultime de la ruralité basque. Saint-Palais, situé dans la commune de Basse-Navarre, est connu pour son festival annuel de Force basque.
Sainte-Engrâce, un creuset de l'identité rurale basque
Le photographe Hans Silvester a signé à Sainte-Engrâce deux de ses plus beaux reportages. En suivant à dix ans d’intervalle les habitants, il a éclairé le public sur l’évolution d’un village considéré comme un creuset de l’identité rurale basque. Est-on influencé par son travail de photoethnologue ? Toujours est- il qu’en arrivant à Sainte-Engrâce, le sentiment d’un « ailleurs » prévaut. Cela tient sans doute aux 11 kilomètres de route tortueuse que l’on prend 8 kilomètres après Larrau, pour rejoindre le village au pied des reliefs pyrénéens. Ou bien à ces noms à rallonge de quartiers ou de maisons, Ekhi-Altia, Dolainty-Urrutia, Azkarateilla, Etchecopar-Hia, Arhantzeta..., qui semblent claquer comme des preuves irréfutables de l’identité basque. L’église du XIe siècle, exemple dissymétrique mais abouti d’architecture rurale, les stèles discoïdales du cimetière, le fronton et vieux trinquet, pôles de ralliement pour les habitants, participent à cette impression. Ainsi que les gémissements stridents de tronçonneuses dans les versants, rappels d’une vieille activité sylvicole (bois de chauffage, charpente, meubles, outils...).
L'attraction touristique : les gorges de Kakuetta
Qu’on ne s’y méprenne pas, Sainte-Engrâce vit avec son temps. Parmi les 200 habitants permanents, on trouve des retraités mais encore une vingtaine de familles d’agriculteurs. La poignée d’élèves à l’école prouve que l’élevage mais aussi le tourisme maintiennent encore les gens « au pays ». Parmi les attractions, justement, les gorges de Kakuetta. Il faut y venir tôt, avant que le flot d’estivants et les cars de tourisme ne rompent le charme. Ce corridor profond et obscur conduit les marcheurs, par des passerelles suspendues, à une cascade et une grotte, en sautant d’une rive à l’autre. L’eau bleutée et translucide de la rivière tranche avec les verts soutenus des mousses et des fougères.
Basajaun et la mythologie basque
L’eau provient des infiltrations du plateau de la Pierre Saint-Martin, un des plus importants réseaux karstiques d’Europe. Des lichens proches d’espèces tropicales ont été répertoriés dans ces gorges qui abritent aussi le rare et discret desman (petit mammifère semi-aquatique, appelé rat-trompette) et la grenouille rousse. Mais l’habitant des lieux le plus célèbre est Basajaun. Mi-homme, mi-dieu, velu et corpulent, c’est le héros de la mythologie basque. En cas d’orage, il a l’habitude de crier pour avertir le berger du danger. Les sceptiques, eux, écoutent les sirènes qui se déclenchent en cas de crue subite dans les gorges.
Saint-Palais, le bourg-centre d'un vaste territoire agricole
Saint-Palais, avec ses 1900 habitants, est l'exemple type du bourg-centre irriguant un vaste territoire agricole. Le village est doté de boutiques et de services que l'on trouve habituellement dans des communes plus grandes. Trois hôtel sur la place du Foirail, plusieurs commerces de bouche, une importante coopérative agricole, un marché hebdomadaire sous la halle... le rayonnement de Saint-Palais n'est pas nouveau. Née parce qu'elle se trouvait sur la route de Saint-Jacques-de-Compostelle, la cité a pris du poids grâce au commerce, à l'agriculture et aussi parce que les services régaliens chargés de l'administrer étaient trop éloignés. Rattachée au royaume de Navarre, elle hérite du titre de capitale de Basse-Navarre et frappe même monnaie de 1351 à 1672.
Le tribunal de Bayonne à Saint-Palais
Elle est aussi siège du sénéchal de Basse-Navarre puis abrite, au XIXe siècle, un tribunal, celui de Bayonne ne pouvant pas gérer de loin les affaires courantes. Installé dans l’ancienne église Saint-Paul – qui fut aussi un temple –, c’est aujourd’hui le siège de la communauté de communes. Autour, la rue du Palais-de-Justice, doyenne des voies de Saint-Palais, aligne de belles demeures issues de la petite bourgeoisie de robe. La plus emblématique est la maison des Têtes (dite aussi maison Derdoy-Oyhenart), avec son blason sculpté représentant les derniers rois de Navarre, le diable, la nourrice.
L'union fait la force basque
On dénombre une quinzaine de jeux de force. Leurs origines se trouvent dans d’ancestrales traditions et gestes paysans. Parmi les plus spectaculaires, on retiendra le tir à la corde (soka tira), épreuve emblématique qui réunit huit colosses de chaque côté d’une corde devant entraîner dans leur camp l’équipe adverse sur une distance minimale de 3 mètres ; le lever de charrette (orga joko) ; les levers de pierres (harri altxatzea) ; le lever d’enclume (ingudea) ; le lever de botte de paille (lasto altxatzea) ; la course des épis de maïs (buskail biltzea) ou l’arpanariak, réunissant deux hommes qui doivent scier le plus vite possible un nombre de disques dans un tronc d’arbre.
Entre pouvoir civil et religion un jardin fantastique
Quand le pouvoir civil est là, en général la religion n’est jamais loin ! Installé au cœur du village, l’ancien couvent des Franciscains et son jardin fantastique sont toujours dédiés à l’accueil des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Un projet de site culturel est à l’étude. En deux ou trois siècles, les lieux vitaux de Saint-Palais ont glissé du sacré et du politique au profane. Aujourd’hui, le fronton rassemble l’été autour d’un tournoi réputé de joko garbi (chistera) et de la rare spécialité de jeu de rebot, tandis que le vénérable trinquet de 1891, à charpente Eiffel et double galerie haute, voit s’affronter les joueurs de pala ou à mains nues. La force basque se lit aussi sur les murs.