La vallée de la Vézère : le berceau de l'homme
Remonter la Vézère, c’est un peu remonter le cours du temps. L’homme de Néandertal et celui de Cro-Magnon n’ont-ils pas été les premiers à fouler la « vallée de l’Homme » ? De Limeuil à Montignac-Lascaux, la rivière aux reflets roux nous dévoile toutes ses merveilles : grottes préhistoriques, falaises habitées, châteaux médiévaux, villages dorés…
Lorsqu’ils descendaient la Dordogne depuis l’Auvergne, les bateliers faisaient toujours escale à l’Ancre du Salut, une auberge située à l’entrée de Limeuil. L’histoire ne dit pas si, laissant leurs gabares amarrées, ils prenaient le temps de remonter la rue qui part à l’assaut du promontoire. Les ravissantes demeures aux toits pentus laissent aujourd’hui la place à un Jardin panoramique. Il faut grimper jusqu’à son pigeonnier et admirer la confluence de la Dordogne et de la Vézère. Les jours de pluie, les eaux rouges et limoneuses de la seconde tranchent avec celles, noir ébène, de la première. Derrière l’église Sainte-Catherine (XIVe-XVe siècles), de jolies ruelles pavées sont bordées de maisons fleuries de glycines.
Paunat, le village doré
Plutôt que de filer vers le cingle de Trémolat, un méandre dont la vue est en partie cachée par la végétation, il faut rejoindre Paunat. Ce village de pierres dorées se niche au creux d’un vallon, où coule le minuscule ruisseau qui lui a donné son nom. Valérianes, pavots et coquelicots pavoisent gaiement les rues jusqu’à l’église Saint-Martial (XIIe siècle, remaniée), au puissant clocher-porche roman. À 12 kilomètres de là, celui de l’église de Campagne, datant de la même époque,mérite aussi le coup d’oeil, tout comme le lavoir voisin et l’étonnant château des seigneurs locaux (XVe-XVIIe siècles), tout en tours poivrières et mâchicoulis.
Les Eyziès, un siècle et de demi de fouilles
Et l’homo sapiens dans tout ça ? Aux abords du village des Eyzies, des falaises creusées d’abris signalent sa présence très ancienne. Les fouilles menées depuis un siècle et demi ont permis d’identifier une quinzaine de sites préhistoriques majeurs dans la basse vallée de la Vézère. C’est aux Eyzies-de-Tayac, sur la commune nouvelle des Eyzies, « capitale mondiale de la Préhistoire », qu’il faut s’arrêter pour faire plus ample connaissance avec Cro-Magnon et Néandertal. Le mieux est de commencer par le Pôle international de la Préhistoire, élégant bâtiment aux lignes futuristes, avant de visiter le musée national de Préhistoire. Lequel présente des outils en pierre, des parures, des objets d’art en os, des répliques de sépulture…
Richesse spirituelle
Le château de Tayac et toute une partie du village des Eyzies sont encastrés dans la falaise, qui évoque une formidable vague figée par le temps. L’église romane (XIIIe siècle), par exemple, est témoin de la richesse spirituelle des lieux au début du Moyen Âge. Dédiée à Saint-Martin, elle faisait initialement partie d’un prieuré abritant une quinzaine de moines dépendants de l’abbaye bénédictine de Paunat. On a pris soin de la fortifier, en ajoutant tourelles et mâchicoulis à sa construction… La forge (XVIe siècle), quant à elle, compte parmi les plus anciennes du Périgord. Lors de sa modernisation, au début du XIXe, y ont été accolés une halle à trois trains de laminoirs et de fours à puddler, ainsi qu’un haut-fourneau de 11 mètres. L’activité ayant décliné, les bâtiments ont été transformés en usine de broyage de kaolin puis en laiterie.
Commarque, castrum et panorama
C’est le moment de s’aventurer dans la petite vallée de la Beune, à l’est des Eyzies. L’écrivain Pierre Michon voit dans ce paysage quelque chose qui se rapproche de « l’origine du monde (…), cette odeur de poussière immémoriale et comme fossile, une terre qui fut de toute éternité » (dans La Grande Beune). Les gisements préhistoriques y sont légion, mais c’est au château de Commarque qu’il faut accorder la priorité. On devrait plutôt parler de castrum, puisque le site réunit un donjon, un logis, une chapelle et des maisons-tours. Hubert de Commarque qui, à partir de 1962, a relevé les ruines de ses ancêtres, doit être salué : la visite de son château est l’une des plus spectaculaires de la vallée. On n’oublie pas de sitôt le panorama sur la Beune depuis le sommet du donjon.
Reignac et La Roque, accrochés à la falaise
De retour dans la vallée de la Vézère, il faut choisir : la maison forte de Reignac, encastrée dans la roche ; ou La Roque- Saint-Christophe, falaise jadis habitée d’un kilomètre de long (le record en Europe !), surplombant la route et la rivière. Chacun des sites montre, à sa façon, comment l’homme a transformé un abri troglodytique en château confortable ou en forteresse inexpugnable.
Montignac, un si joli visage
Au village du Moustier, une route grimpe jusqu’à la côte de Jor, offrant une vue splendide sur la vallée de la Vézère, festonnée d’arbres. De Thonac, la D706 file vers Montignac. C’est là que furent découvertes les grottes ornées, dont celle de Lascaux. Il serait dommage d’oublier le bourg, qui présente un joli visage de part et d’autre de la rivière. D’un côté, le charme des maisons à pans de bois de la rue de la Pègerie et l’église Saint-Georges (XIVe siècle). De l’autre, l’élégance de la place d’Armes, bordée de demeures en pierre blonde et à colombages.
Losse et Saint-Léon, le meilleur de la vallée
Nous conseillons ensuite de suivre la D65, qui redescend la Vézère, jusqu’au château de Losse. Seule la lumière matinale sait éclairer comme ils le méritent son logis Renaissance et sa tour ronde fortifiée. Peintres, à vos chevalets ! Notre balade se termine à Saint-Léon-sur-Vézère. Ce village enchanteur concentre le meilleur de la vallée : l’église romane Saint-Léonce (XIIe siècle), coiffée de lauze du Périgord et ses fresques à demi effacées superposant les époques, le manoir de la Salle au puissant donjon (XIVe siècle), le château de Clérans, digne d’un conte de fées, des ruelles à la végétation luxuriante, des saules pleureurs penchés sur la Vézère…