Cathédrale russe de Paris, un imbroglio orthodoxe
A peine venait-on de fêter le 150e anniversaire de la cathédrale russe de la rue Daru, en 2012, qu’un projet architectural visant à édifier une nouvelle église orthodoxe dans le VIIe arrondissement de Paris soulève les polémiques.
L'histoire de la cathédrale
Les Russes blancs, c’est bien connu, ont tous été modistes ou chauffeurs de taxi. Combien de grands-ducs, arrivés à Paris au lendemain de la Révolution, ont-ils dû troquer leur fastueuse existence pétersbourgeoise contre le quotidien d’un chauffeur de la G7 ? Contraints à abandonner leur palais, leur isba, leur voiture à cheval et leur chapka, ils s’accrochaient au moins à une chose : leur foi.
Le tableau est bien sûr partiel car les Russes blancs immigrés en France – on en compte quelque 50 000 à Paris au début des années 1920 – n’étaient qu’en minorité de souche aristocratique. Mais la plupart, riches et pauvres, apportaient dans leurs valises une icône, une gravure pieuse ou encore une croix… Ce qui explique que les églises orthodoxes aient prospéré dans leur sillage.
Il est vrai que les plus importantes existaient déjà, reliquat des excellentes relations diplomatiques maintenues au XIXe siècle et des besoins de la communauté de la Côte d’Azur. À Nice, les villégiateurs se multiplient après la guerre de Crimée. Dans le Guide des Russes en France, Raymond de Ponfilly mentionne ce chiffre étonnant : 2 500 Russes ont séjourné plus de deux mois à Nice pendant l’hiver 1880-1881 !
Pour prier, ils disposaient de l’une des plus anciennes églises russes établies en France, celle dédiée à saint Nicolas le Thaumaturge, dont la première pierre fut posée le 14 décembre 1858 par le grand-duc Constantin. Soit une primauté de quelques mois sur la même cérémonie (le 6 mars 1859) à la cathédrale parisienne de la rue Daru…
La capitale, dans laquelle une mission diplomatique permanente russe était établie depuis 1717 grâce à Pierre le Grand, avait déjà son église, mais il lui en fallait une plus spectaculaire ! Les travaux de restauration à Constantinople avaient attiré l’attention sur Sainte-Sophie et c’est donc sur un modèle hybride, russo-byzantin, que s’éleva la nouvelle cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky.
En 1861, elle est inaugurée avec ses coupoles en pyramide et ses petits bulbes dorés, qui en feront un repère emblématique (classé monument historique en 1981). En juin 1867, l’empereur Alexandre II s’y recueille. Le coeur encore battant, il promet le don d’une icône remarquable. C’est qu’il vient d’échapper à un attentat au bois de Boulogne… Ce jour-là, sous la voûte, c’est une impressionnante concentration de têtes couronnées : il y a Alexandre II et son épouse Marie, Napoléon III et Eugénie, deux grands-ducs, une grande-duchesse, le roi de Prusse Guillaume Ier, et même Bismarck !