
Admirablement situé au croisement des trois anciennes provinces du Quercy, du Rouergue et de l'Albigeois, Saint-Antonin-Noble-Val s'est développé sur la rive droite de l'Aveyron, là où ses gorges s'élargissent.
Le dimanche, c'est sacré
Le dimanche, si tous ne se ruent pas forcément à la messe, c'est sous les arcades de la halle qu'ils jouent à se pousser du coude. Objectif : faire le marché, soit communier avec les forces vives d'une village qui n'en manque pas. Ici s'expriment toutes les saveurs et les odeurs du grand verge du Midi, pays de cocagne où, sur les étals, les fragrances sucrées des grappes de chasselas, des melons lectourois, des reines-claudres quercynoises, des cerises, pêches, pruneaux... voisinent avec l'agneau fermier du Quercy, les cabécous, les pastis, les gâteaux à la broche...

Que faites-vous dimanche, entre 9 heures et 13 heures? Si vous êtes saint-antoninois, la question ne se pose pas : vous allez au marché !
À voir, humer, goûter cette manne issue des terroirs, on saisit pourquoi Les Recettes du bon- heur ont trouvé leur terre d'adoption. Aux terrasses des cafés déployées autour de la halle, on en parle encore. Mais de quoi donc ? Du film, parbleu !
Un américain à Saint-Antonin
L'année passée, Saint-Antonin-Noble-Val s'est retrouvé sous les sunlights du 7e Art. Monsieur Steven Spielberg en personne a traversé l'Atlantique pour planter le décor de sa production dans les rues et les places de ce village, pépite de la rive droite de l'Aveyron. Pour lui, un Américain assez fin connaisseur de la France, ses Recettes du bonheur ne pouvaient que s'épanouir ici-bas. Et nombre de Saint-Antoninois ne sont pas peu fiers d'avoir « fait le figurant ». Le propos du film, de Lasse Halström, peut sommairement se résumer à comment les bons produits nourriciers de la terre et la cuisine peuvent rassembler les êtres.

L'église de Saint-Antonin se fond parfaitement dans ce décors d'exception.
À Saint-Antonin, on ne se régale pas seulement des nourritures terrestres. Les plaisirs de l'esprit se logent dans un patrimoine bâti, témoignage d'une cité médiévale qui a survécu aux coups de sort de l'histoire. De l'antique bourgade Nobilis Vallis au XVIe siècle, la cité bénéficia de l'apport de personnages de pouvoir qui lui assurèrent une prospérité économique et un dynamisme intellectuel enviés.

Le pont de Saint-Atonin était le seul point de traversée de la rivière entre Moissac et Villefranche du Rouerguen au XIIe siècle. Un début d'explication à l'activité économique florissante du village ? Mais ce pont en bois fut détruit et remplacé par celui-ci, en pierre, sans doute au XIVe siècle.
La guerre de Cent Ans viendra rompre l'âge d'or de Saint-Antonin-Noble-Val. Les habitants firent alors un temps ami-ami avec les Anglais, minimisant ainsi les destructions. Les guerres de Religion infligeront les plus dures épreuves au village. En effet, séduits par les idées religieuses nouvelles, comme ils le furent par le catharisme, les Saint-Antoninois soutinrent la cause protestante.
Maison de l'amour, maison du repentir
Sur la place se dresse la Maison romane, l'un des joyaux architecturaaux de la cité. Érigée à partir de 1120, cette noble demeure eut pour commanditaire le vicomte de Saint-Antonin, Archambaud. Elle est ensuite acquise par les consuls en 1312 et servit de maison commune. Ce rare exemple d'un édifice civil roman va connaître, entre 1846 et 1853, une profonde restauration sous la houlette d'Eugène Viollet-le-Duc. Son tour de force : l'élévation d'un beffroi carré surmonté d'une loggia d'inspiration florentine.

En haut à droite, le beffroi de la Maison romane du XIIe siècle, émerge des toits de tuiles brunes. Ce « périscope » est une création de Viollet-le-Duc, au XIXe siècle.
Au-dessus des grandes arcades inférieures court une galerie à colonnettes et des trumeaux sculptés, dont l'un porte les figures en bas-relief d'Adam et Ève. Pour trouver l'hôtel de ville actuel, rendez-vous à l'ancien couvent des cha- noines génovéfains, du nom de la congrégation de Sainte-Geneviève de Paris. L'édifice du XVIIIe siècle est d'un style néoclassique. De la place bordée de maisons du Moyen Âge et de la Renaissance, musardez au gré des vieilles rues. La plus sinueuse porte un nom étonnant : la rue Bombe-Cul. Dans la rue Droite, la maison de l'Amour (fin XVe siècle) est ainsi dénommée en raison d'une sculpture ornant la clef de voûte de l'arcade principale : le couple de propriétaires se donne un baiser. Plus loin, c'est la maison du Repentir qui offre une représentation inverse, avec deux visages se détournant l'un de l'autre.

Voici les halles du village. C'est sous cette arcade que le marché à lieu tous les dimanches.
Rue de la Grande-Boucherie se situe la maison du Roy et rue del Pébré, la maison de l'Ave Maria. Place du Bessarel, ouverte suite à la crue catastro- phique de 1930, remarquez les anciennes tanneries alignées le long du canal intérieur dérivé de la Bonnette. Elles rappellent que ce quartier était celui des tanneurs et des cloutiers. Le tannage des peaux, particulièrement de veau, a fait la fortune et la réputation de cette industrie aux XIIIe et XIVe siècles. Un peu plus loin, rue du Pont-des-Vierges, un ancien moulin à huile de noix, mû par la force hydraulique, est toujours en état de fonctionnement, il peut se visiter à l'occasion de la Journée des moulins (juin) et de la Fête des battages (août).