Limoges, au pays de l'or blanc

La cathédrale Saint-Étienne de Limoges est la principale église de Limoges et le siège de l'évêché de Limoges. La cathédrale gothique Saint-Étienne de Limoges. - © Philippe Roy / Détours en France

Publié le par Vincent Noyoux

La porcelaine fait son retour en force à Limoges ! Après avoir fait les grandes heures de la ville dans le registre des arts de la table, elle retrouve une seconde jeunesse sous les doigts d’une nouvelle génération de créateurs et même d’urbanistes. De manufacture en atelier d’artistes, balade limougeaude sous le signe des arts du feu. 

L'essentiel

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  • De la fontaine de l’hôtel de ville aux bancs contemporains, la porcelaine est partout à Limoges : une trentaine d’œuvres signées de designers jalonnent la ville, témoignant d’un riche savoir-faire.
  • L’histoire de la porcelaine limougeaude, née en 1768 grâce au kaolin, s’explore au four des Casseaux, seul four traditionnel conservé, ou encore au musée Adrien-Dubouché, qui expose 18 000 pièces.
  • Aujourd’hui, artistes et manufactures comme Bernardaud ou Non Sans Raison réinventent cet « or blanc » avec des créations modernes et audacieuses, mêlant design, art contemporain et tradition.

Un visiteur distrait pourrait traverser Limoges sans voir un carreau de porcelaine. Pourtant cette céramique fine et translucide qui a fait la renommée de la ville est partout présente. Il suffit d’ouvrir l’œil ! La fontaine de l’hôtel de Ville, la première de France à intégrer la porcelaine (1893), présente de belles vasques de la manufacture Guérin, qui montrait ainsi son savoir-faire (on lui doit aussi les céramiques des halles centrales). Des bancs de porcelaine très contemporains en forme de molaire, conçus par la manufacture Arquié, ont été ajoutés autour de la fontaine. Sur la place de la République, les assises des bacs à arbres sont du même matériau. Et des fragments de porcelaine photosensibles rendent la place légèrement phosphorescente le soir. Sur le parvis de la cathédrale gothique Saint-Étienne et dans les jardins de l’Évêché, des assises de banc et des vases sont en « bleu de four », un émail au bleu de cobalt, très profond. La ville compte ainsi une trentaine de pièces de céramique, signées du designer Florian Brillet et de l’artiste plasticien Nicolas Lelièvre. Ce jalonnement céramique rend hommage à la tradition porcelainière limougeaude.

L’hôtel de Ville néo-Renaissance de la fin du XIXe siècle, face à la fontaine en bronze, porcelaine et granit créée en 1893 par l’architecte Charles Genuys.
L’hôtel de Ville néo-Renaissance de la fin du XIXe siècle, face à la fontaine en bronze, porcelaine et granit créée en 1893 par l’architecte Charles Genuys. © Philippe Roy / Détours en France
La rue de la Boucherie se distingue par ses typiques maisons à pans de bois.
La rue de la Boucherie se distingue par ses typiques maisons à pans de bois. © Philippe Roy / Détours en France

La mémoire d’un four

La ville doit tout ou presque à cette céramique. En 1768, la découverte de kaolin près de Limoges donne naissance à l’industrie porcelainière. Au début du XIXe siècle, les industries textiles et porcelainières s’installent sur les bords de la Vienne qui leur fournit la force hydraulique et le bois livré par flottage. C’est ce qu’on apprend au four des Casseaux, qui présente l’histoire de cette industrie. « Des neuf fours qui cuisaient la porcelaine autrefois, un seul a été sauvé de la destruction », explique Thomas Hirat, le passionné (et passionnant) directeur des lieux. Ce gigantesque four rond à flamme renversée trône au cœur d’une cathédrale de brique à la belle charpente métallique. Rien n’a changé depuis l’époque où les hommes de four en contrôlaient la température en observant la couleur du feu à l’œil nu. « En 1900, 12 000 per sonnes travaillaient dans les 55 usines et ateliers de la ville. Notre four a fonctionné jusqu’en 1957, jusqu’à ce que le gaz remplace tout ça. » Cette époque est bien révolue, mais la mémoire de ce riche passé perdure : « on a sauvé de la destruction un vieux four de la manufacture Haviland, encore plus grand que le nôtre. Il ouvrira à l’été 2025 », annonce Thomas Hirat.

Le niveau supérieur du four des Casseaux (1900), ancien four à porcelaine cylindrique, de près de 8 mètres de diamètre, utilisé jusqu’aux années 1950.
Le niveau supérieur du four des Casseaux (1900), ancien four à porcelaine cylindrique, de près de 8 mètres de diamètre, utilisé jusqu’aux années 1950. © Philippe Roy / Détours en France
On peut visiter cette pièce exceptionnelle (ci-dessous) classée au titre des monuments historiques sur la liste de 1987 et le musée qui lui est dédié, rue Victor-Duruy.
On peut visiter cette pièce exceptionnelle (ci-dessous) classée au titre des monuments historiques sur la liste de 1987 et le musée qui lui est dédié, rue Victor-Duruy. © Philippe Roy / Détours en France

Une porcelaine dépoussiérée

rtère commerciale du vieux-Limoges, laruedela Boucherie, avec ses petits immeubles à colombages, regorge de bonnes tables, de cafés et de jolies boutiques.
rtère commerciale du vieux-Limoges, laruedela Boucherie, avec ses petits immeubles à colombages, regorge de bonnes tables, de cafés et de jolies boutiques. © Philippe Roy / Détours en France

Le passé porcelainier limougeaud se lit sur les plaques décoratives du grand cimetière de Louyat et jusque dans le pavement de la charmante cour du Temple. Placées sur la tranche, des gazettes, briques en terre réfractaire utilisées dans les fours pour protéger les pièces, trouvent ici une seconde vie. Saviez-vous qu’il existe ici un « boulevard de la porcelaine » ? Les boutiques spécialisées dans les arts de la table se succédaient autrefois le long du boulevard Louis-Blanc. La Maison Lachaniette y présente encore les productions des manufactures et ateliers de Limoges : Bernardaud, Haviland, Coquet, Manufacture Royale... Meublée à la façon d’une demeure bourgeoise, la boutique se visite comme une caverne d’Ali Baba. On y trouve même des pièces très rares, issues de la collection de la famille Lachaniette, comme une tasse à café Arman ou un vase Sonia Delaunay.  

Assez flâné dans les rues ? Alors cap sur le Musée national Adrien-Dubouché. Créé en 1845, il possède la plus importante collection publique du monde de porcelaine de Limoges : près de 18 000 pièces, dont 6 000 en vitrine. La muséographie inventive du bâtiment met en valeur avec élégance la céramique sous toutes ses formes : antique (cratères grecs), classique (service « grains de riz » dans le salon d’honneur), ultraréaliste (voyez le Bob’s bag, de Marilyn Levine ou les Balloons, de Jeff Koons). On en ressort avec la conviction que la porcelaine est entrée dans l’ère moderne.

le musée des Beaux-Arts installé dans l’ancien palais épiscopal du xviiie siècle, bordé par un jardin botanique et, en arrière-plan, la tour-clocher de la cathédrale Saint-Étienne (xiiie-xixe siècle).
Le musée des Beaux-Arts installé dans l’ancien palais épiscopal du XVIIIe siècle, bordé par un jardin botanique et, en arrière-plan, la tour-clocher de la cathédrale Saint-Étienne (XIIIe-XIXe siècle). © Musée national Adrien-Dubouché.
Le hall du Musée national Adrien-Dubouché, dédié à la porcelaine de Limoges, ouvert depuis 1845.
Le hall du Musée national Adrien-Dubouché, dédié à la porcelaine de Limoges, ouvert depuis 1845. © Philippe Roy / Détours en France

« Les services à 72 pièces, c’est fini ! », confirme Martial Dumas, de l’atelier Non Sans Raison, près de la gare. « À la fin des années 2000, la porcelaine s’endormait à Limoges. On a décidé de produire moins, mais mieux, en choisissant des décors contemporains et intemporels. Nos collaborations avec des artistes intéressent les nouvelles générations. Notre porcelaine veut avoir sa place dans un concept-store, au même titre qu’un objet design. » Pari réussi pour cet atelier qui distribue sa production chez Colette ou au Bon Marché. Son best-seller : le vaisselier mural qu’on peut accrocher et décrocher grâce à un système d’aimants.

Kaolin et art contemporain

Non loin de là, Marie-Anne Saint-Hubert, alias MASH Design, fait aussi valser les lignes de la porcelaine. « Il faut sortir du moule, c’est le cas de le dire ! J’ai découvert la magie de cet or blanc et je reste éblouie par l’excellence du geste des grands artisans », dit-elle. Ses créations mêlent poésie, humour et kaolin : tasse rocking-chair, assiette-main en forme de coquillage, vase-bouche. « Je teins la porcelaine dans la masse, ce qui est très mal vu à Limoges ! », pouffe-t-elle. On ne lui en tient pas tant rigueur puisque certaines de ses créations, produites en petites séries, sont en vente à la boutique du musée Adrien-Dubouché.

Manufacture de porcelaine en renaissance 

Le réveil de la porcelaine n’aurait pas été possible sans la manufacture Bernardaud. Celle-ci a su faire appel à des artistes de renom pour renouveler ses collections : les frères Campana, Jeff Koons, Alberola, JR... La manufacture qu’on visite occupe l’ancien bâtiment d’origine, qui semble sortir tout droit du XIXe siècle. Derrière une vitrine, designers et modeleurs sont au travail car la conception et la décoration se font encore ici. Coulage, calibrage, garnissage, émaillage, cuisson, choisissage, décoration... on ne perd rien des étapes de fabrication. Chaque été, la Fondation Bernardaud présente les œuvres en céramique (terre cuite, grès, faïence et porcelaine) d’artistes internationaux. Le long du four tunnel de 35 mètres de long, la porcelaine se fait vase éclaté, pâte colorée, trompe-l’œil. Définitivement loin des services de grand-mère !

Sources

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