Calanche de Piana : le paradis de porphyre rouge
On comprend que l’Unesco ait inscrit ce site au patrimoine mondial ! Sur la côte sud du golfe de Porto, tout dépasse l’entendement : la hauteur et la verticalité des falaises, le dessin des rochers travaillés par l’érosion, leurs couleurs qui évoluent au fil des heures… Mais découvrir les lieux ainsi qu’ils le méritent n’est pas si simple ; cela exige de marcher pour ainsi dire entre ciel et mer.
De la Côte des Calanche, qui s’étend de Piana à Porto, la plupart des visiteurs ne connaissent que la route de corniche embouteillée par les autocars de tourisme. Et les difficultés de stationnement à proximité de cette boutique de souvenirs dont la terrasse offre les points de vue les plus évidents sur les rochers de granit rose que des siècles de vents fous ont patiemment sculptés… jusqu’à les effacer. Éole, en artiste dément, a reproduit dans le roc des griffons, des anges ailés… Ici, vous reconnaissez une tête d’Indien, là celle d’un évêque, tandis que vous entendez les guides des voyages organisés montrer l’Aigle, la scène de la Confession et nombre d’autres créations naturelles plus ou moins identifables. C’est tout simplement bluffant, mais il y a mieux encore à voir.
Pour cela, il faudra vous aventurer par les sentiers qui se faufilent sur les contreforts des Calanche, à partir de la route. Ne partez pas au hasard : vous auriez toutes les chances de vous égarer au milieu des rochers et du maquis. Surtout ne suivez pas les cairns édifiés ici et là : ces petits tas de cailloux, dressés par des centaines d'aventuriers amateurs différents, constituent un très efficace système à tourner en rond ! Retenez donc cet itinéraire plus sûr : en arrivant de Piana, on trouve le départ d’un bon itinéraire dans le premier virage en épingle à cheveux situé après la boutique de souvenirs. On peut généralement s’y garer. Le sentier s’élève au-dessus de la route, pas toujours évident : en cas de doute, retenez que vous devez toujours vous tenir sur la droite de l’éperon rocheux qui vous domine. Vous arriverez ainsi en face d’une masse de granit en forme de château fort, tandis qu’une vue parfaite se dégage sur le golfe de Porto et ses eaux propices à la plongée. Ce sentier vous ramène sur la route, aussi préférerez-vous prendre le même chemin pour le retour.
Vous avez découvert là les Calanche sous leur aspect le plus pittoresque. Pour en connaître maintenant le panorama le plus vertigineux (mais sans le moindre risque), nous vous suggérons de vous rendre au cap qui marque l’extrémité sud du golfe de Porto, et de gravir le Capo Rosso au sommet duquel se dresse la tour de Turghiu. Il vous faudra compter une heure de marche entre la route et le cap, par un large sentier, puis une heure pour atteindre la tour génoise par un sentier et une trace aménagée dans le rocher, bien visible. La tour a été restaurée, un escalier intérieur menant à la terrasse où la vue est grandiose. En effet, le sommet de la tour se trouve à 300 mètres au-dessus de la mer, et un peu au large par rapport aux falaises. C’est donc le meilleur site pour contempler les plis du rideau géant qu’elles dessinent sur une douzaine de kilomètres, jusqu’à Piana.
L’idéal est de venir ici en fn d’après-midi. Tant que la lumière reste forte, repérez, parmi les pitons et contreforts au pied de la falaise, des tas de branchages d’un diamètre de plusieurs mètres : ce sont des aires de balbuzards, dits aussi « aigles pêcheurs » : un grand rapace qui se nourrit de poissons ! Comme arrive le soir, au fur et à mesure que le soleil baisse, la falaise se teinte de rouge sang. Dans le même temps, dans le golfe de Porto, le bleu profond, typique de la mer Méditerranée, vire au mauve violet : vous ne verrez qu’en Corse et dans les îles Cyclades la mer « couleur lie-de-vin », comme écrivait Homère dans l’Odyssée. Mais surtout, ne vous attardez pas trop sur la terrasse ! Mieux vaut profter des dernières lueurs du jour pour descendre de la tour et retrouver le chemin du parking avant la nuit complète.
Les tours génoises
À l’époque où la Corse, profitable colonie de Gênes, attirait les raids barbaresques, un système de défense très efficace fut mis au point. Afin de pouvoir contre-attaquer à la moindre alerte, 85 tours de guet furent construites sur les côtes (500 kilomètres !), chaque poste se trouvant en vue de ses deux voisins. Dès qu’une flottille suspecte apparaissait à l’horizon, l’alerte passait de tour en tour : en moins d’une heure, le littoral corse tout entier était au courant de l’imminence d’un débarquement ! Toutes les tours présentent la même forme tronconique, avec une base d’une quinzaine de mètres et une porte située à plusieurs mètres au-dessus du sol et accessible par une simple échelle. La tour sur la pointe de Turghiu (1608) est la plus haut perchée de l’île à 330 mètres d’altitude.