Brézé, le château aux deux visages
Il y a le château de surface… et l’autre. Au coeur de l’Anjou et du pays des troglodytes, Brézé est sans doute le plus insolite des châteaux de la Loire, avec son exceptionnel réseau de galeries souterraines.
Des arbres, une mer de vignes, la blancheur du tufeau : Brézé a toute l’élégance d’un château de la Loire. Mais ce qui fait sa singularité ne se voit pas, du moins au premier coup d’oeil !
Un château d'exception
Commençons par la visite « classique » : deux ailes renaissance qui encadrent une galerie reconstruite au XIXe siècle, à la place d’un ancien mur d’enceinte. L’ensemble a appartenu au Grand Condé, avant de tomber dans la corbeille de la famille de Dreux-Brézé, puis aujourd’hui des descendants de Colbert.
Parmi les ancêtres, citons Henri de Dreux-Brézé, que Louis XVI avait chargé de préparer les États généraux : c’est à lui que Mirabeau lança : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. »
Visite intérieure
L’intérieur ravira les amateurs de beau mobilier et de décor néogothique, comme celui de la salle à manger, réalisé par Charles Cicéri, célèbre décorateur de théâtres parisiens, désormais classée monument historique.
Tout aussi intéressants, les appartements privés, dont ceux de Pierre de Dreux-Brézé, évêque de Moulins, la cuisine et sa collection de cuivres, et la grande galerie, ancienne salle de réception, surveillée par les portraits.
Mais apprêtez-vous à découvrir plus extraordinaire. Retour à la cour intérieure : vous voyez cette humble porte en bois, à gauche de la tour ? Poussez-la : un escalier de pierre vous conduit sous l’édifice, dans ce qui n’est autre qu’un château souterrain !
Les souterrains
Des galeries, des salles troglodytiques, éclairées çà et là par des puits de lumière : un vrai labyrinthe ! Les premiers souterrains datent du IXe siècle : à l’époque, il n’y avait pas encore de château de surface. Mais les souterrains jouaient déjà un rôle défensif.
C’est au XVe siècle que le château souterrain commence à être aménagé, et il sera encore perfectionné au XVIIe. Vous voilà dans la cuisine, agrémentée de ses deux fours à pain et d’un plus petit, dit « à sucrerie » : il servait à cuire les gâteaux ! Une niche en hauteur, accessible par un petit escalier, nous suggère que le boulanger se reposait là, en attendant la cuisson de son pain.
Ici, un chemin de ronde souterrain, percé de meurtrières qui donnent sur les douves ; là un cellier, qui rappelle que les vins blancs de Brézé ont été de tout temps réputés. ajoutez des cachots, des écuries, un pont-levis souterrain, des silos, des glacières : tout a été conçu pour vivre ici en autarcie ! Les cinq grandes salles, qui sont aujourd’hui pressoir et cellier, ont ainsi abrité les troupes du Grand Condé, du temps où il habitait le château : 500 hommes tout de même !
Des facons vénérables

Dans les souterrains, vous aurez remarqué le pressoir et le cellier. Les vins de Brézé sont connus depuis le XVe siècle, particulièrement en blanc : un des cépages des vins de Loire, le chenin, était d’ailleurs appelé « vin de Brézé ».
Les rois des grandes cours d’Europe les appréciaient à leur table. Aujourd’hui, le domaine, classé en Saumur, produit du blanc, du rouge, du rosé, du brut et les plus belles cuvées proviennent de vieilles vignes.
Les anciennes écuries du château vous attendent pour une dégustation de vins pétillants.
Accessible par la cour intérieure, le château troglodytique donne aussi sur les douves, qui n’ont jamais été en eau. Elles sont impressionnantes : 18 mètres de hauteur, les plus profondes d’Europe ! Elles ont été creusées au XVe siècle, et les pierres extraites ont servi à la construction du château.
Du haut du pont-levis, vous aurez sur elles, une vue vertigineuse. et vous pourrez rêver aux souterrains qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets : on en connaît à l’heure actuelle 4 kilomètres – dont on ne visite qu’un tiers – mais il y en aurait plus du double !
- Domaine de Saint-Just / Château de Brézé - Voir la fiche