Marseille : le nouveau visage de la cité phocéenne
Marseille a changé de visage en quelques années. De la blafarde façade maritime de son port de commerce, elle a fait un immense lieu de vie, de rencontre, de culture. Cette nouvelle Marseille se découvre en prenant son temps, comme on le ferait dans une ville inconnue. Ensemble, revisitons la géographie urbaine de cette cité phocéenne qui avait hâte de se réinventer un quotidien, un avenir.
Entrepôts vides, friches ferroviaires à l’abandon, trafic automobile anarchique… l’état du quartier de la Joliette avant le début de sa rénovation dans le cadre du projet EuroMéditerranée. La façade maritime du port de commerce a totalement changé de visage en quelques années. Désormais, on se promène sur deux kilomètres et demi, du fort Saint-Jean au silo d’Arenc, avec la sensation de découvrir une autre ville.
Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, une réussite architecturale
Commençons par le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), le symbole de cette Marseille nouvelle… et sans doute sa plus belle réussite architecturale. Une superbe résille noire entoure l’édifice de Rudy Ricciotti. À l’ombre de ce treillis de béton, des passerelles font le tour du bâtiment, posé au bord d’un bassin. Le toit-terrasse offre une belle vue sur le palais du Pharo, le Panier, Notre-Dame-de-la-Garde et la tour du Fanal du fort Saint-Jean. Une passerelle de 115 mètres de long permet justement de rejoindre ce complexe militaire des XIIe et XVIIe siècles, vieille ruine jusqu’alors interdite au public. C’est à présent une charmante citadelle où l’on déambule librement de placettes en coursives, et d’espaces verts en bâtiments anciens reconvertis en lieux d’exposition. Au sommet de la tour du roi René, la vue sur le Vieux-Port, le Panier, le fort et le Pharo est encore plus belle. Marseille tient là son plus beau belvédère.
Un front de mer adopté par les Marseillais
Aussi blanche que le MuCEM est noir, la villa Méditerranée surprend avec sa silhouette futuriste. Un porte-à-faux de 40 mètres de long lui fait une curieuse visière, qui se reflète dans un bassin d’eau. La cathédrale de La Major toute proche semble faire la synthèse de ces deux bâtiments avec ses zébrures néobyzantines noir et blanc. L’édifice était autrefois pris dans un étau autoroutier entre l’entrée et la sortie de la ville. « On frôlait l’asphyxie. Supprimer l’autoroute et libérer la zone portuaire autour du MuCEM a permis aux Marseillais de se réapproprier cette partie de la ville, qui leur était interdite. Il faut se souvenir que des grilles fermaient l’accès au port autonome. Personne ne venait jamais ici ! », explique l’architecte Corinne Vezzoni. Sous la cathédrale, les voûtes de La Major abritaient autrefois des entrepôts. Désormais, on vient y faire du shopping et se restaurer à la halle gourmande de 700 mètres carrés.
Le quartier de la Joliette transformé
À la tête de son petit restaurant de la rue de Mazenod, Nathalie Krug a vu, en dix ans, la transformation complète du quartier de la Joliette. « Lorsque je suis arrivée ici en 2005, j’étais la seule. Personne dans les rues, pas de tramway, mais des rats partout ! Le quartier a bien changé. Les Terrasses du Port font un très beau centre commercial, la place de la Joliette a été parfaitement refaite, le tramway est très agréable… Exploiter le littoral était une excellente idée. Les gens ont repris goût à Marseille dans la foulée de 2013, la balade dominicale ne se fait plus sur les plages du Prado mais entre les Terrasses et le MuCEM. » Reste à tenir sur la durée. « La Joliette vit très bien le jour, mais manque encore de vie le soir. Pour l’heure, on ne sent pas encore les retombées économiques. »
De l'autre côté du boulevard EuroMéditerranée
Plus loin, les Docks s’étirent sur 365 mètres de long et six étages de haut. Ces anciens lieux de stockage de marchandises, bâtis en pierre blanche, ont été transformés en bureaux. Des restaurants devraient s’y ajouter très prochainement. « Une vraie réussite de reconversion de site industriel », juge Corinne Vezzoni. De l’autre côté du boulevard EuroMéditerranée, on afflue en masse aux Terrasses du Port, tout nouveau centre commercial bâti sur le front de mer. Près de 200 commerces et points de restauration au-dessus du bassin de la Joliette ! La terrasse extérieure prend des airs de pont de paquebot avec son bastingage et ses transats. On y est d’ailleurs aux premières loges pour voir les ferries en partance pour la Corse et l’Afrique du Nord. À deux pas, le Silo vient provisoirement clore le nouveau front de mer. Cet ancien silo à céréales, un temps voué à la destruction, a finalement été reconverti en salle de spectacle. « Les silos étaient d’une puissance plastique folle, dommage qu’on les ait transpercés de toutes ces fenêtres», regrette simplement Corinne Vezzoni.
Le Frac, vue sur le boulevard de Dunkerque
Donnant sur le boulevard de Dunkerque, entièrement réaménagé et desservi par le tramway, le Frac (Fonds régional d’art contemporain) arbore une surprenante façade pixelisée en verre recyclé, imaginée par l’architecte japonais Kengo Kuma. En haut de la rue Pontevès, les anciens entrepôts Gondrand, reconnaissables à leurs toitures en dents de scie, ont été reconvertis en logements mêlant lofts, maisons et villas… Entre la gare Saint-Charles et la Joliette, le quartier de la Belle de Mai est aussi en pleine mutation. Les anciennes manufactures de tabac de la Seita ont été réhabilitées pour accueillir un vaste pôle multimédia et culturel. Juste à côté, des studios audiovisuels servent de lieu de tournage à Plus belle la vie, entre autres. Corinne Vezzoni a conçu le centre de conservation et de ressources du MuCEM, qui se tient à deux pas : un élégant monolithe de béton brut entaillé et excavé, aussi lumineux au soleil qu’un village des Cyclades grecques. Il faudrait encore parler de la place de la Joliette, rafraîchie et animée par ses terrasses de cafés, de la rue de la République et du boulevard EuroMéditerranée, fraîchement ravalés. Mais les urbanistes ont déjà la tête ailleurs. La seconde tranche d’EuroMed a commencé : 169 hectares vont être réhabilités sur la bande allant des Docks aux Arnavaux, presque en sortie de ville. Marseille continue sa mue.