Environ 300. C'est le nombre de traboules recensées à Lyon, réparties pour l'essentiel entre les quartiers du Vieux Lyon et de la Croix-Rousse. Une spécificité de l'histoire lyonnaise que l'on retrouve, dans une moindre mesure, à Mâcon et à Villefranche-sur-Saône. L'origine du nom proviendrait du latin trans ambulare (passer à travers). La fonction de ces passages est clairement établie : offrir des raccourcis à travers le bâti pour gagner au plus vite les rues inférieures, voire les rives de la Saône ou du Rhône. À l'origine, elles étaient utilisées par les travailleurs de la soie.
Dans le Vieux-Lyon

Le quartier du Vieux Lyon est le premier à avoir vu fleurir ces passages. À la Renaissance, la prospérité de la ville oblige à vite construire pour héberger de nouvelles populations et des activités. Sur la rive droite de la Saône, contrainte par la présence de la colline de Fourvière sur son flanc, on bâtit de nouveaux immeubles à l'arrière du front de rivière. Pas question de perdre de la place en traçant des ruelles perpendiculaires, l'espace est trop précieux ! On construit donc en bande continue et, pour faciliter l'accès à la Saône de ceux qui vivent derrière, on perce à travers le bâti des passages couverts. Ainsi naissent les traboules, corridors secrets et étroits qui se faufilent sous les étages et dévoilent courettes fermées, minuscules jardins, puits, couloirs sinueux et parfois de magnifiques escaliers à vis, des galeries à l'italienne et un statuaire. Ces passages s'ouvrent derrière de lourdes portes en bois et ressortent dans une rue inférieure, voire poursuivent leur chemin à boules, corridors secrets et étroits qui se faufile à travers l'îlot d'habitations suivant.
À la Croix-Rousse
Le principe est le même à la Croix-Rousse mais l'histoire est plus récente. Les pentes et le plateau de cette colline d'entre Saône et Rhône ont longtemps été le royaume de la soie. Aux premiers ateliers, aménagés sur les pentes, vont succéder ceux du plateau, édifiés aux XVIIIème et XIXème siècles dans de nouveaux immeubles plus hauts de plafond, conçus pour accueillir les métiers jacquards. Sur les pentes et le plateau exercent les canuts, les ouvriers de la soie. Une fois leur tissage achevé, ils doivent descendre leur ouvrage aux négociants soyeux, installés en bas de la colline. Pour faciliter ce transport et protéger les tissus des intempéries, des passages sont aménagés dans les immeubles des pentes. Ici, peu de détails d'architecture Renaissance mais des escaliers à plusieurs volets de marches – forte déclivité de la colline oblige ! –, des longs couloirs et des cours. Il y a environ 160 traboules sur les pentes de la Croix-Rousse. De pâtés d'immeubles en rues vite traversées, certaines permettaient de descendre quasiment en ligne droite depuis le haut de la Croix-Rousse jusqu'à la place des Terreaux, devant l'Hôtel de Ville.
Des secrets bien cachés

De nos jours, elles ont perdu en utilité – sauf pour les résidents de leurs immeubles – ce qu'elles ont gagné en réputation. Difficile en effet de venir à Lyon sans vouloir découvrir les traboules les plus célèbres. Si ces dernières restent ouvertes au public en journée et sont clairement référencées, la plupart des autres ont malheureusement été fermées par les propriétaires. Les raisons ? Protéger leur tranquillité, se prémunir contre le bruit, les incivilités ou les larcins… On ne saurait trop conseiller de se référer aux guides de voyage ou aux sites web spécialisés comme lyontraboules.net ou pour identifier celles qui sont encore ouvertes au-delà des « classiques ». Ou de faire appel aux services de guides conférenciers à travers les visites thématiques organisées par l'office de tourisme de Lyon. Une autre solution consiste à être matinal. À l'heure de la sortie des poubelles, du nettoyage des couloirs communs ou du passage du facteur, ces portes s'ouvrent l'espace de quelques minutes.
Les plus accessibles

En solo, on pourra facilement découvrir les plus célèbres. Dans le quartier de Saint-Jean, la plus connue est « la Longue Traboule ». Elle relie le 54, rue Saint-Jean, au 27, rue du Boeuf, en traversant trois cours et quatre ensembles d'immeubles. La traboule qui connecte le 27, rue Saint-Jean au 6, rue des Trois-Maries est aussi immanquable : joliment restaurée, elle se faufile à travers deux cours surmontées de splendides galeries Renaissance. Autre traboule fréquentée et aisément accessible : celle qui part du n° 2, place du Gouvernement, pour rejoindre la Saône au 10, quai Romain-Rolland. L'entrée sur la place était celle d'une hostellerie de voyageurs. Le corridor mène à une cour intérieure puis continue vers les berges de la rivière. Citons encore le passage « qui traboule » entre le 40, rue Saint-Jean et le 5, place Neuve-Saint-Jean et celui, plus secret, qui relie les 10 et 12, rue Saint-Georges, via un adorable petit jardin suspendu. Enfin, de l'aveu de beaucoup, la plus belle se trouve au n° 9, rue Saint-Jean : un couloir avec plafond à ogives conduit à une petite cour où se dresse un bel hôtel particulier Renaissance avec sa galerie d'arcades, avant de ressortir sur le quai Romain- Rolland. Certaines allées ne sont pas traversantes mais s'ouvrent sur des cours fermées remarquables : la plus emblématique est celle de la tour rose, au 16, rue du Boeuf. Dans la cour, la maison du Crible dévoile cette superbe et haute toure-scalier ajourée. À la Croix-Rousse, il est conseillé de dévaler les traboules depuis le plateau jusqu'aux Terreaux, plutôt que de les grimper. La plus iconique est sans conteste la cour des Voraces. Depuis la place Colbert, elle se glisse jusqu'à la rue Imbert-Colomès via un gigantesque escalier dévalant six étages. Elle a souvent servi de cadre à des tournages de films. Autres traboules réputées : celle qui réunit le 5, rue Royale au 3, quai Lassagne et au 2, rue de Provence, dotée d'un superbe escalier du xviie siècle et de sculptures ; celle entre le 5, rue Coustou et le 22, rue des Capucins, avec sa cour immense et son escalier en fer du xixe siècle ; celle à l'escalier carré du xviie siècle dominant une cour avec puits, ancien vestige du monastère des Feuillants, reliant le 4, rue de Thou, au 5, Petite rue des Feuillants. Parlons aussi de la traboule-escalier du 118, montée de la Grande-Côte, de celle située entre le 3, rue des Capucins, et le 6, rue Leynaud (avec son puits monumental), de la cour du Moirage… Beaucoup évoquent le temps de la Résistance et les allées et venues clandestines. Comme touriste, on posera un regard étonné sur ces passages cachés, au goût des secrets de l'enfance.
N'oubliez pas de visiter les traboules en silence et avec respect. Des gens habitent dans les logements qu'elles desservent et que leur accès résulte d'une convention passée entre la ville et les proriétaires d'immeuble.