Difficile d’établir un classement. À cause de sa pierre d’exception, chaque village semble toujours plus beau que le précédent. La faute à ce calcaire cuivré d’une douceur de miel et au soleil estival qui irradie les façades jusqu’à les rendre effervescentes. Si un terroir se prête à merveille à l’itinérance hasardeuse, c’est bien ce Sud Beaujolais. Au granit du nord se substitue ici le calcaire blond. Il a servi à bâtir maisons, églises, châteaux, chapelles... de tous ces bourgs qui surplombent les vallées et veillent sur les vignobles. Certes, ceux-là n’ont pas le prestige des appellations du nord mais ils sont tout de même en AOP beaujolais ou beaujolais-villages et sculptent le paysage de manière aussi harmonieuse que leurs voisins septentrionaux.
Un bourg romanesque

En venant de Beaujeu, au nord, on s’arrêtera à Vaux-en-Beaujolais. Village typique avec ses maisons étagées sur un coteau face aux vignes, il se distingue par son clocher de style clunisien et parce qu’il fut la source d’inspiration de l’écrivain lyonnais Gabriel Chevallier pour son roman Clochemerle, paru en 1934. Illustré plus tard par Albert Dubout, ce célèbre vaudeville a pris possession du village. Sur la place du Petit-Tertre, le mur de l’office de tourisme porte une fresque imagée à la gloire des personnages du livre : l’instituteur Tafardel, la baronne Courtebiche, le pharmacien Poilphard... nous invitant à visiter, en face, le musée Chevallier.
Petit cloître-musée clunisien

On trouve aussi Salles-Arbuissonnas, village de charme avec son petit cloître-musée clunisien, dominé par le clocher carré aux accents lombards de l’église. Le tout est en pierre dorée, ce fameux calcaire local teinté d’oxydes de fer. Le portail de l’église, du XIIe siècle, rivalise de finesse avec le cloître, de la même époque. Les sœurs bénédictines, longtemps hôtesses des lieux après les moines clunisiens ont marqué leur passage en élevant la porte gothique accolée à l’église (XVe siècle) puis, devenues chanoinesses-comtesses, en bâtissant leurs maisons dans la cour d’honneur du chapitre, derrière l’église (XVIIIe siècle).
Le coeur battant du Pays des pierres dorées

Plus au sud se déploie un bataillon de villages, cœur battant du pays des pierres dorées. Dominant la vallée de l’Azergues, le petit bourg de Ternand, prospère au Moyen-Âge sous l’administration des évêques de Lyon, en verrouillait l’accès grâce à son château (XIIe siècle) et à ses fortifications. Il reste quelques ruines médiévales, des ruelles tortueuses qui s’enroulent autour de l’église et de belles maisons à fenêtres à meneaux et ferronneries des XIVe et XVe siècles. À Oingt, de l’autre côté de la vallée de l’Azergues, on entre dans l’excellence de la pierre dorée. Perché sur un tertre, dominé par sa tour-donjon de 18 mètres et le corps massif de l’église Saint-Mathieu, ce bourg médiéval dense est le seul du Rhône classé parmi « les Plus Beaux Villages de France ». Village fortifié, on y pénètre par la porte de Nizy avant de s’égarer dans des ruelles pentues et des escaliers aux noms curieux (Tyre-Laine, Trayne-Cul...) bordés de demeures parfaitement restaurées – dont le logis seigneurial, hôte de l’office de tourisme. Pas de fils électriques, des boutiques d’art et des restaurants apprêtés, un petit chemin de ronde... autorisent à musarder en appréciant les points de vue sur les vignes et le bourg de plaine de Saint-Laurent-d’Oingt.
Bagnols, flamboyance magistrale

À Theizé, gros bourg viticole, le matin, le soleil éclaire de ses rayons ses bâtisses majeures : le château de Rochebonne, encadré de deux tours (XVII-XVIIIe) ; la vieille église, d’inspiration romane ; les maisons fortes ou à façades nobles... On dit que certaines d’entre elles auraient été bâties avec l’argent subtilisé à de riches Lyonnais réfugiés dans le bois d’Alix, à la Révolution. Passé le splendide pigeonnier octogonal planté dans une vigne, le château devenu hôtel de luxe, l’église au clocher massif et à tuiles vernissées, les maisons vigneronnes aux volets rouges rappellent que les carrières de Bagnols donnèrent du calcaire doré à des générations de tailleurs de pierre.
Deux villages en beauté

En se rapprochant de Lyon, il faut faire halte à Charnay et Châtillon. Gros bourg, le premier, est posé sur une ligne de crête dominant les vallées de l’Azergues et de la Saône. Quelques parcelles de vigne sont encore vendangées et une odeur de raisin fermenté flotte dans l’air. Dans un mouchoir de poche, se tiennent côte à côte le château-mairie aux fenêtres à meneaux et à tour panoramique, une ancienne maison forte du XIIIe siècle et l’église, de la même époque, remarquable par son clocher « toscan » et son insolite statue géante de Saint-Christophe. Le second village, posé sur une petite éminence castrale, se tapit sous son château médiéval. Escaliers, remparts, chapelle, maisons de caractère... toute la beauté spectaculaire des pierres dorées.