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Aux frontières médiévales du Limousin

Par Philippe Bourget

Entre Haute-Vienne, Dordogne et Corrèze, l’itinéraire Richard-Cœur-de-Lion sillonne les marges limousines, charentaises et périgourdines. De châteaux en places fortes, d’églises en prieurés, certains sites rappellent les combats du Moyen Âge entre les royaumes d’Angleterre et de France. Ils font ressurgir la mémoire de Richard Ier, dit Cœur de Lion, tué à Châlus en 1199 et fil rouge de ce parcours historique et champêtre.

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Le château de Rochechouart en Haute-Vienne
Le château de Rochechouart en Haute-Vienne, dans le Limousin historique, fut batî au XIIe siècle et modifié au XVe siècle. 

L’Histoire et ses grands personnages servent parfois d’alibi pour visiter un territoire à l’image indécise, comme ce bout de Haute-Vienne, placé aux marges de la Charente et de la Dordogne, au sud-ouest de Limoges. Limousine au cœur, charentaise à l’ouest, déjà périgourdine au sud, son identité flottante est heureusement fédérée par un personnage clé de l’Histoire de France, Richard Cœur de Lion. Si ce roi d’Angleterre, fils d’Henri II de Plantagenêt, n’a pas personnellement fréquenté les 23 sites qui jalonnent la route touristique (créée en 1984), il en est la ritournelle. Ne serait-ce que parce qu’il fut blessé mortellement à Châlus en 1199, en voulant reprendre cette place forte (et étape essentielle de l’itinéraire) à la vicomté de Limoges, alors ralliée au roi de France Philippe Auguste.

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Les seigneuries du Limousin : entre deux camps

Richard Cœur de Lion renvoie aux temps médiévaux des luttes entre la France et l’Angleterre. Le souverain naît en 1157 à Oxford, sous le nom de Richard Ier. Aliénor d’Aquitaine, sa mère, a épousé le roi d’Angleterre et l’alliance a fait basculer l’Aquitaine et le Poitou côté outre-Manche, ouvrant de longues hostilités avec le royaume de France. En 1169, Richard Ier est intronisé duc d’Aquitaine à Limoges puis, après la mort de son père en 1189, couronné roi d’Angleterre à Westminster. Le voilà donc en charge de défendre les terres de son royaume. Les seigneuries du Limousin se trouvent à l’interface des deux camps et n’ont de cesse de subir leur influence réciproque.

Pour se protéger des convoitises, elles se couvrent de châteaux forts, aux XIIe et XIIIe siècles. Châlus, Châlucet, Coussac-Bonneval, Lastours, Montbrun... : ces forteresses protègent des féodalités sur la « ligne de front », dont certaines changeront de camp au gré de leurs intérêts. Remaniés ou reconstruits, ces châteaux entre lesquels s’intercalent églises et prieurés forment, à l’image de la route Jacques-Cœur en Berry, un itinéraire touristique d’environ 200 km, le long de paysages vallonnés et verts. Une campagne aux paysages sans reliefs marquants, sauf à considérer l’enchaînement serein de prairies et de bois comme une image symbole de notre France rurale.

Le fief des Rochechouart 

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Le château de Rochechouard

La route démarre à Rochebrune, en Charente. La belle résidence-maison forte des princes de Chabanais (XIe siècle) a été transformée par les Rochechouart en château fort aux XIIIe et XIVe siècles, puis adaptée aux goûts de la Renaissance au XVIe siècle. Rochechouart signe justement l’entrée principale de l’itinéraire en Haute-Vienne. Après Saint-Junien et sa collégiale, dont le tombeau monumental sculpté (XIIe siècle) a peut-être été vu par Richard Cœur de Lion, cette ville perchée au-dessus de deux vallées a toujours été le fief des vicomtes locaux, les Rochechouart. Ils étaient opposés au comté d’Angoulême, tombé aux mains de Richard Cœur de Lion en 1176. Témoin de la puissance de la famille, le gigantesque château, au bord du promontoire, a été construit vers 990, transformé en château fort par Aymeric VI à la fin du XIIe siècle (seul reste le donjon) puis en demeure Renaissance à la fin du XVe siècle. Le territoire vicomtal, stabilisé dès le XIIIe siècle, formera la trame des limites actuelles entre la Haute-Vienne, la Charente et la Dordogne.

Aujourd’hui, le château abrite le musée départemental d’art contemporain, ainsi que le fonds de l’artiste dadaïste Raoul Hausmann. Le village et ses maisons de pierre, comme l’église au clocher tors, valent une petite balade en sortant du château. La route s’échappe ensuite dans la campagne profonde, vers Les Salles-Lavauguyon. Arrêt à l’église-prieuré Saint-Eutrope, dont la façade de type roman saintongeais et les fresques du XIIe siècle sont remarquables. Passés d’autres ruines et châteaux plus récents (Lavauguyon, Cromières, Brie), la route grimpe au Grand-Puyconnieux. À 498 m d’altitude, ce tertre offre une vue sur les collines boisées typiques de ce carrefour entre trois départements.

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Le château de Montbrun

L’étape suivante est Montbrun. Pause obligatoire devant la forteresse la plus esthétique du parcours, avec son avant-scène d’étang et de rivière. C’est l’un des rares exemples en France de château fort bâti dans une plaine marécageuse, et non sur un promontoire. Au Moyen Âge, il dépendait du comté du Poitou. Bâti au XIIe siècle par Aymeric Brun, reconstruit au XVe siècle après avoir été incendié, puis restauré après la Révolution, il conserve de jolies tours rondes dominées par le donjon originel de 35 m de haut des XIIe et XIIIe siècles. Lors de l’attaque de Châlus par Richard Cœur de Lion, l’un des défenseurs du site se nommait Pierre Brun, vraisemblablement apparenté à la famille de Montbrun.

Un tir d'arbalète fatal

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Le château de Châlus-Chabrol

Quelques kilomètres plus loin, voici donc Châlus, lieu de cette bataille durant laquelle Richard Cœur de Lion fut mortellement blessé par un carreau d’arbalète, en mars 1199. Le château de Châlus-Chabrol trône au sommet d’un éperon rocheux dominant le village et la rive gauche de la Tardoire. Édifié dès le XIe siècle par une lignée de seigneurs locaux, il devint un fief de la vicomté de Limoges. Le territoire était rattaché à l’Aquitaine et donc au royaume d’Angleterre mais, rebelle aux Plantagenêt, il attisait la révolte contre Richard Ier. De quoi rembrunir le personnage au tempérament impulsif et batailleur, plus guerrier que monarque – ses exactions lors des croisades le prouvent. Il leva ainsi une armée pour mater la rébellion de la vicomté. Périgord, Limousin... les forteresses furent assiégées. C’est en inspectant le siège du château de Châlus qu’il reçut un tir d’arbalète à l’épaule. Il mourut de la gangrène le 9 avril 1199.

De châteaux médiévaux... 

Enterré à l’abbaye de Fontevraud près de son père, son cœur fut envoyé à Rouen et ses entrailles enfouies dans la chapelle du château de Châlus-Chabrol. Après tant de siècles, il ne reste que d’infimes traces du bâtiment originel. Seuls demeurent des vestiges de la chapelle. Le château, rebâti au XIIIe siècle, restera rattaché à la vicomté de Limoges. Un dénommé Géraud de Maulmont, clerc du roi de France, en devint propriétaire. Il fit construire un second château (Châlus-Maulmont, vestiges dans le village) et fut à l’origine de celui de Châlucet.

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Le château de Lastours

Sur la route de ce dernier se trouve le château de Lastours. Cette ruine féodale évoque la puissance de la famille des chevaliers de Lastours, maîtres de la région durant huit siècles. Rattachés à la haute aristocratie limousine, ils s’illustreront lors de la mise en déroute des mercenaires de Richard Cœur de Lion à la bataille de Malemort, en 1177. Le château accueille de nombreuses animations aux beaux jours.

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Le château de Châlucet

Dominant les vallées de la Ligoure et de la Briance, Châlucet est un autre exemple de château médiéval du XIIe siècle. La visite vaut pour le site, perché dans la forêt et accessible à pied. Les ruines de la haute façade et l’imposante tour Jeannette rappellent l’importance de ses seigneuries, arcboutées à leurs privilèges et enclines à s’opposer à leurs suzerains, qu’ils soient de la vicomté de Limoges, poitevins, aquitains ou anglais.

... En trésors du patrimoine 

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L'église romane fortifiée de Chalard

Avant l'étape finale, un détour par les terres périgourdines s’impose. Sur la route, arrêt au Chalard, pour voir la superbe église romane limousine du XIe siècle et son cimetière des « moines artisans ». Une quarantaine de tombes de granit, du Moyen Âge au XVIe siècle, portent des sculptures d’outils artisanaux, haches, navettes de tisserands, tenailles, marteaux... Le Chalard a été fortifiée à la fin du XIIe siècle afin de se défendre, elle aussi, des attaques anglaises.

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Le château de Jumilhac en Dordogne

L’incursion en Dordogne permet de découvrir l’un des plus grandioses châteaux du Sud-Ouest, Jumilhac (XIIIe-XVIIe siècles). Au cœur du village, il impose ses impressionnantes tours et tourelles ornées de faîtières allégoriques, uniques en France. Retour en Haute-Vienne, pour découvrir Saint-Yrieix-la-Perche, connue pour ses produits de bouche (lire portrait p. 43) et pour son patrimoine médiéval. Si notre ami Richard vint un jour ici, il a pu voir la construction de la collégiale, entamée en 1180. L’édifice, voulu par Bernard de Comborn, issu d’une puissante famille alliée aux vicomtes de Limoges, fut achevé au XIVe siècle. Il était fortifié, comme le fut aussi la ville enserrée dans des remparts toujours visibles. Autre relique médiévale, la tour du Plô, vestige civil entouré de maisons, dont certaines sont à pans de bois. La bibliothèque abrite une bible du XIIe siècle aux belles enluminures. Ses pages ont peut-être été feuilletées par Richard Ier lors de ses incursions guerrières en Limousin.

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Le château de Bonneval

Encore un témoin de ces temps troublés : le château de Bonneval, à Coussac-Bonneval, forteresse attestée dès l’an 930 en tant qu’élément de la ligne de défense des vicomtes de Limoges. La bâtisse aux quatre belles tours fut reconstruite au XIVe siècle et remaniée au XVIIIe siècle. « Elle a toujours été rattachée à la monarchie française et propriété des Bonneval, sauf de 1370 à 1373. Les seigneurs d’alors avaient décidé de se rapprocher de l’Angleterre et le château a été spolié par le roi de France ! », rappelle Géraud de Bonneval, l’actuel propriétaire. Comme quoi, en ces temps troublés, il fallait y réfléchir à deux fois avant de choisir son camp...