L'UP#3

Auguste Perret a voulu doter Le Havre d’une artère rivalisant avec les Champs-Élysées. C’est l’avenue Foch qui débouche entre les immeubles de la porte Océane, face à la mer. Sur l’une de ces façades devait être accrochée UP#3, une grande structure imaginée par Sabina Lang et Daniel Baumann. Elle devait faire corps avec le béton de Perret, mais la greffe aurait pu fragiliser l’immeuble qui devait la soutenir. Finalement, le projet a été transformé et la sculpture déplacée sur la plage. Depuis, les Havrais ont renommé cette structure de béton blanc le « LH », comme les initiales de leur ville. En apprenant cette appropriation spontanée, les deux artistes se sont vite consolés de ne pas avoir pu faire aboutir le projet initial. Au Havre, UP#3 est depuis devenu le point de rendez-vous des bains maritimes.
Le Volcan de Niemeyer

Auguste Perret est l’architecte de la rectitude. Oscar Niemeyer, lui, ne jure que par la courbe. Et pourtant ces deux contraires s’épousent à merveille au Havre. Depuis 1982, le Volcan abrite l’une des plus importantes scènes nationales en France. À ses pieds, le Petit Volcan accueille, depuis 2015, la médiathèque municipale. Pas une bibliothèque lambda, car l’édifice, réorganisé par le cabinet Deshoulières et Jeanneau avec l’accord de l’architecte brésilien, est devenu un élément d’attractivité pour la ville, que les touristes en escale s’empressent de visiter.
Les immeubles Perret

Fondé par François Ier, Le Havre disparaît en 1944 sous 10 000 tonnes de bombes. Quelque 12 500 immeubles sont détruits et 80 000 sinistrés sont à reloger. Pour relever ce défi, le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme nomme l’architecte Auguste Perret. Celui-ci dessine un nouveau plan de ville et met en œuvre une technique qu’il maîtrise: le béton armé. Les premiers Isai (immeubles sans affectation individuelle) s’élèvent au sud de l’hôtel de ville. Perret conçoit ces îlots à partir d’éléments préfabriqués et développe une trame modulaire de 6,24 mètres. En se répétant à grande échelle sur 130 hectares, cette unité est à l’origine de la grande homogénéité du centre-ville.
Les jardins suspendus
Construit au XIXe siècle, l'ancien fort de Sainte-Adresse dominait le port pour le protéger. Lorsque l’armée s’en est dessaisie, il s’est vite transformé en zone de non-droit. Racheté par la ville en 2000 pour 1 euro symbolique, il s’est depuis inventé un nouveau destin. L’appel à projets pour en faire un jardin a été remporté par le paysagiste Samuel Craquelin, qui a créé quatre espaces sur les anciens bastions du fort. Au milieu des alvéoles, on découvre des serres dédiées aux collections de plantes tropicales, une salle d’exposition et la terrasse d’un bar-restaurant.
Le MuMa

Tout commence en 1845 avec un premier musée néoclassique et ses collections anciennes. Déjà tourné vers la mer et couvé par des notables ou des armateurs ce musée a très vite le désir de faire venir la peinture moderne au Havre. La donation Marande amorce ce mouvement, en 1936. Mais le vieux musée est détruit par les bombardements en 1944. Heureusement, les collections ont été mises à l’abri et, au début des années 1950, l’idée est de voir fleurir un peu partout des maisons de la Culture. En 1958, André Malraux inaugure cette belle boîte qu’on nommera le MuMa. Sa structure, très modulable, permet d’accueillir en un même lieu un maximum de manifestations et événements culturels. Au fil du temps, ces maisons vont redevenir soit des salles de concert, soit des musées, sauf au Havre qui perpétue cette vocation. Ici, les collections offertes à la lumière naturelle sont prestigieuses grâce au legs de Mme Raoul Dufy et à la donation Senn-Foulds. Notre coup de cœur ? Le fonds Boudin ou La Vague, de Courbet. Et si c’était plutôt le scintillement de la mer derrière les vitres sérigraphiées ?
La catène de containers
Le Havre a célébré les 500 ans de sa fondation par François Ier en 2017. Pour l’occasion, le festival Un été au Havre a été créé, mêlant événements populaires et création. Depuis, ce festival est reconduit chaque été et certaines œuvres installées deviennent pérennes. De ce fait, Le Havre s’est constitué une collection d’art contemporain à ciel ouvert. La plus emblématique est certainement la Catène de containers, conçue par Vincent Ganivet lors de la première édition. Cette œuvre, constituée de 36 conteneurs de 20 pieds, est devenue l’emblème de la ville et de son port.
Le Tetris

Le Havre s’identifie à deux symboles. Le béton et les conteneurs qui s’empilent sur les quais de Port 2000 (70 millions de tonnes par an). Avec ces matériaux emblématiques, les architectes Vincent Duteurtre et Laurent Martin ont construit le Tetris, lieu culturel de création du Havre. Pour des raisons évidentes d’acoustique, les deux salles de concert sont logées dans la partie maçonnée. Les loges, les bureaux, les espaces techniques ont trouvé leur place dans les boîtes en acier. Les deux modules sont rassemblés par une rue traversante, véritable colonne vertébrale qui débouche sur un grand café-restaurant. Le Tetris est géré par une association, la Papa’s Production, qui organise également deux événements : Exhibit !, un festival d'été consacré aux arts numériques, et le festival musical Ouest Park en octobre. Le Tetris est situé dans le fort de Tourneville au cœur d’une véritable ruche culturelle.
Monsieur Goéland

Si vous levez le nez vers les immeubles du centre-ville, vous croiserez sans doute le regard de personnages encastrés dans les façades préfabriquées. Ces personnages énigmatiques, sortes de passe-murailles observateurs, sont apparus lors de l’édition 2019 d’Un été au Havre. Un an après, Stephan Balkenhol récidivait en juchant, face au muséum d’Histoire naturelle, Monsieur Goéland.
L’appartement témoin

Au lendemain de la guerre, les sinistrés comprennent qu’ils ne retrouveront pas leur maison. Pour les inciter à s’installer dans les nouveaux immeubles, Perret aménage des appartements témoins. Ces logements tout confort sont modulables et sans murs porteurs. Les radiateurs deviennent inutiles car le chauffage à air pulsé descend du plafond. Les cuisines sont aménagées autour d’un ensemble Cepac facile à nettoyer. Quant aux meubles, conçus par le designer René Gabriel, ils rivalisent d’ingéniosité avec des systèmes gigognes adaptables à souhait. Mais c’est la salle de bains qui délivre un niveau de confort jusque-là inconnu, en intégrant la dernière innovation du moment : le bidet !
L’église Saint-Joseph

Chef-d’œuvre de Perret, ce phare de béton brut cache bien son jeu. À l’extérieur, une pyramide tronquée soutient le clocher-tour de 110 m, point culminant de la ville. À l’intérieur, même austérité. Le plan dessine une croix grecque de 40 m de côté. Et pour inonder de lumière l'édifice, Perret commande 12 720 pièces de verre soufflé et coloré à l'artiste Marguerite Huré. Perret signe avec Saint-Joseph un manifeste d’architecture sans oublier la dimension spirituelle du bâtiment.