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Capbreton au bord du gouf

L'estacade en bois et les phrase à l'entrée du port de Capbreton dans les Landes L'estacade en bois et les phrase à l'entrée du port de Capbreton dans les Landes - © Philippe Roy / Détours en France

Publié le par Sophie Denis

Séparé d’Hossegor par la passe du Boucarot et son prolongement, un canyon marin qu’ici on appelle le gouf, Capbreton marque la transition entre les longues plages landaises et le littoral basque plus rocheux. Seul port de pêche des Landes, il s’affirme aussi populaire et familial qu’Hossegor est chic et bourgeoise.

« Si Hossegor se voit, Capbreton se vit », a-t-on coutume de dire dans les Landes, de l’autre côté de la passe du Boucarot qui sépare les deux stations si proches et pourtant si différentes. Chauvins, les Capbretonnais ? L’Histoire leur donne raison, du moins sur l’ancienneté. Capbreton est l’aîné, et de plusieurs siècles, puisque déjà un port au XVe siècle alors qu’Hossegor n’existait pas encore. À l’époque, les marins chassaient la baleine, s’embarquaient pour Terre-Neuve ou allaient vendre leurs vins en Espagne et aux Pays-Bas : l’Adour avait choisi Capbreton comme embouchure, assurant sa prospérité. Un siècle plus tard pourtant, les Basques détournèrent le cours du fleuve au profit de Boucau, puis de Bayonne. Fini l’âge d’or de Capbreton, qui s’endort jusqu’à ce que Napoléon III décide du percement d’un canal pour alimenter en eau vive le lac d’Hossegor, ancien estuaire de l’Adour.

 

Vente au cul du bateau

Aurélien Sorin déchargeant les bacs de poisson de la pêche du jour à Capbreton
© Philippe Roy / Détours en France

Capbreton se vit ? Cela se vérifie le long des bassins de plaisance et de la passe du Boucarot. Le matin s’y tient le marché aux poissons, le long de l’avenue Pompidou, où la petite vingtaine de bateaux vient vendre en direct ses prises de la nuit. L’occasion d’y croiser Aurélien Sorin, propriétaire du Joker II, ancien mécanicien voiture reconverti dans la pêche depuis vingt-trois ans. « La vente au cul du bateau, sans passer par des intermédiaires, est autorisée chez nous depuis un décret de Colbert. » Une belle affaire donc pour les amateurs de poissons très frais, qui, selon la saison, achètent maigres, sols, anchois, barbues, seiches, maquereaux, thons rouges et germon. « Au nom de l’écologie, certains critiquent la pêche, mais il faut savoir qu’on est très réglementé; par exemple, pendant la saison du bar, pas plus de deux par pêcheur et par jour, avec une taille minimum imposée. » Pêche artisanale, donc, qui ne racle pas les fonds et respecte l’écosystème, qu’on se le dise ! Jeune chef du restaurant Le Goustut, qui propose essentiellement des produits de la mer, Charles vient faire son marché. « Ici, je mets mes papilles en appétit, je cherche des idées. Il y a un choix d’espèces incroyable, certaines un peu boudées par la clientèle, comme le chinchard. C’est très stimulant pour de nouvelles recettes. La raison d’une telle abondance? Le gouf, bien sûr! »

 

300 kilomètres de canyon sous-marin

Le bateau de l'association Apex Cetacea pour découvrir les cétacés du golfe de Gascogne
© Philippe Roy / Détours en France

Qu’est-ce que le gouf ? Très spécifique du Capbreton, ce canyon sous-marin démarre en face de la passe à 300 mètres du bord et file jusqu’à Santander (Espagne). Il mesure 300 kilomètres de long, pouvant aller jusqu’à 4500 mètres de profondeur. Une cicatrice dans le prolongement de la faille pyrénéenne, qu’on ne voit pas, mais dont on entend ici beaucoup parler. Un peu plus loin, sur le port de plaisance, quai de Bourret, un homme s’active sur un gros Zodiac. Clément Brouste est comportementaliste animalier, passionné par les cétacés du golfe de Gascogne. Avec son association, Apex Cetacea, il étudie pour les protéger les populations qui fréquentent les eaux du golfe. « Des dauphins, des globicéphales, mais aussi des baleines, à bec, à bosse, des rorquals, et même des orques. Des orques et des baleines, au large de Capbreton ? C’est grâce au gouf ! » Clément nous rappelle qu’ici, autrefois, on pêchait la baleine. Apex Cetacea organise des sorties d’observation pour des petits groupes. « On n’est pas Marineland. On laisse venir les animaux, et s’ils ne viennent pas, tant pis, ça fait partie du jeu. Notre objectif, c’est de sensibiliser les populations. » Capbreton ne se résume pas à son port. Un village ancien et discret se cache de l’autre côté du Boudigau, ce fleuve de poche qui se jette dans le port de plaisance et coupe la station en deux. Les quais et les ruelles, appelées balènes, portent des noms de marins d’autrefois. Dans la rue du Général-de-Gaulle, deux maisons à encorbellement et pans de bois (n° 48 et 56) racontent le vieux Capbreton, tout comme la maison du Rey, à l’angle de la rue du Prieuré et de l’avenue Jean- Lartigau, qui accueillit quelques nuits Henri de Navarre pas encore roi de France. Remaniée au XIXe siècle, l’église Saint-Nicolas n’a gardé de sa première construction qu’une porte gothique et une pietà polychrome du XVe siècle. Sa haute tour cylindrique servait d’amer aux marins.

 

Une identité plus disparate

La villa Les Tamaris à Capbreton dans les Landes
© Philippe Roy / Détours en France

Côté villas, Capbreton ne prétend pas rivaliser avec la coquette Hossegor. Pendant longtemps, ce patrimoine architectural n’intéressait guère. Aujourd’hui, les maisons et chalets remarquables ont été répertoriés, et non pas classés, afin d’éviter la destruction au profit de quelque programme immobilier trop gourmand. Il faut franchir le Boudigau pour aller en admirer quelques-unes en revenant vers le front de mer, dans les rues derrière la plage centrale. Ainsi la villa L’Oustalet, avenue Georges-Pompidou, bâtie en 1892 pour le père de l’artiste peintre régionaliste Suzanne Labatut. Rue des Basques, Nirvana, construite en 1907 pour un ingénieur du tunnel du Somport, arbore un air de chalet suisse. Rue du Port-d’Albret, l’ex-villa Marguerite, rebaptisée Les Tamaris, s’enorgueillit de sa belle façade toute en longueur dotée d’une galerie. Louis Gomez a commencé sa carrière sans son frère Benjamin en édifiant en 1907 rue de la Frégate le château d’Arbrun, maison de maître de style régionaliste, ébauche des belles villas hossegoriennes des années 1920. Pas question de quitter Capbreton sans une promenade sur l’estacade, cette jetée en bois longue de 200 mètres bâtie sous Napoléon III et dont les Capbretonnais sont si fiers. Le surf, la pêche, qui rythment la vie d’Hossegor et de Capbreton, doivent leur existence au gouf. Invisible sous les eaux qui scintillent, mais là et bien là.

Les dunes de la plage des Océanides à Capbreton dans les Landes.
© Philippe Roy / Détours en France

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