Vu du ciel, l'estuaire du Payré dessine un triangle aux contours fantaisistes, où les marais, les chenaux et les bois se mêlent intimement. La rivière prend sa source à 20 kilomètres dans les terres, dans le massif d’Avrillé. Puis elle glisse devant le château de Talmont-Saint- Hilaire et trace son chemin jusqu’au port ostréicole de la Guittière, avant de se jeter dans l’océan, sur la plage du Veillon. Un site naturel, géologique et historique exceptionnel, en lice pour devenir le premier Grand Site de France en Vendée...
Sur le chemin des dinosaures...

C’est sur le parking du chemin de la République, au bord de la plage du Veillon, que commence notre randonnée à la découverte de cet estuaire largement méconnu du grand public. Sur l’estran, découvert par la marée, nous attendent nos guides pour la journée : Jack Guichard et Didier Neault, tous deux membres de l’association Les Sentinelles de l’estuaire. Le premier est un biologiste réputé, qui fut directeur du Palais de la découverte, à Paris ; le second, garagiste à Talmont-Saint- Hilaire, est un enfant du pays, passionné par l’histoire de sa région. Avec ce duo de choc, on ne tarde pas à remonter très loin dans le temps. « Bienvenue sur le plus important gisement d’empreintes de dinosaures de France ! », lance Jack Guichard en pointant de drôles de traces griffues, profondément incrustées et fossilisées sur le platier rocheux en grès. Certaines mesurent jusqu’à 50 centimètres de long ! « Difficile à imaginer, mais il y a 200 millions d’années, au début du jurassique, des dinosaures se baladaient sur ce littoral vendéen, point de rencontre entre le Massif armoricain et le Bassin aquitain. Conservées pendant des millénaires sous des couches de sédiments, puis réapparues sous l’effet de l’érosion, les empreintes qu’ils ont laissées dans le sol vaseux de l’estran à Talmont-Saint-Hilaire ont été redécouvertes dans les années 1960. Les paléontologues en répertorient aujourd’hui plus de deux mille ! » Si les humains avaient vécu à l’époque, ils auraient ainsi croisé sur l’estran de grands prédateurs comme l’Eubrontes veillonensis, un saurien de 3 mètres de haut, mais aussi des Grallator ou des Talmontopus tersi, des espèces herbivores et piscicoles...
La ria en cinémascope
Longeant la plage, le GR côtier court sous la forêt de chênes verts, troncs noueux aux formes fantasmagoriques et feuillage sculpté « en drapeau » par les vents du large. Un décor féerique où l’on débusque des essences rares comme le daphné ou l’immortelle des dunes. Puis le paysage s’ouvre en cinémascope sur la ria du Payré, qui se jette dans l’océan : jeu mouvant des eaux couleur lagon, des langues de sable et des dunes blondes au pied des falaises... Mais pas question de tarder pour traverser la baie, car la marée montante recouvrira bientôt tout. Pieds nus, de l’eau jusqu’aux genoux, on coupe à travers les chenaux jusqu’au petit port de la Guittière, niché dans un méandre de la rivière.
Des cabanes aux toits de tuiles, des parcs à huîtres et des bassins alignés au bord de l’eau... Une quinzaine de producteurs officient dans cet ancien village de sauniers, où le mélange d’eaux douces et d’eaux salées est propice à l’élevage des huîtres « Vendée Atlantique ». Un arrêt sur la terrasse ombragée du vivier Guyau, pour déguster la spécialité « maison », la brune de casier au goût iodé, et nous voilà repartis vers les marais de la Guittière. Là se déploie un inextricable labyrinthe de bassins en cul-de-sac, sillonné de pistes et de passerelles. « Ces réservoirs à poissons, fermés par des “bornions” et alimentés aux grandes marées par l’eau de mer remontent au Moyen Âge, explique Didier Neault. Chaque année, l’anguille jaune d’Atlantique vient s’y réfugier avant de repartir pour traverser l’Atlantique et aller se reproduire dans la mer des Sargasses. Aujourd’hui encore, une centaine d’exploitants entretiennent les marais et pêchent l’anguille en hiver. »

Entre Talmont et Jars-sur-Mer
À 2 kilomètres de là, le village de Talmont-Saint-Hilaire se blottit au pied des ruines de son château, bâti il y a plus de mille ans. Au XIIe siècle, il était le fief du roi d’Angleterre Richard Cœur de Lion. « La mer venait alors jusqu’au pied de la forteresse, qui était le port principal de l’estuaire du Payré », reprend Didier Neault. Démantelé après le siège de La Rochelle, en 1627, le château ne dresse plus que son imposant donjon et une partie de ses murailles. Mais aux beaux jours, son parc accueille reconstitutions de tournois de chevalerie et spectacles de fauconnerie. Ce soir, nul doute que l’on rêvera de la ria du Payré au Clos de la Vinière, la jolie maison d’hôtes qui nous accueille côté jardin, entre Talmont et Jard-sur-Mer...