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Trois incontournables à voir dans la vallée du Lot

Saint-Cirq-Lapopie, village médiéval surplombant le Lot. Saint-Cirq-Lapopie, village médiéval surplombant le Lot. - © Bruno Morandi / Détours en France

Publié le par Tuul Morandi

Baignés de lumière, ses villages authentiques ont inspiré au fil des siècles de nombreux artistes. Pays d’esthète, la vallée du Lot recèle aussi un riche patrimoine géologique où grottes et gouffres plongent les visiteurs dans un passé préhistorique de plus de cinquante millions d’années.

Saint-Cirq-Lapopie, une terre d’artistes

Saint-Cirq-Lapopie, village médiéval surplombant le Lot et classé parmi Les Plus Beaux Villages de France.
© Bruno Morandi / Détours en France

Perchée sur une falaise calcaire de 100 mètres de haut, la cité médiévale de Saint-Cirq-Lapopie surplombe le Lot et sa vallée. Les Gaulois s’étaient installés ici pour son point de vue stratégique, mais le hameau actuel se forme à partir du XIe siècle autour de trois familles seigneuriales qui avaient choisi cet éperon élevé afin de contrôler le passage des bateaux sur la rivière. Ruelles pavées, maisons en pierre sèche, façades à pans de bois, fenêtres à colonnettes, toits pentus en tuile plate, portes fortifiées, arcades d’échoppes... et absence totale de fils électriques et d’antennes paraboliques. Tout semble s’être figé au Moyen Âge et aucun élément moderne ne vient perturber l’homogénéité de l’architecture, harmonie parfaite des matières et des couleurs dont la palette évolue d’un dégradé de brun à l’ocre chaud selon la lumière. Depuis le piton rocheux s’offre une vue époustouflante sur la vallée du Lot et ses falaises aux parois raides qui rougeoient au lever du soleil caressées par des lambeaux de nuages flottants. Est-ce pour ce spectacle permanent que Saint-Cirq-Lapopie est affectionné par les artistes ? André Breton, chef de file du surréalisme tombé amoureux du lieu, l’avait comparé à une « rose impossible », et le poète avait ici « cessé de se désirer ailleurs ». Après avoir découvert le village en 1950, il achète la plus ancienne bâtisse du bourg, l’Auberge des Mariniers, jadis fréquentée par des bateliers et marins, nombreux alors à naviguer sur le Lot. « Comme pour le village, André Breton a eu un coup de foudre pour la maison et il a toujours séjourné ici les trois mois d’été pendant les quinze dernières années de sa vie », explique Olivier Orus, peintre surréaliste et membre de l’association La Rose impossible, qui occupe la demeure afin de sauvegarder l’héritage du poète et lancer le renouveau du surréalisme. « Dès lors, la petite commune voit passer les artistes les plus célèbres du moment, comme Man Ray, Dalí, Juliette Gréco, Miró... », dit Olivier.

 

Écrin de l’art contemporain

Olivier Orus, peintre surréaliste et membres de l’association “La Rose impossible”.
© Bruno Morandi / Détours en France

Saint-Cirq-Lapopie était une terre d’artistes bien avant que le chantre du surréalisme la rende célèbre. Tous venaient y chercher l’inspiration, certains s’y sont installés comme Joseph Rignault, amateur d’art et galeriste parisien, qui avait acheté en 1922 l’ancienne demeure seigneuriale, le château de la Gardette, accrochée à flanc de falaise en surplomb du Lot. « Ce collectionneur d’art avait gardé des œuvres aux signatures prestigieuses comme Van Dyck, Fragonard, Boucher, Toulouse-Lautrec, et ses amis artistes venaient régulièrement ici. Aujourd’hui devenue musée, la maison de Rignault accueille des expositions pendant la saison estivale », précise notre guide qui y expose ses œuvres surréalistes. Le peintre catalan Pierre Daura avait acquis, lui, l’ancien hospice du XIIIe siècle pour y installer son atelier au début du XXe. Les maisons Daura sont désormais un écrin de l’art contemporain qui accueille des artistes internationaux en résidence. « Depuis le début du XXe siècle, les grands artistes se sont passé la main ici. C’est peut-être cette aura qui nous inspire tant, nous autres artistes contemporains », conclut Olivier.

 

La grotte du Pech Merle

La grotte du Pech Merle dans le Lot.
© Bruno Morandi / Détours en France

À une dizaine de kilomètres de Saint-Cirq-Lapopie, des créatifs issus des temps immémoriaux œuvraient sur les parois de la grotte du Pech Merle il y a 29 000 ans. En 1922, Henri Dutertre, Marthe et André David, trois adolescents de Cabrerets, se lancent dans une expédition géologique sur le terrain d’une ferme avec pour seuls outils quelques bougies et une corde. Après avoir rampé dans un boyau de 150 mètres à la seule lueur de leur cierge, les enfants découvrent, stupéfaits, des peintures préhistoriques. Là, à 40 mètres sous terre, dans une galerie longue de deux kilomètres, éclairé par la flamme d’une lampe à huile, l’homme de la préhistoire avait dessiné de grands herbivores quelque 10 000 ans avant que les artistes de la grotte de Lascaux réalisent leur chef-d’œuvre. Mammouths, bisons, aurochs, ours et équidés s’animent en épousant les reliefs naturels de la paroi et on croirait presque entendre le hennissement des fameux chevaux ponctués, les stars des 70 animaux dessinés dans la grotte. Les deux chevaux représentés dos à dos et tachetés de noir et de rouge auraient été réalisés selon la technique de ponctuation qui consiste à projeter des pigments à l’aide d’un roseau dans lequel on souffle. Autour d’eux, six mains au pochoir en noir ajoutent davantage de mystère. Au total, plus de 800 motifs sont recensés dans la cavité et l’émotion est d’autant plus grande que les visiteurs ont la chance de les contempler dans leur cadre naturel et géologique d’origine tels qu’ils ont été réalisés il y a entre 25 000 et 29 000 ans.

 

Les phospatières du Cloup d’Aural, le Jurrassic Park du lot

Le site des anciennes Phosphatières du Cloup d’Aral dans la vallée du Lot.
© Bruno Morandi / Détours en France

« Saint-Cirq-Lapopie est une île dont l’océan s’est retiré il y a des centaines de millions d’années », écrit le poète surréaliste Laurent Doucet, fondateur de l’association La Rose impossible. En effet, il y a 140 millions d’années, la mer recouvrait la région et en se retirant elle a laissé à nu les splendides plateaux karstiques sculptés, les futurs Causses du Quercy. Par la suite, pendant des millions d’années, l’eau a fait son œuvre sur les causses en creusant grottes, cavités, falaises et perçant rivières souterraines, canyons et gouffres. Vingt kilomètres au sud de Saint-Cirq-Lapopie, au lieu-dit Cloup d’Aural dans la commune de Bach, d’immenses gouffres promettent une aventure géologique hors du commun avec une plongée à 20 mètres sous terre où l’on retrouve une ambiance tropicale à la végétation luxuriante. Cadurcotherium, une sorte de rhinocéros primitif surnommée « la bête sauvage de Cahors » ; lophiomerix, un genre d’antilope ; ou nimravus, un redoutable félin... plus de 700 espèces d’animaux préhistoriques ont été retrouvées prises au piège dans ces trous béants (plus de deux cents dans le Quercy) que l’on nomme des « phosphatières ».

 

D’anciennes grottes

Le geoparc des Causses du Quercy dans la vallée du Lot.
© Bruno Morandi / Détours en France

Mais une phosphatière, c’est quoi ? À la fin du XIXe, des sites détectés riches en phosphate dans le Quercy ont été creusés et exploités pour en extraire ce minéral indispensable à la fabrication des engrais chimiques. « Parmi les phosphates, les ouvriers ont trouvé des ossements d’animaux au bout de leurs pelles. Et c’est ainsi, grâce à l’exploitation minière, que les paléontologues ont eu l’idée de lancer des fouilles dans des phosphatières et découvrir des fossiles. Ces cavités étaient couvertes de terre et personne ne soupçonnait leur existence auparavant », explique Frédéric Bérard, responsable du site des phosphatières du Cloup d’Aural. « Au départ, ce sont des grottes creusées par des rivières souterraines. Avec le temps et l’érosion, leurs plafonds s’effondrent les laissant à ciel ouvert durant quelques millions d’années. C’est là que les anciennes grottes devenues cavités ouvertes se remplissent progressivement d’argile et de carcasses d’animaux morts », continue Frédéric en montrant des dessins pédagogiques appuyant ses explications. Les premières se sont ainsi ouvertes il y a 50 millions d’années et les plus récentes il y a 20 millions d’années. Aujourd’hui, ces fossiles d’animaux constituent un enregistrement continu de 30 millions d’années de l’évolution de la Terre et offrent à la science une possibilité rare d’étudier la faune et le climat sur une longue période préhistorique. « Surtout, c’est l’endroit où la “Grande Coupure”, événement climatique majeur survenu il y a 34 millions d’années lors duquel l’Antarctique s’est recouvert de glace, est le mieux documentée au monde », explique Thierry Pélissié, conservateur de la Réserve naturelle nationale géologique du Lot. Les fossiles servent notamment à faire des projections sur les évolutions du climat et de la biodiversité pour le futur. « Nous avons constaté qu’à l’époque, le climat changeait avec 10°C de différence pour un million d’années. Aujourd’hui, nous avons pris un degré de réchauffement pour un siècle, ce qui veut dire 10°C en mille ans. On comprend que le changement climatique actuel est mille fois plus rapide que ce qui se passait auparavant. L’idée est de comprendre cette problématique bien réelle et d’ajuster nos comportements pour un meilleur avenir de notre planète. On s’intéresse au passé pour mieux appréhender ce qui nous attend », continue Thierry. Devenus une véritable référence mondiale, ces 200 sites de phosphatières ont valu au parc régional naturel des Causses du Quercy d’obtenir le label « Géoparc mondial Unesco ».