Le point de rendez-vous est fixé en fin d'après-midi à La Hague, devant la crêperie La Gravelette au hameau Dannery. Avant de donner le top départ de cette randonnée pas comme les autres, le guide Vincent Lemouton et son second s’assurent que le groupe possède l’équipement de base requis : une bonne paire de chaussures, un vêtement de pluie, une protection solaire, une casquette, une bouteille d’eau et, pour les plus prévoyants, un bâton.
Vincent Lemouton, le créateur de la rando Crapahut, est loin d’être un novice en matière d’escalade et de course en haute montagne. Son retour au pays a donné à ce guide accompagnateur et instructeur de marche nordique l’envie de mettre en place des escapades rocheuses autour du cap de la Hague. Le but de cette randonnée « crapahutante » : proposer aux participants de relier un point à un autre sur des parcours aux reliefs accidentés mais accessibles à toute personne dotée d’une bonne condition physique et d’un zeste de dextérité.
Descente sportive sur le GR223

Ce jour-là, au départ de La Hague, nous sommes une dizaine de randonneurs, âgés de 6 à 60 ans, à relever le défi. Depuis le sentier littoral, le GR223, le décor que l’on a sous les yeux est féerique : des falaises de gneiss ocre, veinées de cristaux de mica et de feldspath qui miroitent sous les rayons du soleil, des bouquets de bruyères mauve, des tamaris auxquels les vents ont offert des coupes punks, la mer − étonnamment calme − d’un bleu profond et limpide, telle « une âme mystérieuse dans ce grand diaphragme s’élevant et s’abaissant en silence », si l’on en croit Victor Hugo. Dans quelques instants, notre contemplation va céder place à une descente sportive jusqu’au niveau de la mer. La marée est basse et les bergeronnettes, hirondelles, gravelots et huîtriers pies s’en donnent à cœur joie à débusquer leur pitance tout du long de la laisse de mer.
Cap de La Hague en puissance
La première étape s’assimile à un chemin en pente douce, mais la balade sur ce mode « tranquille » passe rapidement la vitesse supérieure. Muni d’une machette, Vincent, notre guide, ouvre la voie d’un itinéraire hors piste de plus en plus abrupt. Pour un peu, nous pourrions presque faire le parallèle avec des mules à la recherche d’un point d’appui sur les pentes de l’Himalaya, certaines comme le creux du Mauvais-Argent pouvait rester à sec même par marée haute), où autrefois, entre le XVIe et la fin du XIXe siècle, les fraudeurs et contrebandiers organisaient leurs nombreux trafics avec les îles Anglo-Normandes : « pouquetins de p’tun » (ballots de tabac), barriques d’eau-de-vie, crustacés... nombre de vieilles histoires alimentent encore aujourd’hui la légende.
À la pointe de l'effort

Nous accélérons, d’autant que les failles, les terrains glissants et les voies encaissées entre deux hauteurs rocheuses impressionnantes obligent à quelques contorsions et positions à quatre pattes pour poursuivre sans risque la balade. Vincent nous indique que la mer, sous peu, remontera très haut jusqu’à recouvrir le sommet du rocher qui nous surplombe encore de plusieurs mètres. Petit à petit, il est vrai, nous commençons à ressentir davantage d’humidité dans l’air... la mer remonte, c’est indéniable.
Une ascension labyrinthique commence. On monte, on descend, on remonte, on redescend.
Les muscles des jambes et des bras se rappellent douloureusement à notre bon souvenir, mais finalement, c’est aussi cela que nous sommes venus chercher, une sorte de corps-à-corps avec une force naturelle vivante et puissante. Puis, contre toute attente et après un passage délicat à crête de cailloux, au cours duquel Vincent n’hésitera pas à assurer une aide physique en rappel, nous voilà au sommet, de retour à notre point de départ.

Randonnée au sommet avec vue sur le nez de Jobourg

Une pause casse-croûte est très appréciée et nous fait vite oublier nos trois heures trente d’efforts physiques. Depuis les hauteurs, le panorama nous apparaît grandiose. À notre droite, la beauté du soleil couchant sur le nez de Jobourg est à se damner. Vincent est content de l’escapade, la découverte et l’entraide dans les endroits délicats étaient au rendez-vous. Quant à nous, fatigués mais heureux, nous n’avons qu’une envie : recommencer en suivant un autre itinéraire.