Le Lauragais, comme un air de Toscane
Traversé par le canal du Midi, qui le scinde en deux, ce territoire plus agricole que touristique se distingue par la foison de collines plantées de fermes et de céréales. Ces paysages vallonnés, aux faux airs toscans, possèdent leur patrimoine emblématique : les clochers-murs des églises et les bastides, telle la splendide Revel. Si l’on ajoute que Riquet y a aménagé les ouvrages utiles au fonctionnement du canal, voilà de bonnes raisons de visiter ce pays de cocagne.
Le Lauragais est une illustration de la fameuse expression : un « pays de cocagne ». Il faut rappeler l’origine de cette métaphore, synonyme d’abondance et de fortune. Aux XVe et XVIe siècles, la région cultive le pastel, une plante donnant une teinture bleue que l’Europe s’arrache. Écrasée par des meules, la pulpe des feuilles est agrégée en pelotes rondes : les coques, ou « cocagnes », dont on tire le produit qui fait la richesse de grandes familles toulousaines – de nombreux hôtels particuliers dans la Ville rose en témoignent.
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Des champs blonds dodus
De nos jours, en dépit des tentatives de relance et de l’existence d’une « Route historique du pastel » (passant par Revel, Villefranche-de-Lauragais et Montgeard, notamment), ce sont les céréales et d’autres cultures intensives (tournesol, colza, luzerne...) qui donnent sa couleur au paysage. Ce ton chaume très esthétique, qui ondule de creux en bosses, façonne l’été un décor de « tapis ras » (quand blé et orge sont coupés), ou de « hérisson » (quand les céréales sont sur pied). Entre Villefranche-de-Lauragais et Revel, pas une route qui ne délivre cette image d’Épinal de champs blonds dodus, entrecoupés de parcelles vertes. La paille fraîchement taillée, chargée en bottes sur des semi-remorques, diffuse un parfum délicieux. L’un des plus jolis tronçons relie Le Vaux à Les Cassés. À cheval entre Haute-Garonne et Aude, ce bout de Départementale est un bonheur d’itinérance champêtre.
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Les cloches à l'air libre
Les paysages du Lauragais se reconnaissent à un autre indice : les clochers-murs, typiques des périodes romane et gothique méridionale. Leur origine tient à l’économie de moyens déployés lors de leur construction. À quoi bon s’embarrasser de hauts clochers coûteux pour suspendre de petits carillons, alors qu’en exhaussant un simple mur-pignon, percé de baies, on pouvait les y loger ? Et puisque la brique est le matériau typique de la région toulousaine, beaucoup de murs affichent leur élévation couleur brun-rosé au-dessus des villages ruraux. C’est ainsi que le territoire se couvre d’églises à fronton ajouré, avec des cloches à l’air libre. Le «jeu», en Lauragais, consiste à divaguer sur les routes pour rechercher les plus typiques, aperçues, parfois de loin, au détour d’un virage. Il y a les clochers-murs à pignons triangulaires, percés d’une à... onze baies campanaires. On peut citer : l’église Sainte-Marie, à Baraigne, près du seuil de Naurouze ; de Saint-Martin, à Vaudreuille ; et – peut-être la plus remarquable d’entre toutes – l’église de l’Assomption-de-Notre-Dame (XIVe siècle), à Molandier, au sud de Villefranche-de-Lauragais.
Sens artistique
Les clochers-murs dits « à peigne » sont toutefois les plus caractéristiques. Généralement hauts d’une vingtaine de mètres, ils sont composés d’une à deux rangées horizontales de baies, surmontées parfois d’un ultime pignon. Certains prennent une allure fortifiée, avec un encadrement de tourelles et de pinacles. Comme le très esthétique clocher de l’église de Plaigne (à l’extrême Sud du Lauragais, près de Belpech), avec sa ligne haute crénelée. Le charme de celui de Saint-Julia de Gras-Capou, à l’ouest de Revel, est évident. Dans ce village-refuge, où l’on accède par les deux portes fortifiées de Cers et de l’Autan, l’église du XIVe siècle porte un clocher-mur à deux niveaux et quatre baies campanaires, bordé de pinacles en forme d’obus et couronné de merlons, au milieu desquels est suspendue une dernière clochette. Le sens artistique est garanti. Surtout à midi, lorsque le son aigrelet du petit carillon invite à passer à table. Une des cloches date de 1396 : ce serait la plus ancienne de Haute-Garonne. Pour l’anecdote, le chœur de l’église fut restauré, à la fin du XVIe siècle, grâce à un don de Marguerite de Valois. De par sa mère Catherine de Médicis, elle avait hérité du titre de comtesse du Lauragais et fut « dame et seigneuresse » de Saint-Julia, de 1580 à 1606.
Une « Toscane française »
Il y aurait beaucoup à dire sur les clochers-murs du Lauragais. On ne partira pas sans avoir vu ceux, spectaculaires, de Villenouvelle, de Montesquieu et d’Ayguesvives, ainsi que le simple mais esthétique clocher du Vaux. Celui de Montgiscard est splendide, avec sa double rangée de trois cloches, enserrée entre deux tours à la brique conquérante. Il ressemble à celui de Villefranche-de-Lauragais, dressé au milieu de la rue commerçante, un peu endormie, de l’ancienne capitale du Lauragais. Les villes ne sont pas le point fort de cette région avant tout rurale. Villages et fermes isolées en brique ont la primeur, inspirant ce surnom : « Toscane française ». Les bourgs sont souvent en hauteur et leurs maisons, bâties autour des crêtes de collines, laissent les jardinets dévaler sur les premières pentes.
Vue sur les Pyrénées
Le bourg le plus harmonieux est Saint-Félix-Lauragais. Une collégiale à plafond peint, une ancienne commanderie dans son jus, une place centrale façon bastide, avec une Halle du XVe siècle à piliers de bois, coiffée de tuiles et flanquée d’une tour ronde, que surmonte la statue de la Vierge (1863). Voilà pour le décor. Il y a aussi un château seigneurial, massif, ouvert au public. On y jouit d’une vue panoramique sur la campagne. Du village, par beau temps, on voit les Pyrénées... Reste la bastide de Revel, la plus jolie ville du Lauragais. Sur l’admirable place à arcades, où trônent la Halle en bois du XIVe siècle et son beffroi, hôte chaque samedi d’un marché de plein vent remarquable classé dans les « 100 Plus Beaux de France », se tient, dans un angle, une maison en brique. En 1648, Pierre-Paul Riquet, alors « Fermier général des gabelles », la loua dans l’idée de travailler, déjà, à son projet de « Canal royal du Languedoc ». Un prétexte de plus pour visiter cette cité de 10 000 habitants, où l’on observe des maisons à colombages et à encorbellements, témoins de son origine médiévale.
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